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Avignon 2024

•Off 2024• "Roméo et Juliette" Entre traditions et futurisme, l'insoupçonnable beauté d'une "re-présentation"

Un spectacle mis en jeu par Alain Timar n'est pas un spectacle… c'est une œuvre d'art. On connaissait le goût de l'homme de théâtre, artiste peintre, plasticien, pour l'Asie et la Corée tout particulièrement. Sa mise en scène et scénographie en 2010 du "Rhinocéros" d'Eugène Ionesco, ou encore en 2016 de "Tous contre Tous" d'Arthur Adamov, interprétés l'un et l'autre en coréen par une troupe de Coréens, nous avaient saisis par leur force attractive. Ainsi de ce "Roméo et Juliette" revisité, où la vie, l'amour, la mort, transcendés par l'esthétique épurée d'Alain Timar et servis par des interprètes au summum de leur art, magnétisent.



© HeeKyung Lee.
© HeeKyung Lee.
L'expression "être sous le charme" retrouve son sens étymologique dans cette nouvelle proposition hautement artistique, projetant dans une époque futuriste deux des plus célèbres personnages nés de l'imaginaire flamboyant du maître de Stratford-upon-Avon…. À plus de quatre cents années de distance (la première représentation date de 1597), immergés dans une scénographie aussi minimaliste qu'éclatante des couleurs inspirées par la tradition du "Pays du matin calme", nous redécouvrons Juliette et Roméo, éternellement vivants, prêts à rejouer devant nous le jeu cruel de l'amour et de la mort.

Un plateau tendu d'un jaune soleil levant, peuplé de danseurs acteurs parés de couleurs resplendissantes, bleu pour les hommes, rouge pour les femmes, tant, en cet âge futuriste, les sexes ne se mélangent pas… Alignés en bordure du tatami théâtral, de part et d'autre d'un musicien jouant en live, les protagonistes parés de leurs costumes design haute-couture s'apprêtent à entrer en jeu pour rejouer le combat qui oppose depuis des siècles et des siècles deux familles de Vérone, Les Capulet et les Montaigu.

© HeeKyung Lee.
© HeeKyung Lee.
En ouverture, une chorégraphie somptueuse à la facture très contemporaine voit s'opposer frontalement la rangée des hommes, les Montaigu de Roméo, à celle des femmes, Les Capulet de Juliette. Des noms d'oiseau fusent de part et d'autres, contrastant avec la tenue des corps engagés dans des battles réglés au millimètre, et inscrivant ainsi délibérément l'intrigue dans une proximité vivante. Dans le même dessein, l'emploi de mots crus sera repris par la suite.

Des rivalités chorales orchestrées chorégraphiquement dans des joutes rendues encore plus captivantes par la vêture des protagonistes les magnifiant, aux solos du couple maudit touché par la grâce du coup de foudre, tout est prétexte à livrer de saisissants tableaux picturaux propres à refléter l'intensité de ce qui se joue. Quant au chœur qui se forme selon les aléas de l'action, il est fidèle à sa fonction, offrir une caisse de résonance aux mouvements de l'âme pour les réfléchir tel un miroir bienveillant.

Des tourments de Roméo pour Rosaline qu'il oubliera vite, à la ferveur qui s'empare de lui à la vue de Juliette, les élans du plus célèbre des Montaigu se heurtant à la famille des Capulet ayant destiné leur fille, la belle Juliette, à l'un de leur clan, tout sera l'objet d'un traitement dramaturgique entièrement inscrit dans une mise en jeu lumineuse où chaque détail est pensé comme la touche d'un peintre. D'ailleurs, selon une confidence, Alain Timar aurait pris le soin de réaliser auparavant, pour plusieurs scènes, des aquarelles…

