À ce titre, le tableau initial a valeur de peinture expressive, projetant en pleine face les positions canoniques imposées par la loi des hommes… Cinq femmes alignées, impeccablement immobiles face à nous dans leurs longues robes colorées, panel des diversités confondues, émergent de la nuit du plateau. Sur leur visage, dans un silence abyssal, se lit sinon l'effroi l'expression de celles qui se doivent de se tenir en retrait. Lorsque leurs mains se portent lentement à leur visage, c'est pour en effleurer le front… Elles qui, toutes sur le même front, vont peu à peu se mettre en mouvement entre souffrance, révolte et extase.
Au rythme de leur respiration ahanée, elles vont progressivement s'animer. Leurs gestes s'accélérant dévoilent, entre les soupirs qui en fixent le tempo, les efforts surhumains qu'elles déploient pour "faire face". Tantôt épuisées, mises à bas par l'intensité des luttes secouant de part en part leur corps mis à mal, elles chutent une à une… pour aussitôt, sous l'effet du souffle du collectif qui leur insuffle leur énergie, se relever telles des phénix renaissant de leurs cendres. Les chorégraphies de l'effondrement, du roulé-boulé, du jaillissement, recomposent la répétition des figures au travail en elles. Figures introjectées, imposées, auxquelles elles ont affaire… et dont elles aspirent à se séparer dans des mouvements dupliqués à l'envi, marquant autant la répétition du même que ses écarts.
Au rythme de leur respiration ahanée, elles vont progressivement s'animer. Leurs gestes s'accélérant dévoilent, entre les soupirs qui en fixent le tempo, les efforts surhumains qu'elles déploient pour "faire face". Tantôt épuisées, mises à bas par l'intensité des luttes secouant de part en part leur corps mis à mal, elles chutent une à une… pour aussitôt, sous l'effet du souffle du collectif qui leur insuffle leur énergie, se relever telles des phénix renaissant de leurs cendres. Les chorégraphies de l'effondrement, du roulé-boulé, du jaillissement, recomposent la répétition des figures au travail en elles. Figures introjectées, imposées, auxquelles elles ont affaire… et dont elles aspirent à se séparer dans des mouvements dupliqués à l'envi, marquant autant la répétition du même que ses écarts.
Le deuxième tableau les découvrira en robes léopard sous les lumières du plateau. Agenouillées, à quatre pattes, elles briquent de manière forcenée le sol, s'échinant à grands renforts de gestes à reproduire en chœur ce que, au travers de la répartition des tâches, la domination masculine attend d'elles. Mais dans leur regard luit la flamme de la révolte prête à mordre… Quand elles se relèvent, leur robe entre les dents, on sent que l'heure de la révolte est arrivée… C'est le sol, vers lequel on veut les faire plier, qui, dorénavant, reçoit les coups rageurs de leur robe devenue arme. Ces robes dont elles tenteront de se défaire une à une, comme on se dépiaute de "moi-peaux" accumulés en couches successives par les années d'asservissement. Des "moi-peaux" introjectés faisant barrage à leur nature de femme libre.
Retrouvant un instant leur voix, les danseuses en donnent à tue-tête, entonnant la chanson de Lara Fabian "Je suis malade, complètement malade"… Les affres de la douleur à vif et de la révolte à fleur de peau déforment les visages tordus par les grimaces (cf. "La Méduse" du Caravage) et les corps disloqués, figés dans un tableau vivant, bouches ouvertes renvoyant à une "nature morte".
Retrouvant un instant leur voix, les danseuses en donnent à tue-tête, entonnant la chanson de Lara Fabian "Je suis malade, complètement malade"… Les affres de la douleur à vif et de la révolte à fleur de peau déforment les visages tordus par les grimaces (cf. "La Méduse" du Caravage) et les corps disloqués, figés dans un tableau vivant, bouches ouvertes renvoyant à une "nature morte".
Et comme si l'aventure – selon les desiderata d'un ordre patriarcal veillant au grain – devrait légitimement s'arrêter là, avec, après la crise, le retour à la raison commune d'une soumission acceptée, les artistes tout sourire se paient le luxe d'une (fausse) sortie avec saluts d'usage… Comme si seule la résignation pouvait être de mise pour constituer une chute (socialement) acceptable… serait-ce au prix d'un renoncement de plus.
Mais le monde selon Leïla Ka ne peut se "décliner" ainsi… Dans une seconde partie, la révolte avortée se transfigurera en rébellion généralisée. Des cintres tomberont des crochets où les robes seront, une à une, accrochées, comme des reliques surannées dont ces femmes ne veulent plus. Les mouvements se feront souples, amples, la musique allègre. En plein accord avec la liberté recouvrée, leurs relations seront traversées par des querelles "entre filles" prenant la forme des pantomimes endiablées prisées par le cinéma muet. Débarbouillées, débarrassées de leur ancienne peau, elles apparaîtront en nuisettes, jouant avec leurs pelures anciennes réduites à l'état d'oripeaux désactivés de leur charge toxique.
