La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Intra Muros"… Une possible évasion théâtrale, entre réel et imaginaire

"Intra Muros", La Pépinière Opéra, Paris

Donner un cours de théâtre dans une maison centrale est un pari mais, avant de créer un personnage, un prisonnier a sans doute aussi envie de construire un nouveau départ. Dans une fable qui puise ses ressources entre mémoire et reconstruction, c'est à un jeu à double miroir que nous convie Alexis Michalik.



© Alejandro Guerrero.
© Alejandro Guerrero.
Avec Alexis Michalik, il faut toujours s'attendre à quelques surprises. L'auteur et metteur en scène a la capacité d'imbriquer des histoires tel un mille-feuille garni d'originalité. Ainsi, d'un simple fait, à l'image d'un cours d'eau, il est capable de le faire embrancher sur un autre cours d'eau pour le déverser dans une rivière d'événements dans laquelle des cascades d'actions se suivent. C'est cet univers dramaturgique d'imbrications d'actions qui nourrit son théâtre, les personnages étant toujours entre la réalité et l'imaginaire.

Cette règle a été une nouvelle fois respectée dans "Intra muros". L'histoire est en somme assez banale… un cours de théâtre est donné dans une prison. Ce qui fait la force de cet art vivant est le récit qui peut en être décliné. Et dans ce domaine, Michalik possède de sérieux atouts.

Le spectateur est "piégé" d'heureuse façon car deux possibilités s'offrent à lui, soit se laisser porter par la narration de la fable, soit se laisser entraîner par le flux mnémonique d'un personnage plongé dans ses souvenirs. Cette démarcation est, à dessein, peu délimitée.

© Alejandro Guerrero.
© Alejandro Guerrero.
C'est dans cet entre-deux temporel que se situe "Intra Muros", un entre-deux où le passé fait la bise au présent avec un possible futur qui se profile à l'horizon. Ce sont les trois temps dramaturgiques de cette pièce. Le quatrième mur de Diderot a été brisé dès l'entame avec une interpellation du public par le metteur en scène (Paul Jeanson).

Les comédiens incarnent avec fougue et gourmandise des personnages antinomiques. Nous sommes dans des figures d'opposition qu'un milieu, celui de la prison, et une situation, celle dans un atelier théâtral, relient. Les rapports sont ainsi alimentés par des refus sur lesquels viennent se greffer une complicité.

À différents moments, les bascules émotionnelles fonctionnent très bien. C'est Fayçal Safi (Kevin) qui, derrière un masque plutôt conciliant, devient agressif avec des pulsions destructrices. C'est Bernard Blancan (Ange) qui, sous ses airs de roc, laisse transparaître une humanité d'un père de famille. Alice de Lencquesaing (Alice), une assistante sans expérience, elle, se protège derrière un professionnalisme sans failles. De son côté, Jeanne Arènes (Jeanne), par monts et par vaux, arrive à incarner des personnages de divers profils. Enfin, Paul Jeanson (Richard), le metteur en scène, est enthousiaste à souhait dans son rôle.

Alexis Michalik lie le réel et la fiction comme deux faces d'un même visage, celui de la réalité théâtrale. Le drame est ainsi construit avec des vues aussi complémentaires qu'antinomiques donnant lieu à des éclairages multiples qui montrent les coulisses des personnages et de leur histoire.

"Intra muros"

© Alejandro Guerrero.
© Alejandro Guerrero.
Texte et mise en scène : Alexis Michalik.
Assistante mise en scène : Marie-Camille Soyer.
Avec : Jeanne Arènes, Bernard Blancan, Alice de Lencquesaing, Paul Jeanson, Fayçal Safi et le musicien Raphäel Charpentier.
Création lumières : Arnaud Jung.
Scénographie : Juliette Azzopardi.
Costumes : Marion Rebmann.
Musique : Raphael Charpentier.
Durée : 1 h 45.

À partir du 14 septembre 2017.
Du mardi au samedi à 21 h, samedis à 16 h.
La Pépinière Opéra, Paris 2e, 01 42 61 44 16.
>> theatrelapepiniere.com

© Alejandro Guerrero.
© Alejandro Guerrero.

Safidin Alouache
Lundi 23 Octobre 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024