Yves Kafka - William Mesguich, votre appétit pour le théâtre n'est plus à prouver, mais pour cette édition d'Avignon 2019, on pourrait parler de boulimie… On vous verra quatre fois en tant que comédien et pas moins de cinq en tant que metteur en scène. Alors, comme le personnage de "Liberté !" que vous mettez en jeu, êtes-vous atteint "d'une curieuse maladie, celle de ne pas arriver à faire des choix" ? Brûler les planches serait-ce votre manière à vous de soigner cette addiction dont vous avez hérité ?
William Mesguich - Les chiens ne font pas des chats… L'exemple donné par mon père m'a "imprégné" durablement. Sa faconde, son enthousiasme, sa générosité… J'aime infiniment le théâtre. Il ne s'agit pas de courir après l'exploit, d'établir des records, mais de faire vivre cet amour du théâtre. Je suis profondément heureux sur les planches…
J'aime la vie, ma famille, mes amis… mais il est vrai que je suis tout particulièrement heureux sur la scène, quand je dis des textes et ai le bonheur de les partager. C'est là ma raison de vivre. Depuis 23 ans, c'est le désir de la quête qui me porte. Après quoi je cours ? Une recherche de reconnaissance ? Ou peut-être, simplement, ma manière à moi d'exister…
William Mesguich - Les chiens ne font pas des chats… L'exemple donné par mon père m'a "imprégné" durablement. Sa faconde, son enthousiasme, sa générosité… J'aime infiniment le théâtre. Il ne s'agit pas de courir après l'exploit, d'établir des records, mais de faire vivre cet amour du théâtre. Je suis profondément heureux sur les planches…
J'aime la vie, ma famille, mes amis… mais il est vrai que je suis tout particulièrement heureux sur la scène, quand je dis des textes et ai le bonheur de les partager. C'est là ma raison de vivre. Depuis 23 ans, c'est le désir de la quête qui me porte. Après quoi je cours ? Une recherche de reconnaissance ? Ou peut-être, simplement, ma manière à moi d'exister…
Servi par une bonne mémoire, je me réserve le temps de la pensée pour préserver l'exigence. Aucunement mercenaire, je mets un point d'honneur à être le plus pro, le plus engagé possible avec mes partenaires et ceux qui m'ont fait confiance en sachant que je peux résister à la fatigue liée à cette somme de projets et de rôles.
Pendant longtemps, j'ai travaillé exclusivement avec ma propre compagnie ou avec mon père à qui je dois Le Prince de Hombourg et Hamlet, des rôles m'ayant marqué à jamais. Je l'en remercie infiniment et ai toujours grand plaisir à jouer avec lui "Le souper"… mais le fait d'avoir décidé d'aller vers d'autres horizons, m'a autorisé à vivre d'autres aventures, de côtoyer des gens ayant un regard autre sur le théâtre et y ai pris goût.
J'aime le théâtre parce que j'aime les gens qui le font. Durant les juillets d'Avignon, je vais habituellement voir 20 à 35 spectacles. Le mouvement de la création me nourrit.
Amour des gens de théâtre mais aussi des textes. La fibre littéraire qui vous anime trame votre parcours. On se souvient des "Mémoires d'un fou" du jeune Gustave Flaubert où, au milieu des feuillets éparpillés sur le plateau, visage couvert de blanc de clown et yeux exorbités, vous retrouviez ses tourments et exaltations. Là, vous jetez votre dévolu sur Victor Hugo, William Shakespeare, Antonin Artaud, ainsi que quelques contemporains. Diriez-vous avec Fernando Pessoa que "la littérature est la preuve que la vie ne suffit pas" ?
