La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Oüm"… L'Orient et l'Occident entre danse, chant et poésie

C'est une immersion vers un ailleurs d'un Orient où résonne, avant le début du spectacle, la chanteuse égyptienne Oüm Kalthoum reprenant un poème d'Omar Khayyam. Accompagné de percussions, d'oud et de guitare électrique, le chorégraphe Fouad Boussouf avec sa compagnie Massala nous fait revivre ses souvenirs d'enfance au Maroc et les émotions universelles d'amour, de volupté et d'instants présents.



© Elian Bachini.
© Elian Bachini.
Obscurité sur scène alors que se détache une lumière qui oscille de son perchoir. Côté jardin, ils sont six. Cela démarre par une danse de groupe, par petites enjambées, les pieds décollant un peu du sol pour se déposer quelques centimètres plus loin de façon répétitive, la tête de biais descendant et se relevant par automatisme, le talon tapant le sol afin que le haut du pied se lève.

Le verbe est aussi présent au travers d'un quatrain du poète et savant persan Omar Khayyam (1048-1131) qui a été chanté en arabe par Oüm Kalthoum (1898-1975). Ce sont des appels à profiter des instants présents avant que l'avenir, au destin incertain, ne les vole. La représentation est ainsi un mélange de poésie et de gestes, de verbe et de toucher, d'esprit et de corps. Le tout accompagne un moment la représentation avec ces quatrains entonnés par Fouad Boussouf. Ce qui donne lieu à un découplage entre le corps et la voix, celle-ci secondant celle-là ou l'inverse.

© Elian Bachini.
© Elian Bachini.
Qui mène le bal ? L'un ou l'autre, ou les deux. Peu importe car la représentation devient poétique verbale ou poème dansé avec une voix en appui entourée d'enlacements qui s'accompagnent de têtes s'enfonçant dans les troncs, toujours avec sensualité. Tout se mêle comme si la voix devenait l'alliée du corps pour prolonger les gestes de leur poésie. Plus tard, c'est au tour du musicien Mohanad Aljaramani de prononcer les quatrains, micro devant la bouche sur le bord de la scène, en abandonnant un moment son oud lors d'une chorégraphie.

Cette rupture qui officie une parole dans un spectacle de gestes apporte une résonance particulière. Même si la voix ne prend pas une dimension caractéristique, elle apporte un timbre venu d'ailleurs. Entre ces lieux lointains qui se réunissent musicalement au travers de percussions, d'oud et de guitare électrique, quelques mouvements des épaules rappellent un tantinet la danse du ventre sans pour autant qu'elle apparaisse un élément moteur, la gestuelle étant nourrie par différents tempos.

© Elian Bachini.
© Elian Bachini.
Les configurations artistiques sont multiples avec des groupes qui se séparent et se retrouvent. Ou des solos qui se transforment en duos. En cercle, les protagonistes sont en équilibre, les muscles tendus tirés vers le centre. Puis plus loin, les danseurs se mettent en pyramide avec au sommet, une personne qui tombe à plat sur le dos vers ses protagonistes. Et là démarrent un autre tempo et une autre rupture servis par d'autres lumières.

Il y a aussi des déplacements où dos tournés au public, le pied en appui, les artistes remontent vers l'arrière-scène. La gestuelle est multiple avec des contacts des uns avec les autres et un rythme qui oscille entre tension et sensualité. Soit vives, soit sensuelles, soit nerveuses, les gestiques nourrissent les artistes dans leurs touchers où ils deviennent des appuis, des absences, voire des axes rotatifs portés sur les épaules pour ensuite virevolter. Les interprètes sont aussi en proie à des vibrations nerveuses. Ce sont aussi les plats des pieds qui tapotent un peu frénétiquement le sol avec des danseurs un peu suspendus dans les airs par des petits sauts dans une dynamique vive.

© Elian Bachini.
© Elian Bachini.
Ainsi, le spectacle se séquence en différents tableaux où viennent se croiser des gestuelles qui nous mènent vers des rivages où se mêlent musicalement l'Orient et l'Occident au travers de vers poétiques dans un espace-temps où les frontières s'abolissent. Très réussie et très belle, cette création est à plusieurs entrées qui ne se cantonnent pas à un seul périmètre artistique où chacun devient par moments soit l'élément d'un ensemble, soit sa propre partition. En écho à l'Orient avec son mode de vie basée autour de l'idée de famille et l'Occident avec son individualisme.

"Oüm"

© Elian Bachini.
© Elian Bachini.
Chorégraphe : Fouad Boussouf.
Assistant chorégraphe : Sami Blond.
Avec : Nadim Bahsoun, Sami Blond, Mathieu Bord, Loïc Elice, Filipa Correia Lescuyer, Mwendwa Marchand.
Compositeurs et musiciens : Mohanad Aljaramani (oud, percussion, chant), Lucien Zerrad (guitare, oud).
Arrangements sonores : Marion Castor et Lucien Zerrad.
Dramaturgie : Mona El Yafi.
Scénographie : Raymond Sarti.
Costumes : Anaïs Heureaux.
Lumière : Fabrice Sarcy.
Par la Compagnie Massala.
Durée : 1h .

A été joué du 29 juin au 1er juillet 2022.
Au Montfort Théâtre
>> lemonfort.fr

Safidin Alouache
Mercredi 13 Juillet 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024