La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Retour à Berratham"… parlez-moi de danse !

"Retour à Berratham", Théâtre National de Chaillot, Paris

Angelin Preljocaj lie la Danse au Théâtre, le Corps à la Parole. Dans un spectacle qui mêle des chorégraphies aussi antinomiques les unes aux autres par leur griffe artistique, le chorégraphe nous invite dans un univers où les contraires se marient.



© Jean-Claude Carbonne.
© Jean-Claude Carbonne.
Allier le théâtre à la danse ne tombe pas sous le sens. Le premier est au corps ce que le second est à la parole. Corps et parole se mêlent, se conjuguent mais se marient difficilement. Lorsque la danse se fait, la parole s'éclipse. Preljocaj relève le défi en faisant cohabiter les deux.

Quand la danse est seule sur scène, l'atmosphère est énergique ou recueillie. Quand le théâtre s'immisce, la parole devient presque une Loi donnant une solennité au spectacle. Dans les scènes de théâtre, la parole habille la gestuelle des danseurs tout en la bousculant.

Les danses sont portées par une énergie forte et bousculée ou par un rythme lent et "ramassé". Une chorégraphie laisse voir les membres inférieurs et supérieurs des danseurs faisant balancier avec leur abdomen. Là, les mouvements deviennent amples et très découpés. Les membres supérieurs s'étendent, s'étirent avec le corps des danseurs planté sur leur pied gauche avec un pied droit faisant des allers-retours au-dessus de celui-ci.

© Jean-Claude Carbonne.
© Jean-Claude Carbonne.
Dans une autre chorégraphie, le temps semble s'écouler tout doucement. Les mouvements sont au ralenti, les jambes se lèvent, pointant le bout de leurs pieds. Cela respire la symphonie corporelle et les danseuses sont disposées comme des nénuphars qui flotteraient sur une eau glissante.

Ainsi, Preljocaj fait du Temps, un écoulement continu ou en rupture, ralenti ou rapide. La parole est toujours claire, forte et il n'y a pas de dialogue. Le silence accompagne souvent les chorégraphies. Et la gestuelle des corps est aussi ample que contenue, courbe que droite.

C'est une danse théâtralisée où la parole accompagne les corps faisant d'eux comme une caisse de résonance où l'organique rejoint le vocal. C'est le théâtre qui se marie à la danse. Deux univers se dépossèdent, pour le premier de la souveraineté de sa parole et pour le second de son corps, pour se réunir dans une même communion. Comme un Occident des corps qui s'allie à l'Orient de la parole.

En ces temps de troubles, de peurs et de raccourcis politiques, c'est un bien beau programme artistique !

"Retour à Berratham"

© Jean-Claude Carbonne.
© Jean-Claude Carbonne.
Chorégraphie et mise en scène : Angelin Preljocaj.
Texte : Laurent Mauvignier.
Scénographie : Adel Abdessemed.
Avec : Virginie Caussin, Laurent Cazanave, Aurélien Charrier, Fabrizio Clemente, Baptiste Coissieu, Margaux Coucharrière, Emma Gustafsson, Verity Jacobsen, Caroline Jaubert, Emilie Lalande, Barbara Sarreau, Niels Schneider, Liam Warren, Nicolas Zemmour.
Lumières : Cécile Giovansili-Vissière.
Création sonore : 79D, assisté de Didier Muntaner.
Musique additionnelle : Georg Friedrich Haendel, Fatima Miranda, Abigail Mead.
Costumes : Sophie Ghellert.
Réalisation des costumes : Margarita Ospina.
Assistant adjoint à la direction artistique : Youri Aharon Van den Bosch.
Choréologie : Dany Lévêque.
Direction : Nicolas Saïd.
Direction technique : Luc Corazza.
Régie générale et son : Martin Lecarme.
Régie lumières : Sébastien Dué, Jean-Sébastien Nehr.
Electricien : Julian Rousselot.
Régie plateau : Khalil Bessaa
Régie costumes : Martine Hayer
Fabrication décors : Atelier du Petit Chantier, Atelier CHD Art-Production (voitures).
Durée : 1 h 35.

Du 29 septembre au 23 octobre 2015.
Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20 h 30, jeudi à 19 h 30, samedi 10 octobre à 17 h, dimanche à 15 h 30.
Théâtre National de Chaillot, Salle Jean Vilar, Paris 16e, 01 53 65 30 00.
>> theatre-chaillot.fr

© Jean-Claude Carbonne.
© Jean-Claude Carbonne.

Safidin Alouache
Vendredi 9 Octobre 2015

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024