W. M. - Oui ! Mes sœurs et moi avons baigné dès notre enfance dans la littérature. Ont suivi des études littéraires, khâgne, maîtrise à la Sorbonne et mémoire sur le théâtre de Beckett. Les grands auteurs m'ont de tout temps accompagné. Aussi ai-je toujours mis un point d'honneur à défendre les projets "nobles" porteurs d'une culture, d'une pensée forte. Marivaux, Molière, Victor Hugo, Ibsen, Calderón, Beckett, Ionesco, des classiques mais aussi des contemporains. De même pour les textes philosophiques, Jacques Derrida mais aussi Kant et Platon. Aux côtés de mon père, j'ai travaillé de manière passionnée et passionnelle autour du sens, de ce que les mots disent, et il m'aurait été inconcevable de m'aventurer dans des choses moyennes, légères, qui auraient à voir avec le divertissement.
Pendant longtemps, j'ai travaillé exclusivement avec ma propre compagnie ou avec mon père à qui je dois Le Prince de Hombourg et Hamlet, des rôles m'ayant marqué à jamais. Je l'en remercie infiniment et ai toujours grand plaisir à jouer avec lui "Le souper"… mais le fait d'avoir décidé d'aller vers d'autres horizons, m'a autorisé à vivre d'autres aventures, de côtoyer des gens ayant un regard autre sur le théâtre et y ai pris goût.
J'aime le théâtre parce que j'aime les gens qui le font. Durant les juillets d'Avignon, je vais habituellement voir 20 à 35 spectacles. Le mouvement de la création me nourrit.
Amour des gens de théâtre mais aussi des textes. La fibre littéraire qui vous anime trame votre parcours. On se souvient des "Mémoires d'un fou" du jeune Gustave Flaubert où, au milieu des feuillets éparpillés sur le plateau, visage couvert de blanc de clown et yeux exorbités, vous retrouviez ses tourments et exaltations. Là, vous jetez votre dévolu sur Victor Hugo, William Shakespeare, Antonin Artaud, ainsi que quelques contemporains. Diriez-vous avec Fernando Pessoa que "la littérature est la preuve que la vie ne suffit pas" ?
W. M. - Oui ! Mes sœurs et moi avons baigné dès notre enfance dans la littérature. Ont suivi des études littéraires, khâgne, maîtrise à la Sorbonne et mémoire sur le théâtre de Beckett. Les grands auteurs m'ont de tout temps accompagné. Aussi ai-je toujours mis un point d'honneur à défendre les projets "nobles" porteurs d'une culture, d'une pensée forte. Marivaux, Molière, Victor Hugo, Ibsen, Calderón, Beckett, Ionesco, des classiques mais aussi des contemporains. De même pour les textes philosophiques, Jacques Derrida mais aussi Kant et Platon. Aux côtés de mon père, j'ai travaillé de manière passionnée et passionnelle autour du sens, de ce que les mots disent, et il m'aurait été inconcevable de m'aventurer dans des choses moyennes, légères, qui auraient à voir avec le divertissement.
Je ne vous dis pas que de temps en temps… "Chagrin pour soi" de Virginie Lemoine est une comédie. C'est la première fois que je m'aventurais sur ce territoire.
Cette pièce effectivement relève d'une autre inspiration que les autres…
W. M. - J'y interprète pas moins de douze personnages, le défi était de s'aventurer sur un terrain inconnu en compagnie de Virginie Lemoine et Sophie Forte, expertes en humour et sens de la repartie. Ce choix a eu l'effet d'une respiration… Pour autant ma prédilection va aux auteurs des textes littéraires, à leur puissance, à leur réflexion qui ne nous laisse jamais en repos…
… comme votre prédilection pour les rôles que vous avez choisis d'endosser ! Fouché, l'ancien ministre de la police, Macbeth, le régicide en proie aux affres de la culpabilité dévorante, ou encore Antonin Artaud, l'auteur de "Van Gogh, le suicidé de la société". Outre leurs destins hors du commun, ils sont porteurs chacun à leur manière d'une humanité tourmentée. C'est ce destin qui vous rend "captif" de leur aura et vous lie à eux ? C'est vous qui choisissez les rôles ou ce sont eux qui vous choisissent ?
W. M. - J'ai pris souvent la responsabilité de m'aventurer près de personnages intranquilles. Dans "Noces de sang", j'interprétais l'amant. Dans "Les Mystères de Paris", Rodolphe. Dans "Ruy Blas", Salluste, qui ne passe pas non plus pour être fréquentable. Quand j'ai joué "Pascal/Descartes" avec mon père, l'évidence était que Pascal, tremblant et maladif, m'était réservé. Dans "Le Souper", je me suis jeté à corps perdu dans le rôle de Fouché.