© HeeKyung Lee.
© HeeKyung Lee.
Les amants jouent du malheur propre aux héros romantiques, le fatum semblant depuis leur naissance les poursuivre… Pourquoi sont-ils nés dans deux familles hostiles de Vérone ? Pourquoi, en voulant protéger son fidèle ami, Roméo le tue-t-il malencontreusement avant de passer par le fil de l'épée Tybalt, son agresseur, un Capulet cousin de Juliette, ce qui signe son arrêt de mort. Et le Chœur de renchérir : "Roméo l'a tué ! Roméo a tué Tybalt… Il doit mourir". Finalement, l'exil sera sa peine. Mais avant de s'éloigner, jurant à Juliette qu'ils se retrouveraient, le metteur en scène les fait se rencontrer une dernière fois – elle au sol, lui penché au-dessus d'elle – dans une scène brûlante, où le baiser échangé renvoie à celui dit de "L'hôtel de ville" de Robert Doisneau, les couleurs charnelles en plus.

Un destin qui s'acharne… Comme les histoires d'amour finissent mal en général, et là en particulier, le stratagème inventé pour que Juliette, prétendument empoisonnée, puisse échapper à l'union avec le Capulet que sa famille lui impose – "La mort a couché avec Juliette juste avant son mariage" – se retournera finalement contre les amants.

© HeeKyung Lee.
© HeeKyung Lee.
Et ce, jusqu'à l'ultime scène où Capulet et Montaigu, assis en tailleur autour du tatami théâtral – et nous avec eux comme dans une mise en abyme précédant la descente au tombeau –, s'apprêtent à assister à l'épiphanie posthume (saisissante là encore de beauté sculpturale), avant de se lever pour disparaitre un à un dans les coulisses de l'histoire.

La puissance de cette forme théâtrale réside sans nul doute dans sa représentation plastique que l'on doit à l'œil à nul autre pareil de son metteur en scène et dans son interprétation par une troupe coréenne rompue aux arts de la scène. Si bien que cette pièce faisant partie du patrimoine de l'humanité, ayant inspiré des générations de metteurs en scène, se redécouvre parée de couleurs nouvelles propres à nous "ravir". C'est là, dans cet effet de surprise, lié au vacillement de la conscience confrontée à la beauté plastique ouvrant vers tous les possibles, que se joue notre "ravissement" (au sens où l'entendait Marguerite Duras dans "Le Ravissement de Lol V. Stein").
◙ Yves Kafka

Vu le vendredi 12 juillet 2024 dans la Salle du Chapitre du Théâtre des Halles d'Avignon.

"Roméo et Juliette"

© HeeKyung Lee.
© HeeKyung Lee.
Spectacle en coréen surtitré en français.
Texte, William Shakespeare.
Adaptation, traduction : Alain Timár.
Mise en scène, scénographie : Alain Timár.
Dramaturgie, mise en scène associée, traduction coréenne : Junho Choe.
Avec : Jaeha Hwang, Hyun Jang, Minwoo Jeong, Junhyeong Ji, Yuran Jwa, Sewon Kim, Yebin Lee, Taewoong Mun, Seoyeong Na, Chaewon Park, Sanghun Park, Habin Song, Hyunbin Song, Naeun Yang.
Musique sur scène : Youngsuk Choi.
Costumes : Jinhee Lee.
Maquillage : Dongmin Lee.
Chorégraphie : Hyuk Kwon.
Lumière, vidéo : Yein Kim.
Décor : Seojeong Lim.
Régie : Soyeon Choi, Seon Kim, Yoojung Kim, Junmin Lee
Par l'Université nationale des Arts de Corée (K'ARTS - Korea National University of Arts, Seoul).
À partir de 14 ans.
Durée : 1 h 50.

•Avignon Off 2024•
A été représenté du 4 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 21 h 30. Relâche le mercredi.
Théâtre des Halles, Salle du Chapitre, rue du Roi René, Avignon.
Réservations : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com

© HeeKyung Lee.
© HeeKyung Lee.

© HeeKyung Lee.
© HeeKyung Lee.

Yves Kafka
Lundi 29 Juillet 2024

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Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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Gil Chauveau
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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024