Elles sont six sur le plateau. Six femmes d'âge et de culture différents. Elles ont des origines italiennes, kabyles, réunionnaises, françaises, peu importe. Ce qui les réunit, c'est une histoire commune, une histoire partagée avec beaucoup d'autres anonymes. Elles ont eu dans leurs parcours à croiser des hommes ne témoignant aucun respect pour leur personne, parfois jusqu'à faire effraction dans leur chair. Par l'entremise de leur voix libérée et de leur corps délié de toutes injonctions, elles vont dessiner les contours d'une solidarité féminine propre à affronter ces prédateurs. Non sur le ton de la victime ou de manière agressive (ce qui pourrait en la circonstance se justifier), mais avec une détermination bouleversante qui s'origine dans le sentiment d'appartenance à un collectif soudé.
D'emblée, leur entrée en scène rend compte de leur résolution à faire face au monde obscur. Le regard fier, elles avancent en ligne, se saisissent des casques posés au sol pour en revêtir leur visage lumineux. En voix off, le discours de Simone Weil présentant la loi pour le droit des femmes à avorter - allocution prononcée en 1974 devant une "Assemblée presque exclusivement composée d'hommes… L'acte de procréation se doit d'être un acte de liberté. Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement" - fait étrangement écho aux débats actuels agitant l'Assemblée et le Sénat, concernant dorénavant l'inscription de ce même droit dans la Constitution, avec leurs immuables oppositions d'arrière-garde.
D'emblée, leur entrée en scène rend compte de leur résolution à faire face au monde obscur. Le regard fier, elles avancent en ligne, se saisissent des casques posés au sol pour en revêtir leur visage lumineux. En voix off, le discours de Simone Weil présentant la loi pour le droit des femmes à avorter - allocution prononcée en 1974 devant une "Assemblée presque exclusivement composée d'hommes… L'acte de procréation se doit d'être un acte de liberté. Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement" - fait étrangement écho aux débats actuels agitant l'Assemblée et le Sénat, concernant dorénavant l'inscription de ce même droit dans la Constitution, avec leurs immuables oppositions d'arrière-garde.
Comme si l'Histoire à cinquante ans de distance n'arrêtait pas de bégayer concernant les droits des femmes à disposer de leur corps. Comme si "Le deuxième sexe" de Simone de Beauvoir, existentialiste féministe, n'avait pas ouvert encore plus tôt la "voix" au changement radical de paradigme dans les rapports homme-femme. Comme si "Du côté des petites filles" d'Elena Gianini Belotti, pédagogue féministe - citée judicieusement - n'avait pas, dans les années soixante-dix, attiré l'attention sur les conditionnements en termes de supériorité du sexe dit fort, et ce, dès le plus jeune âge, faisant que le corps de chacun(e) est inscrit d'emblée dans ce qui plus tard apparaîtra comme un destin.
Comme en soutien à leurs aînées, à l'unisson les unes des autres, en harmonie totale, elles se lancent irrésistiblement dans des danses énergisantes qu'aucun conservatisme ne pourrait endiguer. Dans une belle scénographie colorée du rouge de la terre fertile dont elles recouvrent "en chœur" le plateau, elles inscrivent les empreintes de leurs pas martelés. Ainsi les désirs de liberté de leurs silhouettes en mouvement soutiennent la force qu'il leur faut - l'action et non la stupeur - pour dévoiler au micro les blessures enfouies. Les mouvements rythmés de leurs chevelures bondissant en l'air suggèrent à eux seuls leur liberté fièrement affichée, "crânement" revendiquée.
Comme en soutien à leurs aînées, à l'unisson les unes des autres, en harmonie totale, elles se lancent irrésistiblement dans des danses énergisantes qu'aucun conservatisme ne pourrait endiguer. Dans une belle scénographie colorée du rouge de la terre fertile dont elles recouvrent "en chœur" le plateau, elles inscrivent les empreintes de leurs pas martelés. Ainsi les désirs de liberté de leurs silhouettes en mouvement soutiennent la force qu'il leur faut - l'action et non la stupeur - pour dévoiler au micro les blessures enfouies. Les mouvements rythmés de leurs chevelures bondissant en l'air suggèrent à eux seuls leur liberté fièrement affichée, "crânement" revendiquée.
De ces témoignages à vif ressort une constance, celle d'un corps féminin considéré comme objet par des hommes se l'appropriant au gré de leurs fantaisies. Lieu du pouvoir patriarcal, le corps assujetti des femmes a affaire aux plaisanteries graveleuses, aux harcèlements de rue, aux sifflements réservés aux chiens, aux frôlements appuyés dans les transports bondés, aux exhibitionnistes satisfaits d'eux-mêmes, aux dominateurs de tous poils, aux violeurs se recrutant jusque dans l'entourage si ce n'est chez les ascendants directs ou encore la fratrie…
Ainsi en est-il des vécus délivrés par Céline, Elsa, Sandrine, Sara, Viola et Yvonnette, chacune d'une voix tout aussi calme que déterminée se saisissant du porte-voix, non pour impudiquement se raconter, mais pour dire avec une maîtrise impressionnante les maltraitances qui ont été infligées à leur corps de femmes par des représentants de toutes classes sociales ayant pour point commun leur masculinité (in)humaine.