En revanche, pour "Macbeth", on est venu me chercher (après avoir imaginé le "Caligula" de Camus !). De même pour le texte au vitriol d'"Artaud-Passion". Je me sens comme aimanté par ces figures. Qu'est-ce qui fait que sur scène, je suis comme "un autre" ? Blond, la peau claire, les yeux bleus, je ne suis pas dans la ténèbre, ne suis ni mon père, ni Denis Lavant, je n'ai pas cette capacité innée à raconter des choses terribles. "Ça" me dépasse. Faire "Chagrin pour soi", c'était amusant, une salutaire respiration, mais au fond de moi, quand je lis le texte d'Artaud, je jubile.
Cette pièce effectivement relève d'une autre inspiration que les autres…
W. M. - J'y interprète pas moins de douze personnages, le défi était de s'aventurer sur un terrain inconnu en compagnie de Virginie Lemoine et Sophie Forte, expertes en humour et sens de la repartie. Ce choix a eu l'effet d'une respiration… Pour autant ma prédilection va aux auteurs des textes littéraires, à leur puissance, à leur réflexion qui ne nous laisse jamais en repos…
… comme votre prédilection pour les rôles que vous avez choisis d'endosser ! Fouché, l'ancien ministre de la police, Macbeth, le régicide en proie aux affres de la culpabilité dévorante, ou encore Antonin Artaud, l'auteur de "Van Gogh, le suicidé de la société". Outre leurs destins hors du commun, ils sont porteurs chacun à leur manière d'une humanité tourmentée. C'est ce destin qui vous rend "captif" de leur aura et vous lie à eux ? C'est vous qui choisissez les rôles ou ce sont eux qui vous choisissent ?
W. M. - J'ai pris souvent la responsabilité de m'aventurer près de personnages intranquilles. Dans "Noces de sang", j'interprétais l'amant. Dans "Les Mystères de Paris", Rodolphe. Dans "Ruy Blas", Salluste, qui ne passe pas non plus pour être fréquentable. Quand j'ai joué "Pascal/Descartes" avec mon père, l'évidence était que Pascal, tremblant et maladif, m'était réservé. Dans "Le Souper", je me suis jeté à corps perdu dans le rôle de Fouché.
En revanche, pour "Macbeth", on est venu me chercher (après avoir imaginé le "Caligula" de Camus !). De même pour le texte au vitriol d'"Artaud-Passion". Je me sens comme aimanté par ces figures. Qu'est-ce qui fait que sur scène, je suis comme "un autre" ? Blond, la peau claire, les yeux bleus, je ne suis pas dans la ténèbre, ne suis ni mon père, ni Denis Lavant, je n'ai pas cette capacité innée à raconter des choses terribles. "Ça" me dépasse. Faire "Chagrin pour soi", c'était amusant, une salutaire respiration, mais au fond de moi, quand je lis le texte d'Artaud, je jubile.
Artaud me nourrit, Artaud me déstabilise, il me rend heureux de dire ses mots. Il y a une intelligence, une force, une puissance que certains textes ne proposent pas, tout simplement et c'est pour ça que j'ai évité l'écueil de séries pourries, de publicités indigentes, parce que je voulais rester sur le terrain de l'exigence, de l'excellence, de la noblesse du propos dans un monde qui part à vau l'eau et où la bêtise et l'ignorance sont souvent reines.
Il faut défendre ces îlots de résistance d'une pensée de haute volée pour résister à ceux qui ne veulent plus faire d'effort et qui ont finalement l'arrogance de l'ignorance et veulent imposer une pensée majoritaire, "l'ignorance crasse" comme disait Tchekhov. Artaud tombe des mains de beaucoup de gens parce qu'il dit des choses terrifiantes dérangeant la "bien-pensance" théâtrale, la frilosité ambiante. Or il faut continuer à batailler pour ces textes-là. Je ne suis pas Antonin Artaud, ne le serai jamais, mais porter cette parole me ravit au plus haut point.
