La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Roommates" Un cocktail explosif… six pièces chorégraphiées pour dire l'ADN de (La) Horde

Le Ballet national de Marseille propose un assortiment – sorte de concentré – de ce qui le constitue : des chorégraphies grandement inspirées. Ainsi, pendant près de deux heures, vont se succéder six pièces courtes réunissant sur le même plateau des formes contemporaines reliées entre elles – si diverses soient-elles dans leurs écritures singulières – par un haut degré d'exigence. Interprétés par deux à treize danseurs et danseuses de (La)Horde, ces "morceaux choisis" débordent d'une énergie communicative propre à réenchanter toutes grisailles.



"Weather is sweet" © Blandine Soulage.
"Weather is sweet" © Blandine Soulage.
"Weather is sweet", chorégraphie (La)Horde. Un temps doux où quatre interprètes interculturels évoluent seuls ou en miroir, alternant pointes et mouvements accélérés, au gré de silences et musiques rythmées. Des contrastes forts, des danses hybrides (le hiplet, mouvement qui bouscule les codes de la danse hip-hop en fusionnant la technique du ballet classique et de ses pointes avec le style urbain du hip-hop) comme pour dessiner la courbe capricieuse du désir humain affranchi de toutes normes.

"Grime Ballet, Danser parce qu'on ne peut pas parler aux animaux", chorégraphie Cecilia Bengolea et François Chaignaud. Pièce délibérément débridée où six interprètes se lancent fiévreusement dans des assauts où les corps des uns et des unes ne forment plus qu'une entité hybride "renversante". Soutenue par l'énergie électrique du Grime, cette musique électronique née dans l'est londonien des années 2000, le ballet s'enflamme jusqu'à atteindre son point d'incandescence. Époustouflant.

"Oiwa", chorégraphie Franck Chartier - Peeping Tom et Ballet national de Marseille. Immergés dans un océan de brumes (é)mouvantes, un homme et une femme à moitié nus se débattent au gré des vagues qui les portent avant de les engloutir.

"Oiwa" © Blandine Soulage.
"Oiwa" © Blandine Soulage.
Au gré de leurs ébats, où alternent portés fusionnels, mouvements aériens, roulades enchevêtrées et pauses au ralenti, s'esquisse une épure de leur histoire amoureuse marquée par l'attirance charnelle et les crises inhérentes aux aléas du désir labile. Les fantômes de deux autres amants s'inviteront avant d'être absorbés par l'alchimie de leurs deux "corps-aimants". Paysages éternels et visages du désir confondus dans ce que Romain Rolland dénommait le "sentiment océanique". Puissamment troublant.

"Concerto", chorégraphie Lucinda Childs. Sept danseurs tout de noir vêtus se détachant sur un sol immaculé évoluent gracieusement, "dialoguant" avec la musique harmoniquement simple d'Henryk Gorecki. Enchaînant sur l'échiquier des mouvements renvoyant au ballet classique, leurs gestes s'accélèrent au rythme répétitif de la musique sérielle. Une pause décalée.

"Les Indomptés", chorégraphie Claude Brumachon et Benjamin Lamarche. Créée pour – et interprétée jusqu'ici par – un duo masculin, cette chorégraphie "indomptée" est confiée pour la première fois à un duo féminin. Reprenant à leur compte la ferveur énergisante de l'attraction aimantant deux êtres en quête de trouver en l'autre le sésame qui en ouvrira l'accès, elles se lancent à corps perdus, prises d'une ivresse palpable. En écho-miroirs, dissociées ou en osmose, elles parcourent à l'envi les versants des deux visages du désir, violence et tendresse mises à nu jusqu'à épuisement des sens. Tableaux saisissants de beauté "sauvage", une expérience "aimantante".

"Les Indomptés" © Thierry Hauswald.
"Les Indomptés" © Thierry Hauswald.
"Room with a view - Extrait", chorégraphie (La)Horde. Et ceci n'est pourtant qu'un extrait d'une création de plus d'une heure… Portés par les intenses vibrations de la musique électro de Rone, balayant le plateau de son souffle puissant, treize interprètes livrent une lutte d'une pure beauté plastique, faisant la nique à la laideur du monde… Un combat à la vie à la mort dont l'intensité n'a d'égale que la puissance de leur jeunesse en révolte.

Aux pas cadencés militaires exhibant leurs dépouilles, ils opposent les doigts d'honneur provocateurs et les jetés de projectiles à l'adresse des oppresseurs tapis dans l'ombre. Unis dans le même trip, toutes couleurs, genres et origines confondus, ils arpentent fièrement les chemins d'une libération festive vécue comme acte de résistance. Gagnés par la formidable énergie communicative de la (fort bien nommée) "Horde", nous devenons – par procuration – leurs alliés inconditionnels… conquis que nous sommes par cette chute, point d'orgue des six pièces courtes offertes ce soir à notre désir chorégraphié.

Vu le jeudi 7 mars à la Scène Nationale du Carré, à Saint-Médard (33).

"Roommates"

"Room with a view" © Aude Arago.
"Room with a view" © Aude Arago.
Conception (La)Horde avec le Ballet national de Marseille.
"Weather is sweet"
Chorégraphie : (La)Horde.
Costumes : Salomé Poloudenny.
Musique : Pierre Avia.
Création lumières : Éric Wurtz.

"Grime Ballet, Danser parce qu'on ne peut pas parler aux animaux"
Chorégraphie : Cecilia Bengolea et François Chaignaud.
Assistante chorégraphie : Erika Miyauchi.
Musique : Stitches.
Création lumières : Éric Wurtz.

"Oiwa"
Chorégraphie et costumes : Franck Chartier - Peeping Tom.
Assistant chorégraphie : Louis-Clément Da Costa.
Musique : Atsushi Sakai.
Design sonore : Raphaëlle Latini.
Assistante costumes : Héloïse Bouchot.
Création lumières : Éric Wurtz.

"Grime Ballet" © Thierry Hauswald.
"Grime Ballet" © Thierry Hauswald.
"Concerto"
Chorégraphie et costumes : Lucinda Childs.
Assistant chorégraphie : Jorge Perez Martinez.
Musique : Henryk Górecki.
Création lumières : Éric Wurtz.

"Les Indomptés"
Chorégraphie : Claude Brumachon.
Assistant chorégraphie : Benjamin Lamarche.
Musique : Wim Mertens.
Création lumières : Éric Wurtz.

"Room with a view - Extrait"
Chorégraphie : (La)Horde.
Costumes : Salomé Poloudenny.
Musique : Rone.
Création lumières : Éric Wurtz.
Extrait de "Room with a view" - commande du Théâtre du Châtelet.
Répétitrice : Valentina Pace.
Costumière : Anna Martinez.
Régie son : Virgile Capello.
Régie lumière : Louisa Mercier.
Régie générale : Alexis Rostain.

Représenté du jeudi 7 au vendredi 8 mars, Scène Nationale du Carré à Saint-Médard (33).

Tournée
14 mars 2024 : L'Odyssée - Scène conventionnée, Périgueux (24).
18 mars 2024 : Maison de la Culture, Bourges (18).

Yves Kafka
Jeudi 14 Mars 2024

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024