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Avignon 2019

•Off 2019• Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France Voyages vagabondages et intimes péripéties

Voyager au cœur de ce récit poétique - lui-même voyage initiatique -, en se laissant porter par les respirations/inspirations musicales insufflées par le violoncelle et la rythmique narrative, scandée avec une passion gourmande, de Marc Lauras, est un petit plaisir qui, une heure durant, nous conduit sur les voix ferroviaires et mentales d'un trajet menant à la perte d'innocence… et au difficile passage à l'âge adulte.



© L. Matillat.
© L. Matillat.
Publié en 1913, avec une mise en forme graphique et colorée réalisée par l'artiste peintre Sonia Delaunay, ce long poème de Blaise Cendrars, sans doute le plus célèbre, est constitué de 446 vers et fait partie d'une série de textes*, écrits avant la Première Guerre mondiale, qui tous se réfèrent à l'univers du voyage et à la rêverie poétique que celui-ci souvent procure.

Ce texte, fondateur de son œuvre, raconte son aventure, balade réelle ou rêvée, à bord de l'illustre Transsibérien, de Moscou à Kharbine (Chine du nord-est), ce dernier trajet correspondant au tracé établi en 1905 quand celui-ci traversait la Mandchourie en empruntant le chemin de fer de l'Est chinois.

En compagnie de Jeanne, une petite prostituée de Montmartre, amour éphémère d'adolescent ou souvenir mélancolique d'amant novice, il aborde, dans un premier temps, la nostalgie de la jeunesse sur le mode du refrain : "En ce temps-là j'étais en mon adolescence/J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà/plus de mon enfance (…) J'étais à 16 000 lieues du lieu de ma naissance/J'étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers/et des sept gares (…) mon adolescence était si ardente et si folle…"

© DR.
© DR.
Puis l'écriture se fait plus picturale, plus animée, imagée, également plus séquencée. On passe allègrement des descriptions documentaires, paysagères, énumératives - de gares en gares, parfois brûlées - à des réflexions plus introspectives, éclairant la vie du jeune homme qu'il était alors, entre la révolution russe, évènement historique ici à ses prémices, et son amour pour la jeune femme-enfant… extraite du bordel montmartrois.

Création originale, inventive et généreuse, en double portée (vocale et instrumentale) de péripéties narratoires, la proposition de Marc Lauras (conteur, comédien et violoncelliste) est singulière par son approche émotionnelle - ayant pris sa source dans un déplacement en Union Soviétique à l'aube de la chute du mur de Berlin - et passionnée, avec ce désir de composer une musique pour accompagner, intégrer cette prose et, dans une double musicalité de mots et de notes, traverser la langue de Cendrars.

Sa voix, magnétique, doublée, appuyée par le son du violoncelle, mélodies glissées à l'archet ou séquencées par le pincement, la caresse digitale des cordes - posées sur cet instrument aux formes féminines, possible suggestion érotique d'une représentation ou évocation imagée de la petite Jeanne -, hypnotise le spectateur par le scandement mélodieux de ces vers sans rimes. La performance est ardente et enthousiaste, embrassant de mille éclats ce récit aventureux, vécu ou rêvé par Blaise Cendrars.

© DR.
© DR.
Mais est-il vraiment nécessaire de faire le voyage pour voyager ?

* "La Prose du Transsibérien…" est le poème intermédiaire entre "Les Pâques à New York" (conçu en avril 1912) et "Le Panama ou Les aventures de mes sept oncles" (écrit en 1914, mais seulement publiée en 1918). Ces trois poèmes sont le résultat de plusieurs années de voyages entre Paris, Moscou et New York. Ils forment un ensemble qui marque l'entrée de Cendrars en poésie, "Les Pâques" (titre initial) étant le premier poème signé du pseudonyme "Blaise Cendrars" - Frédéric Louis Sauser ayant usé d'autres pseudos avant. Ils composent le début du recueil "Du monde entier au cœur du monde".

"Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France"

© André Hébrard.
© André Hébrard.
Texte : Blaise Cendrars.
Mise en scène : Olivier Borle.
Avec : Marc Lauras.
Régisseur général : Jacques Bertail.
Cie Le Théâtre Oblique.
Durée : 1 h.
À partir de 15 ans.

•Avignon Off 2019•
Du 4 au 28 juillet 2019.
Tous les jours à 12 h 35, relâche le mercredi.
Maison de la Poésie
6, rue Figuière.
Réservations : 04 90 82 90 66.
>> poesieavignon.eu

Gil Chauveau
Mercredi 24 Juillet 2019

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Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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Gil Chauveau
26/03/2024