La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"June events"… Pour rendre la réalité… artistique !

"June events" est à sa treizième édition et se déroule jusqu'au 15 juin. Basé essentiellement à l'Atelier de Paris, mais aussi dans des quartiers de Paris et à Vincennes, le festival est un kaléidoscope où se mêlent des danses de pays et de continents différents pour essayer de rendre la réalité aussi malléable qu'une utopie.



Claudia Dias, "Terça-Feira…" © Alipiopadilha.
Claudia Dias, "Terça-Feira…" © Alipiopadilha.
Ils sont deux, éloignés l'un de l'autre côtés cour et jardin. Comme séparés par deux mondes qui les opposent mais une fois sur le plateau, ils ne font plus qu'un autour d'un fil blanc qui les relie. Pas de gestuelle, pas de parole. Juste du bruitage et des sons, amplifiés, répétés, mixés qui ont confisqué les paroles au profit d'une projection vidéo de celles-ci et de propos relatant, entre autres, la guerre israélo-palestinienne ; et l'attitude d'Israël envers les Palestiniens ou des témoignages qui font écho aussi au drame des migrants.

"Terça-Feira : Tudo o que é solido dissolve-se no ar" (Mardi : tout ce qui est solide s'évapore) de Cláudia Dias, chorégraphe portugaise, est la deuxième pièce de son projet "Seven years, seven pieces" qui s'étale de 2015 à 2022 où elle invite pour chacune d'elle un artiste. Elle est des plus politiques mais sans colère, sans murmure, seul le silence s'impose autour de ficelles blanches qui sont tirées de sa bouche et de celle du clown et performer italien Luca Belleze pour dessiner sur le plateau différents éléments telle une muraille d'un château fort avec deux nuages pluvieux ou les continents du monde. Nous sommes dans un double positionnement, celui de l'art comme écho politique de tragédies et celui d'une distance, presque frontale, entre deux personnes, communiquant sans parole ni musique.

"Näss" © DR.
"Näss" © DR.
Le son remplace les gestes, les dessins de ficelle racontent des histoires brisées par une guerre, par des transferts de population, par une occupation autour de questionnements qui mêlent l'empathie, comme une vue à l'intérieur d'une tragédie, à un regard extérieur. Ces bouts de ficelle marquent aussi un moment le contour du corps de Cláudia Dias comme lieu d'une scène de meurtre, pour donner, le temps d'un instant, une réalité à des personnes brisées, esquintées, des anonymes tués et assassinés.

La deuxième pièce, "Näss" (Les gens) de Fouad Boussouf qui fait partie aussi de la programmation du festival "Le printemps de la danse arabe", est superbe physiquement avec sept danseurs qui montent au-devant de la scène en rythme. La musique est composée de percussions qui claquent comme une marche progressive avec des pas bien tapés au sol. La plante des pieds frappe de trois-quarts le sol en appui sur le pied gauche. Puis cela évolue plus fortement, de façon plus brutale, faisant du plateau un écho physique à des enchaînements dans lesquels les membres inférieurs sont comme des socles vibrants. Les mouvements sont tendus, rapides, saccadés et toujours synchronisés.

"Näss" © DR.
"Näss" © DR.
La chorégraphie est composée d'une multitude de ruptures physiques autour de solos, de duos ou de danses d'ensemble. Le groupe est le nœud sur lequel se créent des gestuelles, des mouvements qui prennent leur source dans un rythme souvent frénétique comme soumis à une force indépendante de toute volonté. De façon alternative, un danseur s'en sépare pour effectuer son solo avec une chorégraphie beaucoup plus calme et sereine pour finir presque immobile se déchargeant ainsi d'une énergie où auparavant, il était objet de frénésie et d'un stress robotique. Là, il devient sujet, comme conscient d'un corps qui ne lui échappe plus.

Un superbe duo est réalisé avec des interprètes jouant avec l'ouverture de leurs membres inférieurs et supérieurs où, au travers d'une jambe, d'un bras, des mouvements rapides s'enchaînent, pour l'un, dans un tour, jambe tendue, quand l'autre se plie pour esquisser et emboîter un autre pas dans une imbrication où chaque espace vide est comblé.

Des solos, dont un de hip-hop au sol suivi par des sauts et des équilibres sur la tête ou les mains, sont effectués élidant quelque peu la synergie du groupe rendant ainsi à chacun alternativement son pré carré existentiel avec l'intégration d'alter egos, de "gens" pour reprendre, en français, le titre du spectacle. À aucun moment, bien que la chorégraphie soit très physique, le souffle de la respiration ne se fait entendre sauf quand la lumière s'éteint et que l'ombre envahit la scène comme le reflet d'un final où l'humain retrouve son individualité dans un groupe.

13e édition June Events

Claudia Dias, "Terça-Feira…" © Alipiopadilha.
Claudia Dias, "Terça-Feira…" © Alipiopadilha.
Du 1er au 15 juin 2019.
Réservation : 01 41 74 17 07.
Programmation >> atelierdeparis.org

"Terça-Feira : Tudo o que é solido dissolve-se no ar"
Campagnie Alkantara.
De Cláudia Dias.
Œil critique "Sept ans sept pièces" : Jorge Louraço Figueira.
Assistance : Karas.
Scénographie et décors : Thomas Walgrave.
Animation : Bruno Canas.
Avec : Cláudia Dias et Luca Belleze.

"Näss" © DR.
"Näss" © DR.
"Näss"
Compagnie Massala - Fouad Boussouf.
Chorégraphe : Fouad Boussouf.
Assistant chorégraphe : Bruno Domingues Torres.
Création lumière : Fabrice Sarcy.
Costumes et scénographie : Camille Vallat.
Création sonore et arrangements : Roman Bestion.
Avec : Elias Ardoin (ou Yanice Djae), Sami Blond, Mathieu Bord, Maxime Cozic (ou Teddy Verardo), Loïc Elice, Justin Gouin, Nicolas Grosclaude.

Safidin Alouache
Mardi 11 Juin 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024