Si la ligne de partage qui sépare métaphoriquement les non-danseurs (opprimés de toutes minorités sexuelles ou ethniques) des danseurs (dominants mâles blancs) est clairement perceptible, la profusion chaotique des intensités sonores et visuelles résonne jusqu'à étourdir tant elle ne ménage aucun répit. Sur le plateau nu, cinq interprètes se démènent comme de beaux diables pour faire la peau à l'hydre immonde, prenant tantôt la posture de la provocation avérée, tantôt le masque d'une respectabilité au-dessus de tout soupçon.
Ces cinq-là nous parlent d'un temps futuriste que nous ne connaissons pas encore - quoique… - où, pour pouvoir parler, faut-il avoir périodiquement recours à des masques suppléant les bugs de la parole carencée en oxygène, saturée de gaz polluant. Cette société de 2029 est en marche irrésistiblement vers "un progrès qui progresse vers sa progression", se plaisent à répéter en boucle les acteurs-danseurs comme une ritournelle infantile de nature à rassurer ceux qui n'ont plus aucune raison de l'être.
Ces cinq-là nous parlent d'un temps futuriste que nous ne connaissons pas encore - quoique… - où, pour pouvoir parler, faut-il avoir périodiquement recours à des masques suppléant les bugs de la parole carencée en oxygène, saturée de gaz polluant. Cette société de 2029 est en marche irrésistiblement vers "un progrès qui progresse vers sa progression", se plaisent à répéter en boucle les acteurs-danseurs comme une ritournelle infantile de nature à rassurer ceux qui n'ont plus aucune raison de l'être.
Après une entrée en matière tonitruante visant à déconstruire les a priori des genres sous la forme d'une miss Bordeaux, tutu rose et masque d'oxygène, et d'un danseur masculin, cheveux longs et barbe christique, bustier fort seyant, slip échancré d'où s'échappent deux longues jambes musclées chaussées d'escarpins, la parole fuse, iconoclaste. Il sera question pêle-mêle de découverte sexuelle racontée de manière ludique et jouée de manière "jouissive" (comme pour mettre en abyme le lieu réel de la vulgarité qui ne situe aucunement autour du sexe mais dans les "plaisanteries" racistes), ou encore de la parabole d'un vélo, objet du désir impliquant la course en avant droit dans le mur.
Mesures anthropométriques - héritées des signalements judiciaires mis au point par Bertillon - auxquelles doit se soumettre le (non)danseur prétendant entrer à l'Opéra renvoyant en écho aux méthodes de pesage et d'évaluation d'hommes et femmes noirs en vue de leur achat par des négriers. "Non-danseurs africains" déclarés personæ non gratæ par le directeur d'une agence immobilière et son personnel servile. Autant de flashs qui complètent et éclairent violemment la partition du monde en deux classes aux intérêts opposés.
Les nombreuses séquences parlées et jouées sont étayées par des parcours chorégraphiés échappant à toute mesure. Au rythme trépidant des accords musicaux qui les traversent, les corps se jettent au sol, se tétanisent, se projettent en l'air, dans un combat à mort où seule l'énergie est preuve de vie.
Mesures anthropométriques - héritées des signalements judiciaires mis au point par Bertillon - auxquelles doit se soumettre le (non)danseur prétendant entrer à l'Opéra renvoyant en écho aux méthodes de pesage et d'évaluation d'hommes et femmes noirs en vue de leur achat par des négriers. "Non-danseurs africains" déclarés personæ non gratæ par le directeur d'une agence immobilière et son personnel servile. Autant de flashs qui complètent et éclairent violemment la partition du monde en deux classes aux intérêts opposés.
Les nombreuses séquences parlées et jouées sont étayées par des parcours chorégraphiés échappant à toute mesure. Au rythme trépidant des accords musicaux qui les traversent, les corps se jettent au sol, se tétanisent, se projettent en l'air, dans un combat à mort où seule l'énergie est preuve de vie.
