La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Danse

"Golden stage"… Une soirée événement pour hisser les incontournables du hip-hop au top

S'est tenue à la grande Halle de la Villette une soirée hip-hop remémorant les années quatre-vingt-dix/deux mille jusqu'à notre époque actuelle. Des trois grandes périodes qui rythment l'histoire du hip-hop, différents styles ont vu le jour et de célèbres représentants étaient présents durant cette soirée avec la génération actuelle, comme un passage de relais qui perdure.



"La Diva aux pieds nus", chorégraphie de Nicolas Huchard © Morgan Éloi.
"La Diva aux pieds nus", chorégraphie de Nicolas Huchard © Morgan Éloi.
Cela démarre par le groupe SOW (Sons Of Wind) avec "Bounce" qui s'extirpe derrière une table de mixage située en arrière-scène. C'est d'abord une masse un peu informe qui se découvre dans une semi-obscurité enrobée de brouillard.

Les démarches sont lourdes et les déplacements massifs, avec des mouvements répétitifs. Au fil de celles-ci, les danseurs se découvrent avec une gestuelle identique, mais déclinée de façon différente. Ici, plus ou moins vive, là plus ou moins acérée, plus loin, plus ou moins nonchalante, la trame chorégraphique est exprimée de manière variée, mais toujours dans le même tempo, les différences se situant dans la tension et l'expressivité.

Celle-ci, par le biais des visages, est fermée comme si elle ne pouvait être que corporelle, sans qu'aucun sentiment ne puisse s'échapper. Les relations dans le groupe n'existent pas, sauf celle d'une distance entre eux, qui les relie toutefois. Et parce qu'elle les relie, elle permet de créer une entité homogène qui devient une identité de groupe à part entière.

"La danse des légendes du hip-hop français" par le Groupe Artizans © Visages du Monde.
"La danse des légendes du hip-hop français" par le Groupe Artizans © Visages du Monde.
Au démarrage presque sans vie, avec un aspect robotique, le groupe, toujours uni, devient vivant par sa cohérence gestuelle et son homogénéité, en restant toutefois un îlot, comme si pour y entrer, les codes vestimentaires, les attitudes et l'apparence étaient tout aussi importants que les gestes exprimés. Celles-là incarnent chacun d'entre eux. L'expressivité qui se dégage est aussi de rupture, exprimée avec le cou, celui-ci faisant osciller de l'avant vers l'arrière leur visage. Ces basculements de têtes synchronisés deviennent un signe de cohésion et d'appartenance. Les modes chorégraphiques restent dans une approche fermée, comme si le groupe existait par lui-même et pour lui-même.

La deuxième chorégraphie est de Nicolas Huchard avec "La Diva aux pieds nus". C'est un ensemble de cinq danseuses composé de Séréna Freira, Julie Laventure, Leila Miretti, Stéphie Téhoué et Mayvis William. Au démarrage, l'une d'elles avance au ralenti jusqu'au milieu des planches, dans une semi-obscurité. Le plateau se découpe en différentes scènes délimitées par une lumière. Autre tempo, les mouvements qui s'enchaînent ensuite sont très dynamiques. Parcourant les planches avec des gestuelles en tension, un moment, elles se retrouvent toutes réunies.

"Bounce" par le Groupe SOW (pour Sons of Wind) © DR.
"Bounce" par le Groupe SOW (pour Sons of Wind) © DR.
Car, sur le plateau, les artistes se situent dans un ensemble de chorégraphies distinctes, avec des dynamiques et des tensions propres à chacune d'entre elles et effectuées sur des temporalités différentes. Cette diversité crée ainsi des ruptures de rythme comme un calme après une tempête, une risée avant celle-ci ou un soleil après un grain. C'est sur cette approche que les gestuelles se coordonnent. Ce qui crée un ensemble est cette disparité de danses effectuées au même moment dans des lieux différents de la scène. La distance et la lumière les séparent sans pour autant briser leur homogénéité.

Ce sont ainsi des parallèles au même moment qui sont faits entre un solo et un pas de deux ou un pas de trois. Le regard du spectateur doit ainsi être sur deux niveaux, aimanté par une chorégraphie quand, derrière ou à côté, se joue une autre, donnant une vision artistique où l'attention peut être déportée de l'une à l'autre sans que la cohérence en soit perturbée. Les gestuelles combinent ainsi une pluralité d'états au même moment.

