En elle se cristallisent les aspirations et frustrations mises à nu de ceux et celles qui, n'ayant pu vivre dans la réalité ce à quoi ils aspirent, trouvent dans un imaginaire aux confins de la folie, "la raison" d'être au monde.
Catherine Marnas, avec la même comédienne (Martine Thinières qui semble être née pour incarner ce rôle tant elle l'endosse comme une seconde peau), remet subtilement en jeu dix-sept ans après sa création "Mary's à minuit", tragi-comédie où le goût des autres, cher à Serge Valletti, s'exprime avec un subtil humour mâtiné de cruauté douce (l'oxymore semble ici de mise).
Tout commence avec une chanson populaire de Stone & Charden s'échappant du 45 tours que Maryse a glissé avec gourmandise dans son mange-disque. Mimiques à l'appui, entourée de cinq mannequins portant des robes de mariée, projetant ses rêves de midinette sur une scène parsemée de vinyles, elle dialogue silencieusement, divaguant au gré des aventures sentimentales lovées au creux des sillons.
Catherine Marnas, avec la même comédienne (Martine Thinières qui semble être née pour incarner ce rôle tant elle l'endosse comme une seconde peau), remet subtilement en jeu dix-sept ans après sa création "Mary's à minuit", tragi-comédie où le goût des autres, cher à Serge Valletti, s'exprime avec un subtil humour mâtiné de cruauté douce (l'oxymore semble ici de mise).
Tout commence avec une chanson populaire de Stone & Charden s'échappant du 45 tours que Maryse a glissé avec gourmandise dans son mange-disque. Mimiques à l'appui, entourée de cinq mannequins portant des robes de mariée, projetant ses rêves de midinette sur une scène parsemée de vinyles, elle dialogue silencieusement, divaguant au gré des aventures sentimentales lovées au creux des sillons.
Puis, coupant le son, elle se met à nous parler droit dans les yeux : "On m'a dit que j'avais de beaux yeux, de jolies jambes ? S'il veut me sauter qu'il le dise. Quand je baise, je ferme les yeux !". Dans cette rupture soudaine de ton, le clivage de Maryse tonitrue : certes, elle rêve au prince charmant mais son langage peut se faire cru pour dire qu'au-delà de sa naïveté et de ses errances mentales, elle n'est pas dupe des conduites des hommes… et de ses siens désirs.
Son champion élu qu'elle baptise Maclaren - n'a-t-il pas une belle voiture décapotable qu'il range sous les fenêtres de l'immeuble qu'elle habite ? - a une drôle de conduite : il semble s'ingénier à rater les rendez-vous quotidiens qu'elle lui fixe dans sa tête… Ce qui n'empêche aucunement Maryse le lendemain soir de l'attendre avec la même frénésie impatiente. Une vie passée à attendre le prince charmant, une existence nourrie par l'invention de la vie des autres, ça pourrait paraître fou… mais, pourquoi pas après tout ? Franchir la ligne ténue qui sépare le réel du récit qu'on s'en donne, pour s'évader dans le monde qu'on se crée, est-ce si déraisonnable que ça ? C'est distrayant à souhait, ça suffit à remplir une vie.
Sa vie, ses vies, elle les invente comme on dit d'un trésor… Quand elle l'a rencontré, lui, tout a changé… Sur les mots de Michel Polnareff, "Je te donnerai tous les bateaux tous les oiseaux tous les soleils petite fille de ma rue", elle virevolte avec sa robe de mariée immaculée. "Il" lui faisait des caresses "suggestives", s'il avait su ce que cela lui "suggérait", il l'aurait prise pour folle… La lucidité traversant la folie pour mieux la renverser dans son contraire. L'absurde comme révélateur de la réalité. Le grand jeu… "De toute façon, le docteur, il a dit Vous avez le droit, c'est inaliénable, il a dit".
Quand les mots viennent à déraper, ils disent l'essentiel. Elle, elle se prépare pour être prête quand il viendra la chercher. Bien sûr, il a toujours quelque chose à faire, il dit qu'il passera demain. Mais au fond d'elle, elle a toujours l'espoir qu'il viendra, qu'il la prendra dans ses bras. Alors elle se tient prête chaque soir… Et puis soudain la lucidité troue la folie éveillée.
Mais la folie est une notion fragile, n'est-on pas toujours le fou de quelqu'un ? Alors L'été indien de Joe Dassin et ses mots bleus, "Tu sais je n'ai jamais été aussi heureux que ce matin-là", recolore sa vie pour faire effraction dans ses idées un peu sombres.
Son champion élu qu'elle baptise Maclaren - n'a-t-il pas une belle voiture décapotable qu'il range sous les fenêtres de l'immeuble qu'elle habite ? - a une drôle de conduite : il semble s'ingénier à rater les rendez-vous quotidiens qu'elle lui fixe dans sa tête… Ce qui n'empêche aucunement Maryse le lendemain soir de l'attendre avec la même frénésie impatiente. Une vie passée à attendre le prince charmant, une existence nourrie par l'invention de la vie des autres, ça pourrait paraître fou… mais, pourquoi pas après tout ? Franchir la ligne ténue qui sépare le réel du récit qu'on s'en donne, pour s'évader dans le monde qu'on se crée, est-ce si déraisonnable que ça ? C'est distrayant à souhait, ça suffit à remplir une vie.
