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Festivals

La parole prend corps au Festival Traverse !

"Traverse !" est une injonction qui s'exclame là-bas, au milieu d'une campagne riche et pauvre qui a soif et faim et qui est généreuse, le Haut Val de Sèvres, milieu rural, territoire comme on dit, entre Niort et Poitiers. Depuis trois ans, Nicolas Bonneau et Noémie Sage, et la compagnie La Volige racontent pendant une semaine des histoires. Toutes sortes de récits enracinés dans le réel, le conte, la tourbe ou bien descendant en flèches directes des nuées fantaisistes de l'imaginaire.



"Le Dernier Ogre" © Ph. Remond.
"Le Dernier Ogre" © Ph. Remond.
C'est donc au milieu des campagnes, mobilisant les constellations de villes, de villages et d'habitants dispersées autour, que ce festival porté par des dizaines de bénévoles existe et répond surtout à une exigence d'imaginaire et de qualité. Durant cette semaine, sortant le nez d'un confinement étouffant, le récit, le conte et l'art de la parole ont ouvert une porte supplémentaire à nos libertés : celle qui ouvre sur tous les possibles grâce à la magie du spectacle, mais aussi celle qui dépose les questions cruciales à nos sociétés aux creux de nos oreilles. Doucement, car malgré le tragique de certains sujets, rien n'est imposé dans les spectacles proposés, c'est dans la douceur parfois acide, parfois dérangeante, parfois drôle que les artistes s'expriment.

La parole retrouve ses origines pacifiques. Mais aussi ses forces d'actions sur le réel, sur ce qui existe comme sur la richesse du passé. Tous les spectacles s'inscrivent dans cette volonté de dialogue. Le conte, ici, n'est pas source d'évitement par le rêve, la narration, mais s'inscrit dans notre réalité pour la lier à ce qui fait aussi l'humain : le besoin de croire, de se souvenir, d'imaginer.

Je ne parle pas du tout ici de foi mais de mythes, de ce qu'on appelle croyances, et surtout celles portées par les histoires. Ces petites histoires sont la maille de la grande, mais elles possèdent en plus une vérité - pas forcément scientifique -, mais une vérité inscrite dans la culture de chaque pays, lieu d'espace vierge de toute raison, qui peut parler autant de la folie meurtrière que de la créativité la plus belle.

Météo marine ! © DR.
Météo marine ! © DR.
Je me suis un peu éloigné de Traverse ! pour tenter d'en donner une vision large plutôt qu'une liste d'événements. Même si le conte a été la matrice dans laquelle ce festival a été conçu, les spectacles proposés cette année investissent des univers plus larges, font appel à une multitude de domaines artistiques, visuels, sonores, graphiques, chorégraphiques…

Centré, pour la plupart des grands spectacles, sur les deux chapiteaux dressés à Pomproux, Traverse ! parcourt également une partie de la région avec des événements particuliers comme les midis chez l'habitant ou des représentations en pleine nature, au bord des lavoirs anciens, dans des temples ou ailleurs. Ici encore, la passerelle entre passé et avenir est présente, est désirée et voulue.

La programmation de cette édition, concoctée par Nicolas Bonnaud et son équipe, s'axe autour d'une forte cohérence des thèmes abordés. Le corps, d'abord, et la manière de l'appréhender, de l'écouter, de le respecter, s'invite dans plusieurs spectacles et maquettes (citons : "Épervier(s)", "Quatorze millimètres" ou "Déesse, je me maquille pour ne pas pleurer", mais également dans "Le Dernier Ogre"). Autre thème, souvent lié au premier : les femmes, leurs places et surtout leurs perceptions, leurs expressions, leurs vécus (magnifique lecture d'extraits de "Quatorze millimètres" par Sandrine Bourreau). Et puis, le thème de la mémoire, celle qui a été rejetée dans l'oubli, celle qui flotte dans les inconscients collectifs (avec, entre autres, le spectacle "Déesses", inspiré par le "Woman's Pentagone action").

Une parole de plus en plus incarnée donc pour cette programmation où la Compagnie Le Cri de l'Armoire présente deux spectacles hors du commun : "Le Dernier Ogre" et "2 sœurs". Au cœur de ces projets, à l'écriture et au jeu, Marien Tillet en bête de scène capable de se glisser dans toutes sortes de peaux, de slammer, de créer des partitions musicales en live, dans des spectacles où scénographie (le live painting de Samuel Poncet dans l'Ogre, une merveille XXL), musiques (les créations guitares de Mathias Castagné) et lumières sont essentiels (mot à la mode), et où la part du fantastique éclate par le jeu, le son, l'image.

Autre moment dans une esthétique totalement différente : dans un champ au bord d'un lavoir à l'heure où la fraîcheur de l'ombre gagne sur les rayons pâlissant du soleil, deux conteurs aux univers totalement différents se succèdent. Marie-Pierre Planchon déclenche des salves de rires avec son art comique dans "J'ai toujours voulu présenter la météo marine", un texte d'une drôlerie irrésistible qu'elle interprète avec un talent énorme. Puis Daniel L'Homond et son accent rocailleux du Périgord, nous emportent dans un conte beaucoup plus traditionnel, "L'Estrambord", qui ne manque ni d'art de la parole ni d'imaginaire.

Cette édition sera la dernière organisée par la Compagnie La Volige qui repart sur d'autres projets : des spectacles (un "Monte-Christo" par Nicolas Bonneau, en préparation, et "Venise" une création musicale et chorégraphique que Fannytastic crée actuellement) mais aussi des interventions dans les territoires en Nouvelle Aquitaine avec les événements des Cafés Oubliés. À suivre.

"Venise" par  Fannytastic © DR.
"Venise" par Fannytastic © DR.
Traverse !,
Festival itinérant des arts de la parole du Haut Val de Sèvres.
Du 8 au 13 juin 2021.


L'équipe Traverse !
Nicolas Bonneau et Noémie Sage : direction artistique et production.
Guillaume Toulet : directeur technique.
Angèle Pied : chargée de production, des relations publiques et des Bénévoles.
Zoé Jarry : chargée de production.
Rosalie Laganne : administratrice.
Lila Gaffiero : chargée de communication.
Marine Cossou : chargée de l'accueil des professionnels.
Fannytastic : artiste complice.
Catherine Guizard - La Strada & Cie : attachée de presse.
Guillaume Dujour : la cantine mobile, cuisinier itinérant.
Céline Giroux : présidente de La Volige.
Damien Dubrulle : trésorier de La Volige.
Le personnel de la communauté de communes Haut Val De Sèvre.
Le personnel de L'union Régionale Des Foyers Ruraux Du Poitou Charentes.

Bruno Fougniès
Jeudi 17 Juin 2021

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024