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Avignon 2024

•Off 2024• "Valkyrie" Évoquer les Amazones, femmes conquérantes et victorieuses, pour aborder la féminité aujourd'hui

Une tribu Amazone envahit le public. Les règles ont changé : c'est l'avènement du matriarcat. Nous sommes à l'aube de la guerre contre Athènes, à cet instant décisif où la bascule vers un monde nomade et matriarcal aurait été possible. Serait-ce la fin de ces femmes guerrières ? Le combat des femmes en général est-il en train de s'émousser ? Et, à bien y regarder aussi, qu'est-ce que la féminité au juste ? Encaisser des coups à plusieurs niveaux ou être force d'une douceur combative, héritage immatériel, qui peut déplacer des montagnes ?



© Arnaud Dufau.
© Arnaud Dufau.
C'est un cri à la fois mélodieux et combatif qui surgit dès l'ouverture du spectacle, puis d'harmonieux corps en mouvements, ondulants et sensuels, apparaissent sur scène dans une pénombre inquiétante et toute mystérieuse. Les corps interpellent, revêtus de costumes noirs guerriers, laissant apparaître néanmoins une large palette de féminité.

Le ton semble donné… Cinq femmes, présentes, absentes, dissimulées, marginalisées ou au contraire terrées, comme pour mieux apparaître dans la lumière, griffes devant toutes ? Privées de paroles ou hurlant sourdement ?

"Valkyrie" est un spectacle imaginé en 2021 par Ava Baya de la Compagnie Lencre, dans le cadre de son cursus au Conservatoire Supérieur d'Art Dramatique de Paris. "Je rêvais de former un groupe de guerrières comme dans "Charlie's Angels" et d'essayer de trouver le moyen de ne plus être "le deuxième sexe". Mais j'ai remis tout cela en cause plus tard en échangeant avec des filles sur cette question, et j'ai pris une claque ! Moi qui pensais que la première inégalité entre homme et femme, c'était la force physique et que, de ce fait, il suffisait de se muscler pour l'abolir !"

Bien lui en a pris, à Ava, de réfléchir à la question, de se débarrasser de ses certitudes et de revisiter cette éternelle question, parce que "Valkyrie" présente une vision fine et sensible de la femme et de la féminité, abordée avec grande justesse.

© Arnaud Dufau.
© Arnaud Dufau.
Assistée à l'écriture par Pierre Pfauwadel, qui se charge aussi de la mise en scène, la comédienne a su ne pas s'embarrasser de clichés préconçus sur le thème. Bien au contraire. Le spectacle aborde ce dernier avec une riche diversité, sans tabous ni langue de bois. Que ce soit sur le corps et ses différences, son approche difficile par l'autre, même dans les meilleures intentions, les moyens de revendiquer qui on est quand on est femme, comme le twerk, danse d'origine africaine souvent controversée revendiquant l'égalité des sexes, la pratique de la moto ou encore le fait de se taire, de ne savoir que dire, de ne pas oser ou au contraire de paraître hystérique.

À ce titre, une mention spéciale aux comédiennes Hélène Rimenaid et Laura Facelina pour leur interprétation respective.

Mais là où se niche l'originalité de cette création, c'est dans le fait d'avoir abandonné l'idée de base du spectacle, comme une sorte de méta-théâtre, clin d'œil aux errances créatrices d'Ava Baya et d'avoir interrompu le propos guerrier des origines pour se mettre en scène autrement. Sans répit, car il en va fréquemment ainsi de la création artistique, surtout théâtrale.

Deux mondes se superposent durant cette heure quinze de représentation : celui des Amazones et celui des comédiennes, le tout encore une fois agencé avec une belle harmonie et un choix immersif vers le public dont on peut, d'ailleurs, se demander s'il est apprécié ou pas… L'intention est méritoire et, selon nous, pertinente : provoquer sans agresser pour que le message s'ancre petit à petit, et ne s'efface pas comme Lencre de ses origines !

Les cinq comédiennes sont convaincantes, chacune très investie dans leur place sur le plateau, et portant haut leur identité personnelle revendiquée en tant que femme avant tout. Comme à la recherche de ce qu'elles sont, chacune au fond d'elle-même.
Le pari est tenu.

L'évocation des Amazones, ces femmes conquérantes et victorieuses aux noms flamboyants ou opposés au masculin, aurait pu s'inscrire dans une dimension logiquement tragique, voire didactique. Il n'en est rien et l'écueil a été évité.

La dramaturgie, le propos et la scénographie sont justement dosés, apportant aussi une bonne tranche d'humour non négligeable à certains moments.

De beaux passages prononcés dans une langue mystérieusement étrangère confèrent à ce spectacle une dimension subtile à travers lesquels on pourrait entrevoir que les 49,6 % de femmes sur la planète Terre – pourcentage, cela dit, sensiblement équivalent à celui des hommes –, revêtent pourtant une certaine supériorité : celle qui lui réclame à être encore et encore découverte pour mieux trouver sa place, souvent incomprise, mais ô combien présente !

Vu lors de l'avant-première parisienne le 18 avril 2024 au 100ecs (établissement culturel solidaire).

"Valkyrie"

© Arnaud Dufau.
© Arnaud Dufau.
Texte : Ava Bay et Pierre Pfauwadel
Mise en scène : Pierre Pfauwadel.
Avec : Sasoux Dosso, Laura Facelina, Mélissa Polonie, Hélène Rimenaid, Guillermina Celedon et Ava Baya (en alternance).
Lumières : Tania Mishina.
Costumes : Clara Grelié.
Par la Compagnie Lencre ( La Rochelle).
Tout public à partir de 10 ans
Durée : 1 h 15.

•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 12 h 30. Relâche le mardi.
Théâtre Transversal, Salle 1, 10, rue d'Amphoux, Avignon.
Réservations : 04 90 86 17 12.
>> theatretransversal.com

Brigitte Corrigou
Mardi 23 Avril 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

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© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024