Sa vie, ses vies, elle les invente comme on dit d'un trésor… Quand elle l'a rencontré, lui, tout a changé… Sur les mots de Michel Polnareff, "Je te donnerai tous les bateaux tous les oiseaux tous les soleils petite fille de ma rue", elle virevolte avec sa robe de mariée immaculée. "Il" lui faisait des caresses "suggestives", s'il avait su ce que cela lui "suggérait", il l'aurait prise pour folle… La lucidité traversant la folie pour mieux la renverser dans son contraire. L'absurde comme révélateur de la réalité. Le grand jeu… "De toute façon, le docteur, il a dit Vous avez le droit, c'est inaliénable, il a dit".
Quand les mots viennent à déraper, ils disent l'essentiel. Elle, elle se prépare pour être prête quand il viendra la chercher. Bien sûr, il a toujours quelque chose à faire, il dit qu'il passera demain. Mais au fond d'elle, elle a toujours l'espoir qu'il viendra, qu'il la prendra dans ses bras. Alors elle se tient prête chaque soir… Et puis soudain la lucidité troue la folie éveillée.
Mais la folie est une notion fragile, n'est-on pas toujours le fou de quelqu'un ? Alors L'été indien de Joe Dassin et ses mots bleus, "Tu sais je n'ai jamais été aussi heureux que ce matin-là", recolore sa vie pour faire effraction dans ses idées un peu sombres.
Et puis la lucidité cruelle la rattrape encore, cette fois sans échappatoire possible. Retirant sa perruque rousse, le visage ravagé, Maryse apparaît face à nous sans la protection du "dé-lire" qui la tenait jusque-là à l'abri d'elle-même. "La vie risque de passer, je n'aurais vu que du feu…". Noir. Personnage de papier, plus vrai que les copies du monde réel qui l'a inspiré, Maryse navigue à vue entre raison vacillante et folie lucide. Ce qu'elle nous dit dans sa verve qu'elle cultive comme un art de vivre et qui la fait tenir debout, nous touche au plus profond en rentrant en résonance avec des lignes de faille dissimulées sous le vernis de notre moi-peau policé avec soin.
Mais si "Mary's à minuit" est si convaincante, c'est qu'au-delà de l'humour mordant de l'écriture de Serge Valletti, elle a rencontré son double en son interprète. Quant à la mise en jeu proposée par Catherine Marnas, elle participe pleinement à la création troublante d'un univers à la fois féérique, ouvrant les portes d'une douce folie teintée de nostalgie diffusée par les chansons populaires des années soixante-dix, et porteur de vérités humaines enfouies. En effet, la logique souterraine à l'œuvre dans les épisodes de folie de l'héroïne shootée aux errances de son imaginaire débordant, a à voir avec nos existences réelles. L'absurde est bien plus sensé qu'on veut bien se le dire ordinairement.
Mais si "Mary's à minuit" est si convaincante, c'est qu'au-delà de l'humour mordant de l'écriture de Serge Valletti, elle a rencontré son double en son interprète. Quant à la mise en jeu proposée par Catherine Marnas, elle participe pleinement à la création troublante d'un univers à la fois féérique, ouvrant les portes d'une douce folie teintée de nostalgie diffusée par les chansons populaires des années soixante-dix, et porteur de vérités humaines enfouies. En effet, la logique souterraine à l'œuvre dans les épisodes de folie de l'héroïne shootée aux errances de son imaginaire débordant, a à voir avec nos existences réelles. L'absurde est bien plus sensé qu'on veut bien se le dire ordinairement.
"Marys' à minuit"
Texte : Serge Valletti.
Mise en scène : Catherine Marnas.
Avec : Martine Thinières.
Scénographie et lumière : Carlos Calvo assisté de Clarisse Bernez-Cambot Laberta.
Son : Catherine Marnas assistée de Jean-Christophe Chiron.
Régie générale : François Borne.
Construction décor : Nicolas Brun, Maxime Vasselin, Cyril Bablin.
Costumes : Édith Traverso assistée de Kam Derbali.
Texte publié aux Éditions L'Atalante.
Durée : 1 h 05.
À partir de 14 ans.
•Avignon Off 2019•
Du 5 au 28 juillet 2019.
Tous les jours à 11 h, relâche le mardi.
Théâtre des Halles, Salle Chapiteau
4, rue Noël Biret.
Réservations : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com
Mise en scène : Catherine Marnas.
Avec : Martine Thinières.
Scénographie et lumière : Carlos Calvo assisté de Clarisse Bernez-Cambot Laberta.
Son : Catherine Marnas assistée de Jean-Christophe Chiron.
Régie générale : François Borne.
Construction décor : Nicolas Brun, Maxime Vasselin, Cyril Bablin.
Costumes : Édith Traverso assistée de Kam Derbali.
Texte publié aux Éditions L'Atalante.
Durée : 1 h 05.
À partir de 14 ans.
•Avignon Off 2019•
Du 5 au 28 juillet 2019.
Tous les jours à 11 h, relâche le mardi.
Théâtre des Halles, Salle Chapiteau
4, rue Noël Biret.
Réservations : 04 32 76 24 51.
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