La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

Gatomaquia… tout un cirque… pour une bataille de chats !

Galván bouscule à nouveau le flamenco dans l'univers circassien. Autour de danses tziganes, le spectacle s'immisce dans l'arrière-cour du cirque Romanès pour nous dévoiler la compagnie de ses chats. Le chorégraphe renverse une nouvelle fois les codes des traditions flamencas dans l'essence de sa représentation.



© DR.
© DR.
Israel Galván surprenant ? Ce n'est presque plus une surprise. Surprenant dans son approche et sa manière d'appréhender le flamenco, noble et viril dans sa posture et ses attitudes, par un abord où les sexes sont inversés, où la virilité n'est jamais présente au plateau sans qu'une once d'anima assumée, de féminisme avérée n'accompagne la gestuelle, le mouvement.

Il s'était déjà habillé en robe dans un précédent spectacle. Là, il récidive en portant des talons aiguilles. D'abord aux mains en les faisant sonner sur la scène, puis aux pieds.

Certaines autres performances scéniques ont beaucoup plus de cachet. Mais peu importe, le clou n'est pas forcément dans sa technique, qu'il montre depuis des années, mais dans son rapport à son art, à la place qu'il lui donne en bousculant ses rites scéniques et ses codes. Il les renverse, porte l'ambivalence sexuelle en conviant les deux sexes dans un seul corps.

Le flamenco évolue en devenant de plus en plus unisexe dans sa gestuelle. Galván prend le contrepied de cette approche en affirmant la transsexualité de cet art avec ses talons aiguilles.

© M. Jacob.
© M. Jacob.
L'approche est complètement décalée avec Israel Galván arrivant sur une planche de bois, à chaque pied. Il montre ainsi que l'habit ne fait pas le moine, la chaussure, les taconeos*, et que seuls le corps et l'attitude sont essentiels. Son entrée dans ce spectacle est ainsi aux antipodes d'un artiste de renom. Il utilise aussi des éléments d'une présence singulière sur un plateau, celui d'un rocking-chair où il joue de bascules, d'équilibres, de taconeos.

C'est aussi une affaire de son, de sonorité. Chez Galván, le "bruit" musical, la tape sur le sol ou sur un tambourin est toujours forte et rapide comme pour marquer son territoire, sonore et géométrique. Il fait du taconeo l'élément moteur de son jeu même si le geste reste un élément essentiel. Le rythme est rapide, vif, s'accélère puis la jambe se lève, bat les airs pour apporter un souffle, un repos dans ces mouvements rapides, cassant un peu le rythme.

Puis cela repart, le corps bascule vers le sol, le caresse en s'allongeant sur la jambe gauche, le tronc basculant vers la scène. C'est ainsi deux approches d'un même corps à deux instants différents qui cohabitent, le premier du talon avec les taconeos qui donnent un rythme, un souffle, une force à la scène et le second avec le corps qui la caresse de son tronc et de ses jambes.

© DR.
© DR.
C'est ce qui fait la force de Galván, son originalité, un talent qui l'amène à prendre pour décor tout élément du monde. Un ensemble hétéroclite dans un lieu tout aussi hétéroclite, celui du cirque Romanès avec derrière son rideau une arrière-cour de chats, de casseroles et d'ustensiles de cuisine. C'est le flamenco au plus proche de ses rapports au réel, à ce qui peut lui faire aussi obstacle qui se trouve transformé en appui.

Puis deux danses tziganes accompagnent le spectacle avec également un exercice d'équilibre dans les airs. La première fait tourbillonner sur son axe une danseuse aux cheveux blonds et longs. La seconde ressemble étrangement à du flamenco avec des pieds qui tapent le sol des plantes et des talons, accompagnés de claquement de mains sur les jambes.

Enfin, il y a Caracafé, guitare à la main, qui fait des solos donnant le tournis. L'attaque et la rapidité des accords avec leur belle sonorité donnent un cachet musical indéniable au jeu de Galván. Tout y est. Le décor, le son, la musique, la danse sanctifiés par le talent.

* Les taconeos sont les mouvements de pied rapides, des talons sur le sol. Ils sont faits sur les deux pieds et sont caractéristiques du Flamenco. Ils peuvent avoir différentes modulations selon le tempo musical.

"Gatomaquia"

© M. Jacob.
© M. Jacob.
O Israel Galván bailando para cuatro gatos.
Conception, chorégraphie : Israel Galván.
Son : Pedro León.
Lumières cirque : Romanès Dorin.
Régie plateau : Balbina Parra.
Directeur technique : Pablo Pujol.
Danse : Israel Galvan.
Guitare : Caracafé.
Chant : Delia Romanès.
Poète, récitant : Alexandre Romanès.
Tissus aérien, trapèze : Alexandre Romanès.
Danse : Rose-Reine Romanès.
Hola-Hoop : Irina Romanès.
Et les chats du cirque Romanès.
Durée : 1 h 10.

Du 12 au 22 septembre 2018.
Du lundi au samedi à 20 h.
Cirque Romanès (Théâtre de la Ville Hors les murs), Paris 16e, 01 42 74 22 77.
>> theatredelaville-paris.com

Safidin Alouache
Mercredi 19 Septembre 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024