Il faut défendre ces îlots de résistance d'une pensée de haute volée pour résister à ceux qui ne veulent plus faire d'effort et qui ont finalement l'arrogance de l'ignorance et veulent imposer une pensée majoritaire, "l'ignorance crasse" comme disait Tchekhov. Artaud tombe des mains de beaucoup de gens parce qu'il dit des choses terrifiantes dérangeant la "bien-pensance" théâtrale, la frilosité ambiante. Or il faut continuer à batailler pour ces textes-là. Je ne suis pas Antonin Artaud, ne le serai jamais, mais porter cette parole me ravit au plus haut point.
La vie, me semble plus anodine, plus tiède que sur les planches, dans ce rapport particulier qui nous lie de façon charnelle à un auditoire, à ceux et celles qui se sont donné rendez-vous pour entendre un texte, voir un regard, ressentir de l'émotion. Je me dis que c'est là que je suis le plus moi-même et le plus heureux peut-être. Le fait de m'écrouler sur scène crée quelque chose que je ne peux ressentir ailleurs, dans la vie ordinaire je ne peux pas m'écrouler dans la rue.
Sur scène, je suis comme un autre en moi-même… Peut-être la volonté de prouver à moi-même, à mon père, que je suis capable. C'est un peu sans fin, à ce jeu il faut faire attention à ne pas se brûler les ailes… Certains craignent pour ma santé. Cet été, il va faire chaud, il y aura des tensions, les rôles sont exigeants, c'est quotidiennement plus de cinq heures sur scène. Je ne suis pas une machine, ai fait du sport de haut niveau, sais ce que c'est que l'effort, mais… Je suis très excité à l'idée de ce festival, très impatient. Sur la scène d'un théâtre, je me sens vivre.
Propos recueillis le 2 mai.
Les neuf spectacles de William Mesguich programmés en juillet à Avignon :
"Une histoire vraie" à 11 h 20 à La Luna.
"Artaud-passion" à 12 h 30 au Roi René.
"Liberté ! (avec un point d'exclamation)" à 13 h 10 à l'Essaïon.
"Le corbeau blanc" à 14 h 05 à La Luna.
"Misérables" à 17 h 20 à l'Espace Roseau Teinturiers.
"Macbeth" à 17 h 50 au Théâtre des Gémeaux.
"Le Souper" à 19 h 30 au Théâtre des Gémeaux.
"Fluides" à 20 h 15 au Coin de la Lune.
"Chagrin pour soi" à 20 h 45 au Théâtre des Gémeaux.
Sur scène, je suis comme un autre en moi-même… Peut-être la volonté de prouver à moi-même, à mon père, que je suis capable. C'est un peu sans fin, à ce jeu il faut faire attention à ne pas se brûler les ailes… Certains craignent pour ma santé. Cet été, il va faire chaud, il y aura des tensions, les rôles sont exigeants, c'est quotidiennement plus de cinq heures sur scène. Je ne suis pas une machine, ai fait du sport de haut niveau, sais ce que c'est que l'effort, mais… Je suis très excité à l'idée de ce festival, très impatient. Sur la scène d'un théâtre, je me sens vivre.
Propos recueillis le 2 mai.
Les neuf spectacles de William Mesguich programmés en juillet à Avignon :
"Une histoire vraie" à 11 h 20 à La Luna.
"Artaud-passion" à 12 h 30 au Roi René.
"Liberté ! (avec un point d'exclamation)" à 13 h 10 à l'Essaïon.
"Le corbeau blanc" à 14 h 05 à La Luna.
"Misérables" à 17 h 20 à l'Espace Roseau Teinturiers.
"Macbeth" à 17 h 50 au Théâtre des Gémeaux.
"Le Souper" à 19 h 30 au Théâtre des Gémeaux.
"Fluides" à 20 h 15 au Coin de la Lune.
"Chagrin pour soi" à 20 h 45 au Théâtre des Gémeaux.