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Avignon 2024

•Off 2024• "Le Paradoxe du désir" Une comédie énergique et sensible sur l'autre et nous-mêmes

Anton, auteur à succès, écrit sa première pièce dans l'intention bien précise de séduire Iris, actrice plutôt sur le déclin, à qui il propose le rôle principal. Elle accepte ce cadeau dans l'espoir de reconquérir Robert, son partenaire de jeu et ex-amant qui doit aussi jouer dans la pièce. Mais ce dernier vise les faveurs d'une jeune critique de théâtre quelque peu éthérée et spécialiste en lettres, qui serait parfaite pour l'assister à la mise en scène… Heureusement, la jeune Alice, émoustillée par la rencontre avec Anton, acceptera à son tour de rester dans la danse. Dans cette farandole amoureuse labyrinthique, qui trouvera le bon partenaire ?



© David Twist.
© David Twist.
Mais n'auront-ils donc rien à nous dire, ces quatre comédiennes et comédiens, assis(es) ainsi, dos au public, chacune et chacun sur sa chaise, dossiers multicolores à leurs pieds ? L'intention scénographique est pour le moins originale… Qu'en serait-il, si, durant toute la pièce, il en était ainsi ? Un scoop théâtral ? Une mise en abîme ? Un méta-théâtre ? Un processus créateur provocateur pour le moins audacieux ?

Finalement, les lois du plateau théâtral reprennent leurs exigences et une comédienne prend rapidement la parole, laquelle s'égrène par la suite de façon subtile et profonde, grâce à la très belle écriture d'Ana-Maria Bamberger et la juste mise en scène de Codrina Pricopaia.

Certes, le propos de la pièce est centré sur les mystères de chacun d'entre nous de savoir qui nous sommes véritablement au plus profond de nous, de cerner l'essence de notre être le mieux possible afin d'essayer de vivre dans l'harmonie avec l'autre. Surtout du point de vue amoureux.
Vaste débat ! Vaste défi ! Bien souvent, on ne sait jamais ce que le passé nous réserve. Et c'est le cas ici.

Mais à bien y regarder, "Le Paradoxe du désir" d'Ana-Maria Bamberger traite sans doute davantage de la question du théâtre ! "Pourquoi fait-on ce métier de comédien ? Qu'est-ce que c'est au juste que d'être comédien ? Est-ce que c'est le théâtre qui nous choisit ou l'inverse", interroge Codrina Pricopoaia.

© David Twist.
© David Twist.
"Le Paradoxe du désir" appartient à vrai dire à une trilogie écrite par Ana-Maria Bamberger, dramaturge roumaine internationale, née à Bucarest et vivant en Allemagne, où à chaque fois le couple domine l'écriture et la scène, où des tensions inévitables s'opèrent, chacune et chacun désirant celui ou celle qui ne le désire pas… Se prendre un râteau ou essuyer des échecs n'est-ce peut-être pas le meilleur moyen de s'appréhender soi-même !

Ces pièces psychologiquement subtiles, alliant esprit et profondeur, remportent régulièrement un vif succès partout dans le monde (Israël, Angleterre, Serbie, Bulgarie, USA, Canada, etc.). Ici, entre l'univers de la littérature, celui de la création au sens large du terme (qu'elle soit sur le plan humaniste du désir de l'autre ou plus particulièrement du processus théâtral subtilement évoqué), les interprètes complices forment un quatuor émouvant duquel se dessinent de façon bien joliment interprétée des vérités existentielles intemporelles. Jouer sa vie, vivre pour jouer, aimer, espérer, séduire…

Codriana Pricopoaia, Geoffroy Vernin, Alexia Séféroglou et Samy Rahal, incarnent de manière fort juste, non dénuée d'un humour savamment dosé, ce marivaudage psychologique intense aux allures de vaudeville, sans en être un.

Il y a parfois des élans tragiques notoires dans l'interprétation de Codrina Procopoaia (interprétant Iris), mais, savamment chapeautés par le texte de l'auteure et l'interprétation de la comédienne, l'ensemble sonne juste. Bon nombre de spectatrices et spectateurs, sous le soleil avignonnais 2024, se reconnaîtront dans cette geste des sentiments amoureux qui, à sa manière, nous gouverne et gouverne le monde !

"Le Paradoxe du Désir"

Comédie.
Texte : Ana-Maria Bamberger.
Mise en scène : Codrina Pricopoaia.
Avec : Codrina Procopoaia, Samy Rahal, Alexia Séféroglou et Geoffroy Vernin.
Par la Compagnie Azacusca.
Tout public.
Durée : 1 h 15.

Ce spectacle s'est joué du 5 janvier au 25 février 2024 au Guichet Montparnasse (Paris 14e).

•Avignon Off 2024•
Du 3 juillet au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 14 h 30. Relâche le jeudi.
BA Café-Théâtre, 25, rue Saint-Jean-le-Vieux, Avignon.
Réservations : 04 65 87 54 40.

Brigitte Corrigou
Vendredi 5 Avril 2024

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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024