Histoires de vie bouleversantes que leur vocation de danseuses a le pouvoir de reconnecter avec elles-mêmes, femmes rayonnantes habitées par le désir "chevillé au corps" de chorégraphier leur existence grâce à la force du collectif féminin, lieu inépuisable de ressourcement. Ainsi des enchaînements de figures débridées (faisant contrepoint au contenu sombre évoqué), entremêlant le contemporain et le hip-hop, communiquant le liant susceptible de recréer le lien avec soi (corps mis à mal, corps déserté, corps à reconquérir) et avec les autres, celles de la sororité vécue en direct ouvrant sur l'existence recouvrée.
Ainsi en est-il des vécus délivrés par Céline, Elsa, Sandrine, Sara, Viola et Yvonnette, chacune d'une voix tout aussi calme que déterminée se saisissant du porte-voix, non pour impudiquement se raconter, mais pour dire avec une maîtrise impressionnante les maltraitances qui ont été infligées à leur corps de femmes par des représentants de toutes classes sociales ayant pour point commun leur masculinité (in)humaine.
Histoires de vie bouleversantes que leur vocation de danseuses a le pouvoir de reconnecter avec elles-mêmes, femmes rayonnantes habitées par le désir "chevillé au corps" de chorégraphier leur existence grâce à la force du collectif féminin, lieu inépuisable de ressourcement. Ainsi des enchaînements de figures débridées (faisant contrepoint au contenu sombre évoqué), entremêlant le contemporain et le hip-hop, communiquant le liant susceptible de recréer le lien avec soi (corps mis à mal, corps déserté, corps à reconquérir) et avec les autres, celles de la sororité vécue en direct ouvrant sur l'existence recouvrée.
Exister en tant que sujet libre, disposant de son corps comme il lui sied sans avoir à en référer à une quelconque instance masculine, sans craindre que l'on attente à son intégrité tant physique que morale, tel est en effet le message profondément humain de celles qui ont su faire entendre - sur un plateau de danse - qu'elles ne veulent plus être "courageuses" en sortant le soir, mais simplement "libres", à l'égal des hommes, ni plus, ni moins.
Et que ce soit un (et non une) chorégraphe, à la sensibilité humaine et artistique redoublée, qui leur ait offert cette occasion - reprocher à Hamid Ben Mahi sa très belle intuition masculine relèverait du degré zéro de la réflexion - souligne, en dehors de tous a priori, la force troublante de ces femmes puissantes démasquant en toute sororité les conduites délétères d'un patriarcat "homni-présent".
Vu pour sa création le 25 novembre 2022 à La Manufacture CDCN, boulevard Albert 1er à Bordeaux (autre représentation, le samedi 26 novembre).
Et que ce soit un (et non une) chorégraphe, à la sensibilité humaine et artistique redoublée, qui leur ait offert cette occasion - reprocher à Hamid Ben Mahi sa très belle intuition masculine relèverait du degré zéro de la réflexion - souligne, en dehors de tous a priori, la force troublante de ces femmes puissantes démasquant en toute sororité les conduites délétères d'un patriarcat "homni-présent".
Vu pour sa création le 25 novembre 2022 à La Manufacture CDCN, boulevard Albert 1er à Bordeaux (autre représentation, le samedi 26 novembre).
"Royaume"
Création chorégraphique hip-hop pour six interprètes féminines.
Chorégraphie et mise en scène : Hamid Ben Mahi.
Avec : Céline Lefèvre, Elsa Morineaux, Sandrine Monar, Sara Ben Herri, Viola Chiarini et Yvonnette Vela Lopez.
Scénographie : Camille Duchemin.
Regard extérieur : Hassan Razak.
Création musicale et arrangements : Manuel Wandji.
Environnement sonore : Sébastien Lamy.
Mise en lumière : Antoine Auger.
Par la Compagnie Hors-Série.
Durée : 1 h.
>> horsserie.org
Tournée
23 mars 2023 : L'Agora, Boulazac (24).
25 mars 2023 : Théâtre Le Parnasse, Mimizan (40).
31 mars 2023 : Espace Brémontier, Arès (33).
Chorégraphie et mise en scène : Hamid Ben Mahi.
Avec : Céline Lefèvre, Elsa Morineaux, Sandrine Monar, Sara Ben Herri, Viola Chiarini et Yvonnette Vela Lopez.
Scénographie : Camille Duchemin.
Regard extérieur : Hassan Razak.
Création musicale et arrangements : Manuel Wandji.
Environnement sonore : Sébastien Lamy.
Mise en lumière : Antoine Auger.
Par la Compagnie Hors-Série.
Durée : 1 h.
>> horsserie.org
Tournée
23 mars 2023 : L'Agora, Boulazac (24).
25 mars 2023 : Théâtre Le Parnasse, Mimizan (40).
31 mars 2023 : Espace Brémontier, Arès (33).