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Avignon 2024

•Off 2024• "Velouté" Une adaptation de la pièce de Victor Haïm dans laquelle la nature humaine ne ressort pas grandie

Tandis que Jonathan cherche désespérément un emploi, un DRH aux manières très engageantes, lui laisse espérer le poste de manière fort peu conventionnelle. Son dossier est bon. Mais pour que l'affaire soit conclue, le candidat doit se soumettre à un test déconcertant au cours duquel il fait la connaissance de Chloé, la femme de ce recruteur machiavélique, aussi romanesque que névrosée. Jusqu'où Jonathan est-il prêt à aller pour décrocher ce job de chauffeur-garde du corps auprès d'un PDG victime d'un attentat qui l'a rendu sourd ?



© Théo Martin.
© Théo Martin.
"Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme…" Cette célèbre citation apocryphe d'Antoine Lavoisier serait-elle une "fake news" à en juger par le contenu de "Velouté", pièce de Victor Haïm, comparé à certains pans de notre société actuelle ?

Écrite pourtant il y a 24 ans, le propos de cette pièce est malheureusement toujours d'actualité et risque de le rester encore longtemps : détenir le pouvoir, où qu'il puisse se situer, est souvent source d'humiliation, d'asservissement, de manipulation, de dignité mise au placard, voire de harcèlement pour celui ou celle qui ne le possède pas.

Rien de plus, s'il en est, dans ce texte cinglant, qu'une peinture de la nature humaine, bien souvent inquiétante et opportuniste, dès lors qu'elle poursuit ses propres intérêts ! C'est un regard sans concession, froid et lucide sur l'âme humaine que l'auteur porte dans cette pièce créée cette année pour le Off d'Avignon.

"Je suis à mon affaire quand je parle des êtres humains et de leur condition de mouches engluées dans du miel. Ce que subissent les êtres humains ordinaires "engagés" m'a toujours touché de près, notamment leurs humiliations quotidiennes".

© Théo Martin.
© Théo Martin.
La mise en scène fine et déjantée de Silvie Laguna magnifie les propos de Victor Haïm, présent le soir de notre venue au Théâtre Darius Milhaud à Paris, le lundi 17 juin, et dont il dira, sur scène, à la fin du spectacle, qu'il s'agit de la meilleure adaptation qu'il ait vue. Il est vrai que c'est à un véritable bijou créatif auquel nous avons assisté, porté par un jeu grandement maîtrisé de Florian Blache et Aurélien Oosterlinck, les deux comédiens, et de Shirley Coquaire, la comédienne.

Florian Blache, dans le rôle du DRH "amateur pervers" de mouches qu'il poursuit inlassablement avec sa tapette rouge, est d'une justesse saisissante. Sa rencontre avec Victor Haïm en 2023 lui donnera l'envie de produire aussi la pièce et d'endosser le rôle du recruteur qu'il interprète tout simplement brillamment. Bien lui en a pris, car, derrière le côté affable du personnage au début du spectacle, il a su s'imprégner avec brio des errances machiavéliques du personnage et mettre en exergue sa soudaine transformation, sans excès, mais tout en subtilité !

Puissiez-vous ne jamais rencontrer sur votre chemin professionnel un tel individu !
Il va sans dire que, coaché depuis 2019 par l'exigeante comédienne-metteuse en scène Silvie Laguna, il ne pouvait en être autrement pour Florian Blache… Comédienne égérie du comédien, metteur en scène et auteur Pierre Notte, auprès duquel elle travaille depuis de nombreuses années, Silvie Laguna a su extraire du texte, avec grande intelligence et grande inventivité, la substantifique moelle de ce dernier.

Et si le cactus présent sur scène dès l'ouverture du spectacle était finalement le quatrième "personnage" de cette comédie cinglante ? L'idée est ingénieuse ! Qui s'y frotte, s'y pique ! Mais à quoi exactement faut-il éviter de se frotter ? Là est toute la question, à bien y regarder, car ce cactus, par un jeu mi-ombre, mi-lumière, grandit tout au long du spectacle, ses racines débordent et viennent, telles des lianes, s'entrelacer, on ne sait où, dans l'intention probable d'étrangler tel ou telle, voire de s'insinuer jusqu'à nous…

© Théo Martin.
© Théo Martin.
Dans la scénographie, le choix de la couleur rouge fortement présente, appuyée par la gestuelle de Rhéda Benteifour pour les deux comédiens et la comédienne, ainsi que les musiques de Catherine Lara, ne sont pas sans rappeler le domaine d'une arène dans laquelle la "mise à mort" va se jouer sans concession. Mais qui est le toréador, au juste ? Qui est le taureau ?

Dans le rôle de Jonathan, le candidat au poste de chauffeur, tout de noir vêtu tel un taureau, Aurélien Oosterlinck, est éblouissant. Dans son jeu d'acteur, tout est parfaitement maîtrisé et, pour peu que la pratique théâtrale ne nous soit pas inconnue, ce dernier laisse sans voix : diction sans failles malgré le débit verbal frôlant la logorrhée à de nombreuses reprises, gestuelle et mimiques de haut vol et incarnation déroutante. Ses yeux bleus écarquillés sur ce qui lui arrive sont troublants de vérité et nous interpellent à chaque seconde, à chaque mot, à chaque moment.

Quant à Shirley Coquaire dans le rôle de Chloé, l'épouse fantasque, mal-aimée et sous psychotropes, on ne pouvait imaginer meilleure comédienne. Rien de simple au théâtre dans la représentation de la colère, notamment, ou de la folie, encore moins des deux, ensemble. Pourtant, la comédienne y parvient sans démesure aucune, nage subtilement dans le rouge de sa robe et sous sa perruque orange, et dévoile un sein sans frein aucun. Ces choix délibérés auraient pu revêtir des allures factices et superflues. Il n'en est rien, loin de là !

Courez vite dans l'arène de l'Atypik Théâtre savourer le velouté fumant de Victor Haïm pour y découvrir toute la saveur. Quant à nous, nous lirons à coup sûr d'autres pièces de Victor Haïm afin de vérifier notamment si l'auteur réserve aux femmes le même sort que celui de Chloé…

Gageons, malgré tout, que les femmes, il les aime. Ce ne sont certainement pas ses deux filles, l'actrice Mathilda May et la danseuse-comédienne Judith Réval qui diront le contraire…

"Velouté"

Texte : Victor Haïm (Éditions Avant-scène).
Mise en scène et direction artistique : Silvie Laguna
Avec : Florian Blache, Shirley Coquaire et Aurélien Oosterlinck.
Musique : Catherine Lara.
Gestuel : Redha.
Création sonore : Xavier Robin.
Scénographie : Agathe Mondani.
Accessoires : Clotilde Denayer.
Costumes : Dimitri Henri.
Visuels : Théo Martin.
Régie : Damien Dufour.
Tout public à partir de 12 ans.
Durée : 1 h 15.

•Avignon Off 2024•
Du 3 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 14 h 40. Relâche le mardi.
Atypik Théâtre, Salle 1, 95, rue de la Bonnetterie, Avignon.
Réservations : 04 86 34 27 27.
>> atypik-theatre.fr


Victor Haïm, du haut de ses 89 ans, jouera dans "Un lézard chez la psy", sa propre pièce, au Théâtre du Cabestan à 14 h 20, aux côtés de Sandrine Chauveau.

Brigitte Corrigou
Jeudi 27 Juin 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024