La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Inventions"… Création inventive !

Mal Pelo, la compagnie créée par Marìa Muñoz et Pep Ramis, s'immisce dans les différents rayons artistiques de la création. Autour de Bach, appuyé par des instruments à cordes, alternent théâtre, chants d'opéra, poésie et vidéo autour de chorégraphies où les corps s'allient et se rencontrent, se séparent et s'empoignent dans des rythmes aussi vifs que soutenus.



© Tristan Perez-Martin.
© Tristan Perez-Martin.
Vaste scène où une vidéo en noir et blanc d'une forêt s'anime. Des arbres se dégagent d'un flou sylvestre dans lequel une végétation se dessine. Un texte poétique en anglais puis en français parle de chevaux, de champs, de flammes, de désirs sans doute, d'amour assurément avant que la vidéo débute. Avant l'entame de la représentation, un mendiant ou peut-être un "sauvage" des forêts, habillé uniquement de ses couvertures, flâne sur les planches. Sans un mot. On le retrouve par intermittence plus tard dans un rapport au groupe toujours isolé, mais relié à lui comme si le spectacle, en tant que spectateur marginal au début puis acteur, était devenu pour lui une délivrance de ce qu'il est.

Chants d'opéra, danse et musique s'enchaînent, s'accompagnent, se suivent. C'est superbe car un souffle de liberté semble habiter chacun. Cela démarre presque doucement. Sur une petite scène qui se déplace sur des roulettes, quatre musiciens, dont deux violonistes, un joueur de viole et un violoncelliste, battent la mesure. Dans des envolées classiques autour de Jean-Sébastien Bach, se marient superbement les chorégraphies.

© Tristan Perez-Martin.
© Tristan Perez-Martin.
Celles-ci sont de différentes natures. Les gestuelles sont lâches au début avec des membres supérieurs légèrement tombant dans des trajets qui semblent dessiner une courbure dans un espace-temps où des demi-cercles finissent en forme de virage. Cela est conduit avec une apathie gracieuse. Plus loin, les mouvements sont plus fermes, plus anguleux pointant des lancés dans l'espace via les membres supérieurs ou les corps se laissent tourbillonner autour de leur axe en s'abaissant légèrement. On se prend aussi dans les bras, dans des tremblements qui alternent à d'autres moments avec une fermeté corporelle, toujours gracieuse.

Les chorégraphies sont à l'image de ce qui se passe sur les planches. Variées, diverses, légères comme des plumes à la gestique telle une virgule, finissant parfois en point d'exclamation quand les positions sont debout après que les membres aient fini de faire des mouvements semi-circulaires, à mi-hauteur, caressant des plantes des pieds les planches.

Le chant prend les rênes autour de quatre chanteurs qui encadrent, entre deux rangées verticales délimitées par une dizaine de mètres, les autres interprètes. C'est une mosaïque artistique où les comédiens sont aussi danseurs. Tous les arts se marient, la danse se fait théâtre, appuyée par une voix d'opéra puis un chœur accompagné toujours par la musique de Bach où "Cantates – Partita numéro II" et "L'art de la fugue" se font entendre. Celle-ci est quasi omniprésente.

© Tristan Perez-Martin.
© Tristan Perez-Martin.
Au milieu de la scène, la mélodie monte dans les gammes autour d'une interprétation où les musiciens font monter le tempo avec un personnage qui tape via une hache avec rythme sur une bûche suspendue. Ce décalage entre la rusticité de celle-ci et le bois travaillé des instruments donne un mariage sonore de toute beauté.

Un souffle de liberté balaie la scène car le théâtre, incarné en solo à tour de rôle, est sous forme souvent d'interpellation en français, en anglais ou en espagnol. On interroge et on s'interroge sur scène. Dans leurs constructions chorégraphiques, dans les notes qui s'échappent des instruments, c'est cette même liberté qui s'incarne avec des artistes qui s'expriment avec une simplicité toute naturelle où la gestuelle est autant individuelle, car faite souvent de façon différente par chaque interprète, que collective, car appuyée et suivie par chacun d'eux.

Dans ce rapport à la scène et à l'autre, c'est une multitude de gestiques, d'attitudes qui donne à la représentation ce visage de liberté et de fraternité où chacun garde sa particularité tout en étant ensemble. Très beau spectacle nourrit de beaucoup d'originalité et de créativité !

"Inventions"

© Tristan Perez-Martin.
© Tristan Perez-Martin.
Direction artistique : María Muñoz, Pep Ramis.
Direction musicale : Joel Bardolet et Quiteria Muñoz.
Aide à la direction : Leo Castro.
Quatuor à cordes : Joel Bardolet (violon), Jaume Guri (violon), Masha Titova (viole), Daniel Claret (violoncelle).
Quatuor voix : Quiteria Muñoz (soprano), David Sagastume (contreténor), Mario Corberán (ténor), Giorgio Celenza (basse).
Danseurs : Pep Ramis, María Muñoz, Federica Porello, Zoltan Vakulya, Leo Castro, Miquel Fiol et Enric Fàbregas.
Espace sonore : Fanny Thollot.
Costumes : CarmePuigdevalliPlantéS.
Décors : Kike Blanco.
Son : Andreu Bramon.
Illumination : Irene Ferrer, August Viladomat.
Cie Mal Pelo/Maria Muñoz & Pep Ramis.
Durée : 1 h.

Du 23 au 28 novembre 2021.
Du mardi au vendredi à 19 h, samedi à 17 h, dimanche à 11 h.
Grande Halle de la Villette (dans le cadre de la programmation hors les murs du Théâtre de la Ville), Paris 19e, 01 40 03 75 75.
>> lavillette.com

© Tristan Perez-Martin.
© Tristan Perez-Martin.

Safidin Alouache
Samedi 27 Novembre 2021

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024