Le spectacle se finit avec Artizans et "La danse des légendes du hip-hop français" qui regroupe sept danseurs ayant marqué les années quatre-vingt-dix/deux mille. Une table de mixage trône au milieu du plateau, alors que s'enchaînent solos, duos et danses de groupe. Est simulée une battle où deux artistes se mesurent avec un "jury" pour les départager. Ce n'est que du théâtre, même si les solos ne le sont pas, afin de rappeler un rituel et une pratique qui perdurent et dominaient aussi dans la période Old School du hip-hop des années quatre-vingt et dont les Artizans étaient, entre autres, de célèbres représentants la décennie suivante.

"La Diva aux pieds nus" © Morgan Éloi.
"La Diva aux pieds nus" © Morgan Éloi.
Des solos sont effectués en groupe ou en duo, voire trio, chacun dans son propre style. Les regards font lien entre eux. Ils sont ensemble même s'ils n'ont pas la même gestuelle. Les corps basculent sur des effets de pieds tournant de façon relâchée quand le torse ondule en points de tension et de relâchement avec les mains qui se plient au poignet, comme une marionnette vivante baignée de zénitude.

La danse est parfois beaucoup plus rythmée, comme l'une qui est un peu au ras-du-sol avec les genoux repliés, le torse droit avec une jambe tendue parallèle aux planches, alors que le corps est en mouvement tournant avec les mains en appui. Nous sommes dans un mariage artistique où, à tour de rôle ou ensemble, les Artizans jouent chacun leur partition tout en formant un ensemble nous rappelant les belles décennies du hip-hop et qui rapidement a eu un intérêt qui s'est fortement démultiplié en gagnant, depuis plusieurs années maintenant, le respect des instances représentatives du 6e art.

Animé par Jules Turlet en langage des signes, malgré quelques longueurs dans la présentation, la soirée fut riche avec une sacrée ambiance venant des plus jeunes dans le public qui ont porté aussi le spectacle par leur enthousiasme.
◙ Safidin Alouache

"Golden stage"

"La Diva aux pieds nus" © Morgan Éloi.
"La Diva aux pieds nus" © Morgan Éloi.
Trois collectifs chorégraphiques de hip-hop.
La représentation a eu lieu le 10 avril à la Grande Halle de la Villette.

"Bounce" par Sons Of Wind
Création 2024.
Chorégraphe : Yann Lumi Joseph-Auguste.
Écriture collective - danseurs et musiciens : Joakim Twizzy Chardonnens, Dereck Prudent, Nathan Nathy Kinsiona, Anaël Lypso Régent, Kristina Krissy Kunn, Mickaël Kara Saint-Felix, Amiel Mampouya, Junior Steve Phaonce Cadet, Kevin "Wael" Moulin, Esteban "Eston" Beau Herrero, Odilon Mpanda, Keron "Sirproverbs" Proverbs, Claudio Gabriel "Comics" Teixeira Fernandes, Jerson Diasonama et en alternance Akciel Régent, Anis "Nice" Yahaya, Lina "Mityaika" Mytiai
Lumière : Xavier Lescat.
Son : Lucie Béguin.
Direction artistique : Amina Kilcher, Yann Lumi Joseph-Auguste.
Création : Sons of Wind.
Production Garde-Robe.

"La Diva aux pieds nus" par la Cie Nicolas Huchard
Chorégraphie : Nicolas Huchard.
Avec : Élodie Antonio, Séréna Freira, Julie Laventure, Leila Miretti, Stéphie Téhoué, Mayvis William.
Répétiteur : Serge Tsakap.
Création lumière : Marine Stroeher.
Projections lumieuses : Dani Olivier.
Vidéo : Dani Olivier.
Composition musicale : Lazy Flow, Mansur Brown et Raphaël Hofman.
Costumes Mayvis William.
Production Compagnie Nicolas Huchard, Le Manège.

"La danse des légendes du hip-hop français" parr le Groupe Artizans
Direction artistique : Artizans.
Avec : Yugson - Massangila Lumengo, Dedson - Ndedi Ma Sellu, Physs - Philippe Almeida, Didier Firmin, Tip Top - Goyi Tangale, Fabbreezy - Fabrice Labrana, Joseph Go - Niamien N’guessan.
Collaborateur, metteur en scène : Régis Truchy.
Créateur et arrangeur sonore : Adrien Kanter.
Créateur et régie lumière : Virgile "Amour" Garcia.
Production MouvMatik.

Safidin Alouache
Jeudi 17 Avril 2025

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024