Le silence, crime contre l'humanité… Quand le passé est revisité, c'est pour en exhumer des documents d'époque projetés sur grand écran. Joséphine Baker, danseuse, meneuse de revue, métisse à la poitrine dénudée y apparaît se trémoussant en bikini. Mais aussi extraits de l'exposition coloniale de Paris avec ses noirs exhibés aux côtés d'animaux de foire. Ou encore extrait du discours du père de l'école Républicaine, Jules Ferry, chantre de la colonisation, gage de l'éducation blanche occidentale, summum du bon goût universel. Ou agissements fougueux du Colonel de Montagnac en Algérie, adepte du "Y'a bon les colonies".
Non-danseurs de tous les pays, unissez-vous… Loin de se résumer à un mot d'ordre convenu à reprendre en chœur, ce qui est proposé insidieusement aux spectateurs, salle éclairée, est de reprendre sur un ton badin, mine de rien, le chapelet de qualificatifs adressés aux noirs et autres basanés… Et alors que la plupart résistent à la proposition "bon enfant", quelques-uns entonneront "bougnoules, crouilles, conchitas, fatimas, macaques, négros, melons, frisés" comme si de rien n'était. On rigole bien. Expérience en direct de la banalisation (du mal).
"Nous ne cessons de progresser vers un monde qui ne cesse de progresser, un monde où les minorités sont majoritairement considérées…". Performance chorégraphiée, théâtralisée, filmée, faisant fi des convenances et des tabous, "On n'a jamais vu une danseuse étoile noire à l'Opéra de Paris" déconcerte à l'envi. Sa structure chaotique, animée par des interprètes galvanisés, nous précipite hors de notre zone de confort afin d'éprouver dans nos corps "la résistible ascension" du racisme à l'œuvre.
Non-danseurs de tous les pays, unissez-vous… Loin de se résumer à un mot d'ordre convenu à reprendre en chœur, ce qui est proposé insidieusement aux spectateurs, salle éclairée, est de reprendre sur un ton badin, mine de rien, le chapelet de qualificatifs adressés aux noirs et autres basanés… Et alors que la plupart résistent à la proposition "bon enfant", quelques-uns entonneront "bougnoules, crouilles, conchitas, fatimas, macaques, négros, melons, frisés" comme si de rien n'était. On rigole bien. Expérience en direct de la banalisation (du mal).
"Nous ne cessons de progresser vers un monde qui ne cesse de progresser, un monde où les minorités sont majoritairement considérées…". Performance chorégraphiée, théâtralisée, filmée, faisant fi des convenances et des tabous, "On n'a jamais vu une danseuse étoile noire à l'Opéra de Paris" déconcerte à l'envi. Sa structure chaotique, animée par des interprètes galvanisés, nous précipite hors de notre zone de confort afin d'éprouver dans nos corps "la résistible ascension" du racisme à l'œuvre.
"On n'a jamais vu une danseuse étoile noire à l'Opéra de Paris"
Chorégraphie et mise en scène : Faizal Zeghoudi.
Texte original : Rémi Bénichou.
Assistante à la mise en scène : Clémence Laboureau.
Avec : Anthony Berdal, Marie Commandu, Clémence Laboureau, Cécile Theil-Mourad.
Musicien : Lucas Barbier.
Composition musicale : Lucas Barbier.
Création lumière : Christophe Pitoiset.
Costumes : Vincent Dupeyron et Faizal Zeghoudi.
Direction technique : Frédéric Bianchi.
Compagnie Faizal Zeghoudi.
Durée : 1 h 10.
Spectacle créé le 7 décembre au Théâtre Comoedia à Marmande (47) et représenté du 10 au 13 décembre 2019, au Glob Théâtre, Bordeaux (33).
Texte original : Rémi Bénichou.
Assistante à la mise en scène : Clémence Laboureau.
Avec : Anthony Berdal, Marie Commandu, Clémence Laboureau, Cécile Theil-Mourad.
Musicien : Lucas Barbier.
Composition musicale : Lucas Barbier.
Création lumière : Christophe Pitoiset.
Costumes : Vincent Dupeyron et Faizal Zeghoudi.
Direction technique : Frédéric Bianchi.
Compagnie Faizal Zeghoudi.
Durée : 1 h 10.
Spectacle créé le 7 décembre au Théâtre Comoedia à Marmande (47) et représenté du 10 au 13 décembre 2019, au Glob Théâtre, Bordeaux (33).