La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.
Danse

Vessel… Beau et animal ! - 12/03/2020

Avec pour thème de départ "L'image" (1959) de Beckett (1906-1989), mise en scène par Arthur Nauzyciel en 2013, Damien Jalet s'est aidé du sculpteur japonais Kohei Nawa pour proposer une création qui mêle humanité et animalité, éléments aquatiques et terreux dans une chorégraphie à la fois très physique et fragile. C'est un ballet de corps, de troncs enlacés par les membres supérieurs, le visage...  

"Si nous prenions le temps" Le goût épidermique de l'autre - 02/03/2020

Un plateau nu - comme le seront les deux danseurs au terme de leur odyssée au centre d'eux-mêmes - plongé dans le noir. Lui et elle, couple à la ville, émergent lentement de l'obscurité qui les recouvrait, gommant leurs silhouettes. Tendrement enlacés, leurs mouvements s'épousent… Les deux corps s'éloignent, se rapprochent dans une nappe de silence. Comme si à l'aube d'une humanité recouvrée, se...  

"Fúria" Corps "dé-chaînés" qu'aucune dictature ne pourra soumettre… - 24/02/2020

Cette troupe de loqueteux, affublés de hardes composites faites de bâches de plastique et autres rebuts colorés, émergeant de l'obscurité où ils sont plongés, de qui sont-ils le nom ? Lointains héritiers des esclaves, ils sont les nouveaux "sauvages" d'un Brésil dirigé par un président d'extrême droite qui, sous l'œil impassible de la monumentale statue du Christ Rédempteur dominant la baie de...  

"La fuite"… une poésie spatiale et musicale - 19/02/2020

Inspiré du mythe d'Actéon qui s'est fait dévorer par sa meute de chiens après qu'Artémis l'ait puni, Lionel Bègue se le réapproprie pour explorer la transformation d'un être avec ses évolutions, ses accidents et sa chute soutenue par une musique qui fait écho à ses différentes métamorphoses. C'est un coin d'Art où les spectacles de théâtre, de cirque, de musique et d'opéra sont accueillis. Où...  

"Yellel" Une si longue absence… voyage au bout de l'oubli - 14/02/2020

Lorsque l'on est issu de parents natifs de Yellel - petit village algérien où soi-même on n'a jamais posé les pieds -, la question des origines se pose avec une acuité qui, de création en création, insiste. Avec "La géographie du danger" (d'après l'auteur algérien Hamid Skif), "Beautiful Djazaïr", "On n'oublie pas", ou encore "Apache", le chorégraphe et danseur de hip-hop Hamid Ben Mahi, n'a de...  

Sin permiso… Relation duale - 10/02/2020

Retour à Chaillot où se déroule actuellement la quatrième biennale d'art flamenco jusqu'au 13 février. Avec la création d'Ana Morales et de José Manuel Álvarez, les sentiments d'une fille à son père sont incarnés dans un rapport à deux où les dits et non-dits d'une relation filiale sont nourris d'amour et d'incompréhension. Le flamenco est un art qui, suivant la qualité de ses interprètes et de...  

¡ Fandango ! Du grand, du beau, de l'art ! - 05/02/2020

À Chaillot se déroule actuellement la quatrième biennale d'art flamenco. Avec "¡ Fandango !", c'est un grand coup d'éclat talentueux qui est donné, le temps d'un spectacle, à cet art avec son allure presque d'opéra, sa théâtralité qui s'associent avec gourmandise à une musique à la fois moderne et classique. C'est une fable, un conte qui se déroule sous nos yeux, dans une lumière au contour...  

"On n'a jamais vu une danseuse étoile noire à l'Opéra de Paris" Les non-danseurs au champ d'honneur - 19/12/2019

L'inclassable Faizal Zeghoudi crée un objet échappant à toute catégorisation tant vidéo d'archives, chant, musique, théâtre… et danse, s'entremêlent au service d'une volonté déflagrante : bombarder les clichés du racisme pour mieux les faire exploser en plein vol. Maniant sans compter la liberté langagière et corporelle porteuse de dérision assumée, il nous immerge dans un univers électrique...  

"À mon bel amour"… Urbain, classique, éclectique et artistique - 10/12/2019

C'est sous le prisme des danses urbaines, contemporaine et classique que la chorégraphe Anne Nguyen interroge les identités au travers du corps et de son rapport à l'espace où le waacking, le popping, le voguing, le locking et le krump portent leurs signatures au détour de pointes, de balancés, de lock et de bounce. Noir sur scène, puis un groupe se détache dans une lumière tamisée qui vient...  

"Ligne de crête" Relier deux versants d'une même aliénation : travailler et consommer jusqu'à n'en plus pouvoir - 29/11/2019

Immergé une heure durant avec les sept interprètes dans un open space aux cloisons de plexiglas, dans le bruit amplifié et incessant d'une machine à photocopier les documents - et à dupliquer les employés - tournant à plein régime et fatiguant les tympans, le spectateur fait l'expérience sensible de l'insupportable. Ce qui jusque-là pouvait lui apparaître comme un simple avatar de la modernité en...  
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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024