La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2019

•Off 2019• Pour Bobby Quête et requête d'une jeune femme au cœur simple

Dans le cadre de "Valletti Circus" rendant hommage au truculent homme de théâtre marseillais Serge Valletti, Alain Timár met en scène et scénarise deux de ses fleurons : "Pour Bobby" et "A plein Gaz"… Le troisième, "Mary's à minuit", revenant de droit à Catherine Marnas.



© Louise Magnan.
© Louise Magnan.
Entre humour survolté et poésie élégiaque, le spectateur de "Pour Bobby" est capté par l'histoire personnelle de cette jeune femme pleine de vitalité, tout comme il l'est par celle de Bobby, diminutif affectif de Robert (dont le patronyme est Cohen), disparu tragiquement et qui hante la mémoire de la narratrice oscillant entre fous rires et douleur retenue.

Sans la tragédie, la vie serait une comédie humaine incomplète. Protagoniste seule au plateau, dans une scénographie dépouillée lui faisant la part belle, "elle" éprouve à son corps défendant cette vérité primale, elle qui, visage lunaire aux yeux éclairés par des paillettes scintillantes, se trouve parfois désappointée lorsqu'elle sent bien, que quelque chose résiste à son désir d'être de ce monde.

Déployant, gestes à l'appui, des trésors de bonne volonté pour montrer à quel point elle sait faire plein de choses - trieuse d'enveloppes, releveuse, fileuse, distributrice, coureuse, metteuse générale, et pourquoi pas gardienne ? -, plein de choses dont personne ne semble vouloir, la renvoyant à une détresse intérieure qu'elle se cache à elle-même.

© DR.
© DR.
Pourtant, combien elle aimerait décrocher un travail susceptible de lui ouvrir les portes d'un "chez-moi avec tout ce qui faut, acheté avec mon argent de distributrice". Et puis elle pourrait se faire des frichtis pour son ventre, se rendre avec une camionnette une fois par semaine - le jour où ne travaillant pas, elle serait acheteuse ! - au grand magasin de la ville pour y faire ses provisions… Un rêve de normalité intégrative joyeuse pour celle dont la vie semble avoir basculé avec le grand saut du mari de sa mère se jetant par la fenêtre, un choc à tenir à tout prix à distance en comblant par un flot de mots et d'actions compulsives le vide toujours prêt à l'engloutir.

Et puis cette belle robe bleue de diva exhumée d'une armoire, le souvenir des photos prises et l'attente vaine de l'appel d'une agence. Mais si être artiste, c'est se transformer soi-même en quelqu'un d'autre pour redonner vie aux gens que l'on a connus, pourquoi ne pas raconter sur le champ l'histoire du petit Cohen qui l'a tellement troublée ? Une histoire d'enfant, fait juif par le désir d'une mère en manque de bébé… qui l'avait obtenu d'une mère qui n'en voulait pas…

À peine né, son sort était scellé. Émue par ce destin, elle ressent que son histoire, c'est aussi un peu la sienne, la nôtre, soumise à cette force implacable des événements qui trace notre ligne de vie à la manière du fatum des Grecs anciens. Bobby est devenu le petit ange emblématique dont on chante les louanges tant est immense le besoin de consolation des humains.

"S'il n'y a plus les sentiments, il n'y a plus rien", dit-elle. Et le théâtre de Serge Valletti regorge de tendresse pour les acteurs de ces vies minuscules, si doués d'humanité troublante. Que le petit Bobby, de là où il est, soit rassuré : grâce au talent d'écriture de Serge Valletti, à la mise en jeu d'une plastique impeccable d'Alain Timár, et à la belle interprétation de Charlotte Adrien, il ne mourra pas une seconde fois.

"Pour Bobby"

© DR.
© DR.
Texte : Serge Valletti.
Mise en scène, scénographie : Alain Timár.
Avec : Charlotte Adrien.
Création lumière : Richard Rozenbaum.
Musique originale : Quentin Bonami, Richard Rozenbaum.
Arrangements : Quentin Bonami.
Construction décor : Éric Gil.
Costumes : Laurette Paume.
Texte publié aux Éditions L'Atalante.
Durée : 1 h10.
À partir de 12 ans .

•Avignon Off 2019•
Du 5 au 28 juillet 2019.
Tous les jours à 14 h, relâche le mardi.
Théâtre des Halles, Salle Chapiteau
4, rue Noël Biret.
Réservations : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com

Yves Kafka
Dimanche 7 Juillet 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024