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Avignon 2019

•Off 2019• Reconstitution Scène de crime, autopsie d'un amour à cœur ouvert

Faire de l'intime vécu par l'ex-couple à la ville, acteurs au plateau, Véronique Dahuron et Guy Delamotte, le sujet d'une performance théâtrale dont "ils seront les héros" apparaît un défi humain et artistique autant pour les protagonistes-personnes-personnages que pour l'écrivain metteur en scène Pascal Rambert aimant tremper sa plume dans le vif des sujets. "Reconstitution" se présente comme la scène épilogue d'un amour et désamour exacerbés, la scène d'un "crime presque parfait".



© Tristan Jeanne-Valès
© Tristan Jeanne-Valès
Face à face, deux êtres séparés par le vide du plateau. Derrière eux, en fond de scène, quatre tables à roulettes. À chaque extrémité, les deux encombrées de cartons recelant les souvenirs gardés par chacune de leurs unions, boîtes nombreuses pour elle, réduites à la portion congrue pour lui. Celles du centre accueillant accessoires et vivres pour soutenir un long siège. Pieds rivés au sol, ils s'apprêtent à affronter droit dans les yeux ce passé qui insiste et n'arrive pas à passer en eux.

S'ils se retrouvent en effet d'un commun accord dans cette pièce louée pour la circonstance, huis clos à double tour scellé par les clés jetées au fond de la pièce et les portables entreposés dans une boîte, c'est parce qu'il s'agit de l'ultime rencontre. Celle où pour en finir avec les ressentiments qui cognent à la porte, on décide de se réconcilier… dans le désamour.

Entre eux, une souffrance partagée, leur fille partie s'exiler au Moyen Orient pour fuir leur histoire à eux deux. Mais encore plus pour échapper à sa mère à laquelle elle ne veut surtout pas ressembler. Les liens du sang entre filles et mères sont ainsi faits. Et puis le ressentiment très fort de la femme, détruite par le départ de son homme pour une autre, une "banalité" somme toute, vécue comme une brisure. À la question pressante posée par elle "Tu me promets de ne pas t'arranger avec la réalité ?", lui répond, apparemment détaché, "la réalité a pris la forme d'un cancer du sein pour toi, d'un grand verre de fraîcheur pour moi".

© Tristan Jeanne-Valès
© Tristan Jeanne-Valès
Le ton est donné : ils ne s'épargneront pas. Mais ce jeu de la vérité n'est pas sans danger. En creusant ce qui fut, en exhumant les photos anciennes - lui en Che Guevara, le cigare aux lèvres, elle, rayonnante, au bord de la piscine, et puis le cliché de la terrasse vide lorsqu'il l'a quittée -, les livres lus ensemble sous la couette dont les pages collées portent encore les traces de sperme, ou encore le poème écrit l'un pour l'une, c'est tout un passé brûlant qui est réactivé. "On a vu souvent rejaillir le feu de l'ancien volcan que l'on croyait trop vieux", chantait Brel, et lorsque lui, lui fait entendre "Une petite cantate" de Barbara, ces deux-là sont à deux doigts de se laisser prendre par un retour de l'amour refoulé. Mais non, ils ne sont pas là pour ça.

Les feuilles des livres lus, arrachées à leur "reliure", vont être infusées dans la soupe asiatique confectionnée au plateau et partagée ensemble. Si elle rappelle le doux goût du Masque et la Plume, cette soupe des dimanches soirs de leur passé commun, elle porte aussi celui amer du gâchis des déchirures.

Reconstituer le passé, pour tenter d'en désactiver la charge hautement inflammable, prend aussi la forme d'un jeu de rôles dans lequel ils vont revivre grandeur nature, "en habits d'époque", le cadre de leur rencontre et du premier regard échangé devant le ciel bleu. "Jeu" qui peut s'avérer des plus cruels tant ça peut faire mal de confronter les pleins des temps fusionnels aux déliés de la perte présente.

Cette mise à nu - métaphorique mais aussi réelle - d'une "Reconstitution" passant par la dissection au scalpel d'un amour défunt, réserve une chute "dramatique"… qu'on ne dévoilera pas. Mais ce qui peut être dit, c'est la force implacable du texte et de la mise en jeu de Pascal Rambert donnant à voir et à entendre, avec la précision d'un médecin légiste passionné, les fragments épars d'un discours amoureux porté à son incandescence par un couple d'acteurs, Véronique Dahuron et Guy Delamotte, sachant d'où et de quoi ils parlent.

"Reconstitution"

© Tristan Jeanne-Valès
© Tristan Jeanne-Valès
Texte : Pascal Rambert.
Mise en scène, scénographie, lumières : Pascal Rambert.
Avec : Véro Dahuron et Guy Delamotte.
Régie lumière : Fabrice Fontal et Olivier Bourguignon.
Régie plateau : Pénélope Germain.
Durée : 1 h 50.
À partir de 15 ans.
Cie Le Panta Théâtre.

•Avignon Off 2019•
Du 5 au 14 juillet 2019.
Tous les jours à 11 h 40, relâche le 11.
La Manufacture/La Patinoire
2 bis, rue des écoles.
Réservations : 04 90 85 12 71.
>> lamanufacture.org

Yves Kafka
Mercredi 10 Juillet 2019

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024