De réalisation en réalisation, Ivana Müller, artiste d'origine croate, chorégraphe, plasticienne, performeuse et auteure, creuse le même sillon ; un sillon de nature à nous projeter dans les arcanes de notre monde pour le mieux donner à voir… Après ses "Conversations déplacées" (présentées au Carré-Colonnes en 2017) et leur gigantesque plante verte autour de laquelle quatre randonneurs laissaient surgir avec grand naturel leurs réflexions, est venu le temps de "Forces de la Nature" où cinq autres évadés de la civilisation vont, encordés solidement les uns aux autres, être confrontés à un parcours escarpé semé d'échos philosophiques.
Avant que tout ne commence, dans une obscurité totale - résonance d'une boîte noire contenant les désirs enfouis - des voix trouent le silence régnant sur le plateau. Et ce qu'elles disent ces voix éclatantes de vie, c'est la nostalgie du toucher perdu, celle du contact physique à fleur de peau, ou encore l'impétueux désir de renouer avec des sensations libres de toute empreinte… Quand la lumière se fait, apparaît un homme aux pas hésitants, suivi bientôt par deux femmes et deux hommes, tous encordés, comme si ce lien tangible - qui les réunit dans le même espace-temps semé de difficultés à affronter - était la métaphore de ce que devrait être la traversée de l'existence terrestre, un parcours vécu solidairement.
Avant que tout ne commence, dans une obscurité totale - résonance d'une boîte noire contenant les désirs enfouis - des voix trouent le silence régnant sur le plateau. Et ce qu'elles disent ces voix éclatantes de vie, c'est la nostalgie du toucher perdu, celle du contact physique à fleur de peau, ou encore l'impétueux désir de renouer avec des sensations libres de toute empreinte… Quand la lumière se fait, apparaît un homme aux pas hésitants, suivi bientôt par deux femmes et deux hommes, tous encordés, comme si ce lien tangible - qui les réunit dans le même espace-temps semé de difficultés à affronter - était la métaphore de ce que devrait être la traversée de l'existence terrestre, un parcours vécu solidairement.
Sortis d'un sac d'alpiniste, les cordes et cordages multicolores se dévident à l'envi, tissent leur toile avec la même application que le feraient des araignées expertes. Et comme Pénélope tissant et retentissant sa toile dans l'attente d'Ulysse, l'ouvrage collectif est assorti de libres pensées l'accompagnant… L'une raconte le point zéro, ce point imaginaire où le monde commence, un point perdu quelque part dans le Golfe de Guinée, point qui, pour être atteint, a mobilisé pas moins de deux années de sa jeune existence. Situation cocasse qui fera dire à l'un de ses partenaires, amusé : "Faire tout ce qui est possible pour aller dans un endroit qui n'existe pas…". Telle apparaît la quête humaine, s'élancer délibérément vers un point final… où l'on sait ne plus être.
Toujours en correspondance, chacun doté de ses singularités, mais faisant corps avec les autres, les épreuves seront affrontées dans une insouciance planante. Du haut des escarpements, ils pourront ainsi contempler, toujours arrimés à leur mousqueton, l'immensité du vide s'étendant sous eux. Comme une attirance pleine de promesses, tel Ulysse résistant au chant des Sirènes, ils devront déjouer ce vide en le peuplant de leur seul imaginaire. Et si deux d'entre eux viennent un instant à perdre pied, l'interdépendance unissant chacun au groupe, leur fera reprendre pied dans une réalité à découvrir sans qu'elle les ensevelisse.
Toujours en correspondance, chacun doté de ses singularités, mais faisant corps avec les autres, les épreuves seront affrontées dans une insouciance planante. Du haut des escarpements, ils pourront ainsi contempler, toujours arrimés à leur mousqueton, l'immensité du vide s'étendant sous eux. Comme une attirance pleine de promesses, tel Ulysse résistant au chant des Sirènes, ils devront déjouer ce vide en le peuplant de leur seul imaginaire. Et si deux d'entre eux viennent un instant à perdre pied, l'interdépendance unissant chacun au groupe, leur fera reprendre pied dans une réalité à découvrir sans qu'elle les ensevelisse.
Ce mouvement, comme gage de la permanence du vivant, ils l'expérimenteront corps et biens. De même de l'humour comme antidote à l'absurdité existentielle. Ainsi de la fourmi décapitée qui continue d'avancer, sa tête n'ayant pas eu le temps d'informer ses pattes… Un dernier acte de liberté pure, le mouvement pour le mouvement, quand bien même serait-il parfaitement dépourvu de sens à lui donner.
