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Danse

Venezuela… Une fresque dansée différente et rayonnante !

Dans une création fleuve d'Ohad Naharin, la diversité est l'étendard qui porte l'œuvre. Au travers de musiques et de chansons très variées, de chorégraphies tout aussi foisonnantes, le chorégraphe marque son empreinte et son ouverture au monde en revendiquant la pluralité des pensées par le biais du monde des arts.



© Ascaf.
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La Batsheva Dance Company existe depuis 1964 et a été créée par Martha Graham (1894-1991) et la baronne Batsheva de Rotschild (1914-1999). Nahad Oharin a commencé sa carrière en 1974 dans cette compagnie et en a pris la direction en 1990. Depuis, il a imposé son style en inventant des techniques appelées "Gaga" qui sont aujourd'hui à la base de ses créations.

"Venezuela" est une grande fresque déroulée dans un vis-à-vis artistique disposé comme deux faces d'une même pièce, avec des chorégraphies d'une première partie reprises dans la seconde mais avec une touche musicale et scénographique les différenciant. L'un se répond à l'autre autour d'une course entre danseurs, comme le tournoiement du monde avec ses effluves et ses élans. Le spectacle est séquencé en tableaux avec un kaléidoscope de gestuelles aussi variées et intenses que calmes et nerveuses. Nous sommes à différents niveaux gestiques autant dans le rythme que dans la disposition des artistes et de leur nombre.

© Ascaf.
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Nous retrouvons ainsi par deux fois, dans ces deux séquences, les interprètes qui courent, de façon esthétique et très physique, tout le long des planches. Sur une musique et un tempo beaucoup plus calme, ils s'approchent les uns des autres. Puis les danseuses s'assoient chacune à cheval sur leurs partenaires et ceux-ci, tels des fauves la tête baissée, remontent lentement vers l'avant-scène, les genoux et la paume des mains en appui au sol. C'est à l'opposé des tableaux précédents où il n'y avait pas de contact corporel, de même que d'un point de vue rythmique aussi avec un temps qui semble s'écouler seconde après seconde quand précédemment, la vitesse d'exécution était très rapide.

Les chorégraphies sont de différentes géométries artistiques tels ces duos très physiques composés de pas de deux avec des tours d'une interprète en appui de son partenaire déclinant une latinité du geste très caractéristique. Plus tard, par deux fois, une danseuse fait un saut directement sur le torse de son acolyte qui tombe sur les planches, suivi par quelques autres qui font de même, mais en solo. Les corps s'abattent comme des troncs, délivrant leur force dans leur chute. Plus loin, ceux-ci s'arc-boutent, se courbent en demi-cercle accompagnant une gestuelle toujours très physique avec parfois des contorsions et des tremblements. Les bras et les jambes sont pris de soubresauts. Les artistes s'étirent tels des arcs avec leurs flèches, les troncs étant en proie à des tensions intérieures ou extérieures.

© Ascaf.
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Les musiques sont tout aussi variées, accompagnées parfois de chants religieux au début pour évoluer vers des rythmes beaucoup plus vifs. Les mouvements sont de temps en temps vastes et amples, avec des déplacements à grandes enjambées, ou plus petits en s'arrêtant et se figeant, pour repartir ensuite. Ceux-là sont, par à-coups, un peu robotiques, avec un pied droit qui avance de deux pas pour être ensuite rejoint par le pied gauche pour reculer d'un pas, et ce, sur toute la longueur de la scène. Certains artistes, en file indienne, portent des drapeaux de différents pays, dont un Palestinien et un autre, Ukrainien. Les multiples drapeaux tombent au sol pour être ramassés par d'autres.

Dans la première partie, ceux-là sont remplacés par des serviettes beiges. Tous se replient ensuite rapidement pour aller vers l'un d'entre eux, resté seul allongé en avant-scène, afin d'être recouvert des drapeaux retournés, l'emblème des pays s'effaçant. L'image de ce corps étendu au sol rappelle une victime qui pourrait être n'importe quelle victime de n'importe quel pays. Sans distinction. Allusion à l'actualité où, suivant le pays considéré, la communauté internationale agit (Ukraine), ignore (Palestine) ou combat l'aide apportée (migrants venus de Libye ou de Syrie).

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Par deux fois, les chorégraphies se finissent en chanson, celle-ci est interprétée par un premier danseur, puis reprise par un(e) autre, puis tous en chœur. La seconde fois, le chant est du rap. Ainsi, celui-ci s'arrime à la danse et crée une césure dans le groupe, le chanteur s'en extirpant au début pour être rejoint par tous. Comme l'intégration d'un élément étranger qui est ensuite accepté à l'unisson. C'est aussi dans cette différence, de la voix et du corps, que se jouent cette césure et cette jonction. Faire d'une différence, une force, une fusion, sans que celle-là soit éteinte ou réduite, mais bien portée par tous.

La création d'Ohad Naharin est très riche dans ses aspects tant musicaux, vocaux que gestiques avec des rythmes qui s'enchaînent tout en étant parfois antinomiques. Il mélange dans un cocktail artistique des arts et des tempos aussi différents afin de les réunir ensemble en montrant leur diversité sans y retirer quoi que ce soit.

"Venezuela"

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Chorégraphie : Ohad Naharin.
Avec : Chen Agron, Yarden Bareket, Billy Barry, Yael Ben Ezer, Matan Cohen, Ben Green, Chiaki Horita, Sean Howe, Chun Woong Kim, Londiwe Khoza, Shir Levy, Adrienne Lipson,Ohad Mazor, Eri Nakamura, Gianni Notarnicola, Igor Ptashenchuk, Yoni (Yonatan) Simon, Hani Sirkis, Amalia Smith.
Lumières : Avi Yona Bueno (Bambi).
Création et édition bande-son : Maxim Waratt.
Conseil musical : Nadav Barnea.
Costumes : Eri Nakamura.
Assistant d'Ohad Naharin et Eri Nakamura : Ariel Cohen.
Répétitrice : Natalia Petrova assistée d'Omri Mishael.
Par la Batsheva Dance Company.
Durée : 1 h 20.

Du 11 au 27 mai 2022.
Mardi, mercredi et vendredi à 20 h 30, jeudi à 19 h 30, dimanche à 15 h 30.
Chaillot - Théâtre national de la Danse, Salle Jean Vilar, Paris 16e, 01 53 65 30 00.
>> theatre-chaillot.fr/fr

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Safidin Alouache
Vendredi 20 Mai 2022

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

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Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

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"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

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Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

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Gil Chauveau
03/11/2024