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Danse

"The Six Brandenburg Concertos" par Rosas & B'Rock Orchestra… Aussi baroque que moderne !

Pour "Les six Concertos brandebourgeois"(jouée la première fois le 12 septembre 2018 à la Volksbühne de Berlin), Anne Teresa de Keersmaker s'accompagne de l'orchestre baroque B'Rock d'Amandine Beyer. La chorégraphe belge s'appuie sur la musique de Bach où se dégage, selon elle, une "lucidité ensoleillée" et où elle explore corporellement le contrepoint du compositeur allemand.



© Anne Van Aerschot.
© Anne Van Aerschot.
Dix-sept danseurs arrivent en arrière-scène et s'avancent vers le public avec, momentanément, un pas accéléré qui donne un tempo. Puis cela recommence à plusieurs reprises avec quelques évolutions dans le rythme au travers d'autres pas qui accélèrent légèrement le rythme. La démarche donne le ton du spectacle avec ses évolutions, ses ruptures et sa trame faussement répétitive. D'autres chorégraphies, différentes, viennent se greffer durant le spectacle accompagné par les musiciens du B'Rock Orchestra placés dans un lieu qui fait office de fosse, entre le public et la scène.

Ils jouent les six concertos brandebourgeois (1721) de Bach (1685-1750). Cette médiation scénographique est tel un pont entre une musique et une danse, une modernité et du baroque avec deux époques que tout pourrait séparer. Et pourtant. Anne Teresa de Keersmaker n'est pas à son premier coup d'essai, elle qui, depuis de longues années, fait un travail de création des plus audacieux entre ces deux arts.

Tout au long de la représentation, les danseurs marchent, courent à pleines enjambées et remontent ou descendent la scène avec une gestique souvent ample et parfois courbe. Les déplacements sont autant circulaires que diagonaux et horizontaux. Les planches sont investies sur toute leur surface. Tout est coordonné avec une relation à l'autre toujours ambivalente car les interprètes sont à la fois ensemble et indépendants, sauf à de rares exceptions, les uns des autres.

© Anne Van Aerschot.
© Anne Van Aerschot.
Les mouvements sont autant en tension que décontractés. La synchronisation n'est pas, à dessein, au cordeau à l'inverse du tempo qui est mené par la musique baroque. Les danses sont surtout de groupe. Il y a peu de solos et de rares duos avec un danseur, en appui de son alter ego pour, dans une figure, l'élever de quelques dizaines de centimètres ou plus loin lui faire opérer une bascule sur le dos. Le mariage entre danse contemporaine et musique baroque semble évident car homogène par le tempo et la découpe chorégraphique qui en est faite.

Le spectacle est découpé en tableaux avec, avant leur entame, une personne en milieu de scène portant un panneau blanc rectangulaire où est écrit, entre autres, Konzert avec le numéro de séquence. Cette rupture dure plusieurs secondes, devenant un temps de pause. Puis les chorégraphies s'enchaînent où les artistes dansent sans se toucher ou rarement lors de duos uniquement. La synchronisation des mouvements est assez libre, car la gestique paraît être propre à chaque danseur même si elle est identique. Chacun se retrouve ainsi à l'exprimer par rapport à sa propre expressivité et non par rapport à un agencement des plus précis.

© Anne Van Aerschot.
© Anne Van Aerschot.
Les danseurs courent en cercle, en diagonale ou en ligne droite avec des mouvements assez amples des membres supérieurs ou avec quelques appuis au sol via une jambe. Les mains, tels des aiguillons, donnent une courbure à la gestuelle qui remonte jusqu'aux épaules pour descendre vers le tronc. Au-delà de ces déplacements dans lesquels les mouvements sont de plus en plus physiques, les corps se courbent, se plissent ou s'étendent vers le haut par sauts ponctuels avec le bas des jambes légèrement replié de côté.

Les vagues successives de gestuelles s'enchaînent durant toute la représentation. Cette découpe chorégraphique est à deux niveaux avec une séquence par concerto et, dans celle-ci, un groupe d'artistes qui se déploient sur les planches en réitérant les gestiques du groupe précédent ou celui d'à côté avec une fraîcheur autre, comme si chaque vague existait par elle-même sans se recouvrir entre elles. Nous sommes sur une même trame artistique avec des évolutions où se mêlent courses, marches et gestuelles de différentes intensités et modulations. Dans la fosse, les six concertos brandebourgeois s'échappent pour faire entendre leurs contrepoints que les chorégraphies de Keersmaker incarnent avec bonheur et pour lesquels Bach avait construit toute sa grammaire musicale.

"The Six Brandenburg Concertos" Rosas & B'Rock Orchestra

© Anne Van Aerschot.
© Anne Van Aerschot.
Chorégraphie : Anne Teresa De Keersmaeker.
Création et interprétation : Boštjan Antončič, Carlos Garbin, Frank Gizycki, Marie Goudot, Robin Haghi, Cynthia Loemij, Mark Lorimer, Michaël Pomero, Jason Respilieux, Igor Shyshko, Luka Švajda, Jakub Truszkowski, Thomas Vantuycom, Samantha van Wissen, Sandy Williams, Sue Yeon Youn.
Musique : Johann Sebastian Bach, Brandenburgische Konzerte, BWV 1046–1051.
Direction musicale création : Amandine Beyer.
Direction musicale représentations La Villette : Cecilia Bernardini.
Musiciens du B'Rock Orchestra : Cecilia Bernardini (violon solo), Jivka Kaltcheva, David Wish Alto, Manuela Bucher, Luc Gysbregts, Marta Paramo (violon) ; Rebecca Rosen, Frederic Baldassare, Julien Barre (violoncelle) ; Tom Devaere (contrebasse) ; Marcel Ponseele, Stefaan Verdegem, Jon Olaberria (hautbois) ; Bart Coen, Manuela Bucher (flûte à bec) ; Manuel Granatiero (traverso) ; Bruno Fernandes (trompette) ; Tomas Wesolowski (basson) ; Bart Aerbeydt, Mark De Merlier (cor) ; Andreas Küppers (clavecin).
Dramaturgie : Jan Vandenhouwe.

© Anne Van Aerschot.
© Anne Van Aerschot.
Assistante artistique : Femke Gyselinck.
Scénographie et lumières : Jan Versweyveld.
Assistants scénographie et lumières : François Thouret, Pascal Leboucq.
Son : Alban Moraud, Aude Besnard.
Conseil musical : Kees van Houten.
Costumes : An D'Huys.
Coordination artistique et planning : Anne Van Aerschot.
Chef costumière : Alexandra Verschueren.
Directeur technique : Freek Boey.
Production : Rosas.
Durée : 2 h.

A été représenté du 21 au 23 décembre 2022 à la Grande Halle de la Villette, Paris 19e.

Safidin Alouache
Jeudi 5 Janvier 2023

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