Et pendant que les saillies jaillissent, parcourant les trajectoires de clowns qui tombent et se relèvent une infinité de fois, ou encore faisant cas de l'expérience de la gravité selon Thomas Pesquet et du risque sidéral de pisser ses os en manque de calcium, ils progressent candidement, connectés les uns aux autres et à leurs rêves "délirant" le réel.
Chemin faisant, à l'instar des Amérindiens qui, les yeux fermés, prennent conscience de leur position géostationnaire, ils éprouvent dans leur chair l'adage prônant que, pour trouver son chemin, il faut d'abord se perdre. Hissant le filet tissé au sol, la montagne apparaît les éclairant de sa splendeur aveuglante. Perdus dès lors dans un labyrinthe dont les parois leur envoient facétieusement l'écho de leur voix, ils surmontent à quatre pattes l'épreuve. Grâce à la force du collectif, ils sont ainsi venus au bout de cette "histoire bien ficelée"… mais pas à bout de leurs épreuves, la chute en réservant d'autres encore.
Et pendant que les saillies jaillissent, parcourant les trajectoires de clowns qui tombent et se relèvent une infinité de fois, ou encore faisant cas de l'expérience de la gravité selon Thomas Pesquet et du risque sidéral de pisser ses os en manque de calcium, ils progressent candidement, connectés les uns aux autres et à leurs rêves "délirant" le réel.
Chemin faisant, à l'instar des Amérindiens qui, les yeux fermés, prennent conscience de leur position géostationnaire, ils éprouvent dans leur chair l'adage prônant que, pour trouver son chemin, il faut d'abord se perdre. Hissant le filet tissé au sol, la montagne apparaît les éclairant de sa splendeur aveuglante. Perdus dès lors dans un labyrinthe dont les parois leur envoient facétieusement l'écho de leur voix, ils surmontent à quatre pattes l'épreuve. Grâce à la force du collectif, ils sont ainsi venus au bout de cette "histoire bien ficelée"… mais pas à bout de leurs épreuves, la chute en réservant d'autres encore.
Entremêlant l'humour d'un parcours réintroduisant à haute altitude l'insoupçonnable légèreté de l'être affranchi de toute gravité (sauf la gravité terrestre) et des réflexions existentielles de haut vol, mêlant théâtre et chorégraphie, "Forces de la Nature" s'inscrit dans la pure veine des fables écologiques et philosophiques qu'Ivana Müller se plaît à nous conter avec une gourmandise contagieuse. De création en création, son art de plus en plus aiguisé nous offre un moment "extra-ordinaire" d'utopies vivifiantes à partager sans réserve.
Vu le mardi 21 mars 2023 ((jour unique de représentation) aux Colonnes - Scène Nationale Carré-Colonnes, Blanquefort (33).
Vu le mardi 21 mars 2023 ((jour unique de représentation) aux Colonnes - Scène Nationale Carré-Colonnes, Blanquefort (33).
"Forces de la Nature"
Concept, texte et chorégraphie : Ivana Müller.
En collaboration avec les interprètes : Julien Gallée-Ferré en alternance avec Sylvain Riéjou, Daphné Koutsafti en alternance avec Anne Lenglet, Julien Lacroix, Irina Solano en alternance avec Bahar Temiz, Vincent Weber.
Scénographie : en collaboration avec Alix Boillot.
Création lumières, régie générale : Fanny Lacour.
Costumes : Suzanne Veiga Gomes, assistée de François Maurisse.
Création du paysage sonore : Cornelia Friederike Müller, Nils De Coster.
Collaboration artistique : Anne Lenglet, Jonas Rutgeerts.
Collaboration à la traduction française : Julien Lacroix, François Maurisse.
Production : I'm Company/Orla (François Maurisse, Gerco de Vroeg).
Durée : 1 h 15.
En collaboration avec les interprètes : Julien Gallée-Ferré en alternance avec Sylvain Riéjou, Daphné Koutsafti en alternance avec Anne Lenglet, Julien Lacroix, Irina Solano en alternance avec Bahar Temiz, Vincent Weber.
Scénographie : en collaboration avec Alix Boillot.
Création lumières, régie générale : Fanny Lacour.
Costumes : Suzanne Veiga Gomes, assistée de François Maurisse.
Création du paysage sonore : Cornelia Friederike Müller, Nils De Coster.
Collaboration artistique : Anne Lenglet, Jonas Rutgeerts.
Collaboration à la traduction française : Julien Lacroix, François Maurisse.
Production : I'm Company/Orla (François Maurisse, Gerco de Vroeg).
Durée : 1 h 15.