Soutenus par des musiques (basses électro répétitives, valses de Chostakovitch, musique pop de Lara Fabian) épousant les différentes étapes de cette traversée en milieu hostile, une heure durant sans faiblir un seul instant, les corps se sont faits les haut-parleurs de combats démesurés échappant aux mots pour les dire. Refusant le statut de victimes les figeant dans des postures qu'elles réprouvent, ces danseuses sont devenues à leur tour de splendides "guerillères" retournant leurs robes en armes.
Ce qui ressort de cette chorégraphie chorale orchestrée par la sincérité, la générosité et l'énergie rayonnante inscrites dans l'ADN de Leïla Ka, c'est le sentiment d'avoir été irrésistiblement aspiré dans l'œil du cyclone… Un œil du cyclone qui, en la circonstance, a pris le visage de femmes "hors père"… Envoûtant.
Vu le vendredi 5 avril à La Manufacture - CDCN de Bordeaux (33).
Mais le monde selon Leïla Ka ne peut se "décliner" ainsi… Dans une seconde partie, la révolte avortée se transfigurera en rébellion généralisée. Des cintres tomberont des crochets où les robes seront, une à une, accrochées, comme des reliques surannées dont ces femmes ne veulent plus. Les mouvements se feront souples, amples, la musique allègre. En plein accord avec la liberté recouvrée, leurs relations seront traversées par des querelles "entre filles" prenant la forme des pantomimes endiablées prisées par le cinéma muet. Débarbouillées, débarrassées de leur ancienne peau, elles apparaîtront en nuisettes, jouant avec leurs pelures anciennes réduites à l'état d'oripeaux désactivés de leur charge toxique.
Soutenus par des musiques (basses électro répétitives, valses de Chostakovitch, musique pop de Lara Fabian) épousant les différentes étapes de cette traversée en milieu hostile, une heure durant sans faiblir un seul instant, les corps se sont faits les haut-parleurs de combats démesurés échappant aux mots pour les dire. Refusant le statut de victimes les figeant dans des postures qu'elles réprouvent, ces danseuses sont devenues à leur tour de splendides "guerillères" retournant leurs robes en armes.
Ce qui ressort de cette chorégraphie chorale orchestrée par la sincérité, la générosité et l'énergie rayonnante inscrites dans l'ADN de Leïla Ka, c'est le sentiment d'avoir été irrésistiblement aspiré dans l'œil du cyclone… Un œil du cyclone qui, en la circonstance, a pris le visage de femmes "hors père"… Envoûtant.
Vu le vendredi 5 avril à La Manufacture - CDCN de Bordeaux (33).
"Maldonne"
Chorégraphie : Leïla Ka.
Avec : Jennifer Dubreuil Houthemann, Jane Fournier Dumet, Leïla Ka, Zoé Lakhnati, Jade Logmo.
Assistante chorégraphique : Jane Fournier Dumet.
Création lumière : Laurent Fallot.
Régie lumière : Laurent Fallot ou Clara Coll Bigot.
Régie son : Rodrig De Sa ou Manon Garnier.
Par la Cie Leïla Ka.
À partir de 14 ans.
Durée : 60 minutes.
Création le 16 novembre 2023 à La Garance - Scène nationale, Cavaillon (84).
A été représenté le jeudi 4 et le vendredi 5 avril 2024 à La Manufacture - CDCN à Bordeaux (33), en partenariat avec le TnBA - Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine.
Tournée
11 avril 2024 : Centre culturel Jacques Duhamel, Vitré (35).
Octobre 2024 : Festival Roma Europa, Rome (Italie).
Avec : Jennifer Dubreuil Houthemann, Jane Fournier Dumet, Leïla Ka, Zoé Lakhnati, Jade Logmo.
Assistante chorégraphique : Jane Fournier Dumet.
Création lumière : Laurent Fallot.
Régie lumière : Laurent Fallot ou Clara Coll Bigot.
Régie son : Rodrig De Sa ou Manon Garnier.
Par la Cie Leïla Ka.
À partir de 14 ans.
Durée : 60 minutes.
Création le 16 novembre 2023 à La Garance - Scène nationale, Cavaillon (84).
A été représenté le jeudi 4 et le vendredi 5 avril 2024 à La Manufacture - CDCN à Bordeaux (33), en partenariat avec le TnBA - Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine.
Tournée
11 avril 2024 : Centre culturel Jacques Duhamel, Vitré (35).
Octobre 2024 : Festival Roma Europa, Rome (Italie).
© Nora Houguenade.