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Avignon 2019

•Off 2019• Ils n'avaient pas prévu qu'on allait gagner Les oubliés donnent de la voix

Lorsque la révolte enkystée, faisant corps avec les jeunes en errance, trouve enfin une voix chorale pour pouvoir se dire, elle fait trembler les murs du foyer d'accueil d'urgence où se retrouvent tous les oubliés, placés là d'office par mesures de protection de l'enfance en danger. Éducateurs, psychologue, comédienne animatrice de l'atelier théâtral, devront faire front à leurs assauts répétés, sans vaciller, si malmenés soient-ils à leur tour.



© Caroline Bottaro.
© Caroline Bottaro.
En effet, c'est de leur capacité à résister, à eux aussi adultes, que de cette rude confrontation pourra, ou non, advenir un changement radical dans son rapport à la société et à elle-même de cette jeunesse malmenée, salie, brisée. Les professionnels le savent, ils ont choisi ce métier en connaissance de cause. Aucune dérobade ne leur est permise car c'est de leur authentique solidité, ils en sont convaincus, que le lien de confiance pourra se retisser.

La violence qui éclate sous les sunlights médiatiques est toujours l'effet d'une violence souterraine subie, moins spectaculaire mais ô combien plus pérenne. Le parcours singulier de chaque jeune est là pour en attester. S'extrayant du canapé où avachis les uns contre les autres, ils se donnaient un peu de chaleur, ils vont débouler un à un "face au public".

La jeune fille volubile qui rêve de jouer Bérénice, le jeune homme slameur dont l'idole est l'antisémite Dieudonné, le Vietnamien emmuré dans un silence agressif qui s'est fait prendre à Roissy avec de la drogue, le jeune homme qui rêvait d'études pour devenir chirurgien massacré par un père rejetant, la jeune fille qui se fait frapper dur par son beau-père… Un échantillon représentatif de ce foyer en ébullition où chacun, venu fuir la violence extérieure, va trouver la violence des autres.

Chacun, à sa manière, va croiser les parcours des autres pensionnaires en un point commun : sans exception, ils ont tous connu peu ou prou l'humiliation, la domination arbitraire, les coups répétés, les violences sexuelles et les bleus à l'âme, et - surtout - le sentiment bien réel qui ne les quitte désormais plus, d'être abandonné parce que "l'on est de trop".

© Caroline Bottaro.
© Caroline Bottaro.
Alors pour exister, pour se faire entendre, pour adresser au-delà de leurs comportements hors règles un cri d'appel, jusqu'ici ils n'ont trouvé que le passage à l'acte répété à l'envi, les délivrant d'une angoisse sans parole articulée à leur mal. L'enjeu actuel, est d'articuler leur mal à leur parole pour que celle-ci puisse, sinon les en délivrer, du moins les apaiser.

Mission complexe pour ceux qui - face au public comme les jeunes précédemment - ont leur moment de doute. Interrompant alors le jeu de leur personnage pour une adresse directe ayant effet de coup de poing, ils lâchent : "leur champ de bataille a envahi ma vie". Les métamorphoses sont longues parfois à venir et cheminent avec des allers-retours aussi nécessaires qu'éprouvants. Fernand Deligny, anarchiste et éducateur disait déjà, dans "Graine de crapule" (1945) à ceux qui font profession (de foi) d'éduquer : "si tu crois avoir réussi avec celui-ci et que le jour d'après il rechute, si tu t'en trouves affecté et te décourages, alors change de métier".

Par le biais d'une écriture qui traduit l'intensité des zones de turbulences traversées, par l'entremise de ce "mentir vrai" que le poète Louis Aragon assignait au contrat littéraire, la vérité à laquelle chacun est en quête va exp(l)oser ses ramifications vivaces empruntant le corps et la voix de vrais acteurs porte-parole sur un plateau de théâtre qui devient le lieu du réel recomposé.

Sans angélisme aucun, ni souci d'un happy end édifiant, l'action se déroule percutée d'éclats, pour faire entendre la détresse des jeunes et de ceux qui sont en charge d'eux, leur extrême violence mais aussi leur désir émouvant de tendresse, et de pauses réflexives, pour traduire leurs interrogations intimes. Et si la "réussite" en ce domaine reste toujours un épiphénomène ardemment souhaité, le travail de fond ne peut se mesurer à la seule aune de critères comptables.

Ainsi, la gigantesque pendule, immobile et sans aiguille, suspendue au-dessus de la cage de verre où l'autorité se dit, prend-elle valeur de symbole en rappelant à qui l'aurait oublié, la nécessité en matière éducative, de laisser du temps au temps.

"Ils n'avaient pas prévu qu'on allait gagner"

Texte : Christine Citti.
Mise en scène et scénographie : Jean-Louis Martinelli.
Avec : Christine Citti, Yoann Denaive, Loic Djani, Zakariya Gouram, Yasmine Hadj Ali, Yasin Houicha, Elisa Kane, Kenza Lagnaoui, Margot Madani, François-Xavier Phan, Mounia Raoui, Samira Sedira.
Chorégraphie : Thierry Thieû Niang.
Costumes : Élisabeth Tavernier.
Création lumière : Jean-Marc Skatchko.
Création son : Sylvain Jacques.
Construction décor : Ateliers de la MC93.
Cie Allers/Retours.
Durée : 1 h 35.
À partir de 12 ans.

•Avignon Off 2019•
Du 5 au 28 juillet 2019.
Tous les jours à 11 h, relâche le mardi.
Théâtre des Halles, Salle Chapitre
4, rue Noël Biret.
Réservations : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com

Tournée 2019-2020

4 et 5 octobre 2019 : Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules (83).
8 et 9 octobre 2019 : Théâtre du Gymnase, Marseille (13).
17 et 18 octobre 2019 : l'Espace des Arts - Scène nationale, Chalon-sur-Saône (71).
5 au 7 novembre 2019 : la MC2 - Scène nationale, Grenoble (38).
23 et 14 novembre 2019 : Théâtre de Sartrouville - CDN, Sartrouville (78).

Yves Kafka
Dimanche 21 Juillet 2019

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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… face aux normalisations sociétales et idéologiques

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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024