La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.
Théâtre

"L'Histoire du soldat" de Ramuz et Stravinsky… recréée avec pertinence et conviction - 24/05/2017

Charles-Ferdinand Ramuz à la plume et Igor Stravinsky à la baguette se sont complétés pour cette œuvre d'une force musicale et dramatique sans pareille. Une rareté conçue pour se jouer dans des lieux éloignés des temples culturels, dans les provinces, dans les campagnes, juste après la Première Guerre mondiale. En voici une mise en scène fidèle avec ses sept instrumentistes et une très belle...  

Un "songe d'une nuit d'été" où apparaissent les oripeaux du théâtre, comme rêves et désirs - 18/05/2017

Dans "Le Songe d’une nuit d’été" de William Shakespeare, une troupe de comédiens amateurs a l'idée saugrenue et maladroite de présenter une histoire d'amants malheureux (celle de Pyrame et Thisbé) à l'occasion de mariages de jeunes gens de la noblesse. Saugrenue et maladroite car ces mariages sont vraiment malheureux, forcés qu'ils sont par des pères d'autorité. Mais les projets des uns et des...  

Un art des pérégrinations symboliques reliant les imaginaires des hommes et des femmes - 10/05/2017

Dans "Le Testament de Marie", l'auteur, Colm Toibin, restitue l'intimité d'une femme brisée. Sa raison, sa sensibilité, ses souvenirs sont travaillés par la brutalité des événements. Le spectacle de la metteure en scène Deborah Warner est débarrassé de tout sulpicianisme… Il cerne à partir des bribes et des déchirures des récits évangéliques une manière de révélation, une authenticité de Marie...  

Une quête marionnettique… comme un miroir de l'état du monde et de la pauvreté de nos actions - 09/05/2017

Dans un univers proche du nôtre, à une date pas très déterminée et dans un lieu aux allures post-apocalyptiques, un humain manipulateur, accompagné d'un singe-taupe guide aux yeux phares, d'un administrateur, d'un appariteur, d'une vieille, d'un banquier, d'une femme en attente de bus, et autres sujets à l'artistique étrangeté invitent le spectateur à une réflexion poétique et décalée sur notre...  

Comment voulez-vous que nous sortions, le monde est bien trop dangereux ! - 05/05/2017

S'ouvrir à de nouveaux milieux, à de nouveaux publics, à de nouvelles formes artistiques, pouvant remettre en question les prérequis habituels d'un CDN ou d'un CDR, c'est le choix qu'on fait le NEST à Thionville et Le Préau à Vire en dédiant, dans la forme et dans le contenu, un festival aux ados. "Taisez-vous ou je tire" de Métie Navajo et Cécile Arthus est l'une des propositions phares de ces...  

"Baal"… Dans cette proposition, un poète fait ses gammes… - 03/05/2017

En 1919, dans "Baal", le tout jeune Brecht, inspiré par François Villon, poète maudit, décrit la vie d'un artiste qui, dans une apparente indifférence aux autres, une froideur de comportement, s'extrait de la vie sociale et de sa gangue réaliste (voire triviale) et qui d'épisodes en épisodes, traverse le monde dans une cascade de trébuchements, avance, en seigneur, de rejets en rejets. Qui...  

"Erich von Stroheim", une allégorie de la marchandisation des corps, de la standardisation de la médiocrité - 02/05/2017

Sur le plateau, dans la mise en scène de Stanislas Nordey, pour la pièce de Christophe Pellet "Erich von Stroheim", un paravent, ou plutôt un retable géant, s'ouvre et se ferme de manière répétitive. Lorsque le retable s'ouvre une femme et deux hommes apparaissent, dans une alternance de duos. Présentés dans une simplicité d'appareil. Elle est dominatrice. L'un est mûr et soumis et probable...  

"Bajazet", pointer la résonance de l'intime… dans une montée tragique et sublime - 24/04/2017

Éric Ruf met en scène une œuvre de Jean Racine peu jouée, "Bajazet", dans laquelle est décrite une tentative de coup d’État. Au palais, lors d’une vacance du pouvoir, pendant que le roi guerroie au loin, le vizir influence la maîtresse du roi qui rêve du titre d'impératrice, la pousse au mariage avec le frère du roi qui ne se sent pas à la hauteur. La confusion est extrême. Le retour du roi,...  

"La Résistible Ascension d'Arturo Ui", du bon usage du théâtre épique dans des temps troublés - 12/04/2017

Retour en fanfare du théâtre épique de Bertold Brecht à la Comédie-Française jusqu'au 30 juin 2017 avec l'entrée au répertoire de sa pièce dans la production d'une des figures du Berliner Ensemble, Katharina Thalbach. Dans cette "Résistible Ascension d'Arturo Ui" très réussie, les comédiens du Français endossent brillamment les défroques des gangsters de Chicago dans cette parabole de l'ascension...  

"Le Fils" : Parabole contemporaine d'un roman de l'incompréhension - 06/04/2017

La jeune femme en jean et corsage bleu pâle qui monte à l'avant scène est une mère de famille. Elle parle d'elle et de son fils, raconte la montée irrésistible au fait divers. Son évolution, son glissement vers les milieux traditionalistes et le suicide de son fils homosexuel dans l'officine de ses parents. Avec tous les éléments d'un drame de l'incompréhension, le texte est une étude de...  
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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024