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Festivals

"Les Folies Musicales" Festival mariant de la musique classique à la breakdance, Ravel aux Beatles et Glenn Miller à Mozart !

Pour sa première édition, "Les Folies Musicales" déploie une riche palette hétéroclite de différents courants artistiques. Durant 5 jours, du 22 au 26 mars, dans onze représentations différentes, se donnent rendez-vous, entre autres, le violon et la gestuelle dansée, soprano et swing, Mozart et les Beatles, Ravel et Glenn Miller, Henry Purcell et la breakdance. Incursion dans la première soirée de cette édition avec la "Sortie latino-américaine".



© Mina Esfandiari.
© Mina Esfandiari.
Le festival "Les Folies Musicales" fait résonner ces deux mots à leur juste mesure. Au-delà de sa programmation très hétéroclite, la soirée avec "Sortie latino-américaine" nous transporte de l'autre côté de l'Atlantique, en Colombie, à Cuba, aux États-Unis et au Mexique.

Nous redécouvrons des artistes, contemporains et nouveaux, ayant bousculé ou fait évoluer les codes de la composition musicale avec, entre autres, George Gershwin et Ernesto Lecuona.

L'orchestre de la chambre de Paris, dirigé par Thomas Hengelbrock, mène avec brio deux lignes mélodiques, mêlées d'harmonies, qui s'épousent de bout en bout avec les fondamentaux de la musique classique au travers de ses instruments à vent et à cordes et une touche plus rare et bien présente depuis longtemps, à savoir les percussions latino-américaines. Les œuvres choisies se prêtent naturellement à cet exercice avec, entre autres, "Anamei, au cœur de la montagne" de la jeune compositrice colombienne Laura Pacheco Nieto.

Les percussionnistes Vitier Vivas, Jérôme Guicherd et Georgi Varbanov ajoutent une couleur et un supplément d'âme à l'orchestre en donnant une sonorité chaude et colorée. Tout semble légèrement décalé dans un double rythme, faisant que les percussions deviennent le "La" d'un ensemble basé très majoritairement par les instruments à cordes et à vent. D'autres sonorités sont ajoutées comme celles des violons qui, au travers de tapotements des archers sur les tables d'harmonie, créent une ligne mélodique originale.

© DR/Châtelet 2025.
© DR/Châtelet 2025.
La soprano Jacquelyn Wagner chante avec sa voix presque métallique, comme si son souffle était d'airain. Son timbre vocal participe à une forme quasi religieuse d'expression artistique. Elle accompagne le concert de sa puissance vocale en l'enrobant d'une touche émotionnelle.

Plus loin, la violoniste super soliste, franco-roumaine, Deborah Nemtanu joue un vibrant solo, le seul de la soirée, où le violon semble épouser les battements de son cœur et le souffle de sa respiration. C'est vibrant d'émotion dans une mise en tension à la fois fluide, légère et pleine. Un véritable délice.

Gonzalo Roig (1890-1970), venu de Cuba, nous emporte aussi dans des rythmes aux consonances multiples et riches avec "Salida de Cecilia", "Hija del amor" et des extraits de "Cecilia Valdes", suivi du célèbre "Danzón n° 2" du musicien mexicain Arturo Márquez, surnommé parfois le "deuxième hymne national mexicain". Ces compositeurs, que Thomas Hengelbrock sert avec brio, parfois avec facétie et toujours avec originalité, ont apporté des éléments d'origines mexicaine et cubaine dans leurs créations.

© Mina Esfandiari.
© Mina Esfandiari.
Dans ce mariage, la musique classique s'hybride heureusement via les percussions et elle devient, grâce à elles, porteuse de couleurs chaudes et riantes. Cette possibilité est aussi offerte par les instruments à vent et à cordes, dont, entre autres, violons, violoncelles, bassons et cors. Ceux-ci forment la structure musicale sur laquelle des touches espiègles, des "folies musicales", se greffent à tour de rôle avec le güiro cubain et le tambour Bata.

On redécouvre Ernesto Lecuona (1895-1963), compositeur et pianiste cubain, qui faisait l'admiration de George Gershwin et Maurice Ravel, avec son "Romanza Maria la O". Dans "Cuban Suite" de la musicienne cubaine Jenny Peña Campo, les violonistes disent en chœur et de façon vive, à deux reprises, quelques mots donnant une note humoristique à la composition. Quand, plus loin, ce sont les percussionnistes avec le chef d'orchestre, Thomas Hengelbrock, qui tapent des mains en rythme tout en jouant. C'est ainsi le corps et la voix qui s'allient à la musique pour donner du volume à celle-ci.

Avec Gershwin, Thomas Hengelbrock se tourne vers le public pour articuler et lancer de façon théâtrale un "The man I love" que l'orchestre joue ensuite. Ce n'est pas la seule forme d'espièglerie. Il y a aussi, lors de "Cuban Suite", des violoncelles qui tournent sur leurs piques tout en continuant à être joués. Cela donne à l'ensemble une légèreté qui prête à sourire, voire à rire. Le "sérieux" du Classique retrouve d'autres couleurs et c'est un vrai régal pour les yeux et les oreilles.
◙ Safidin Alouache

Le concert a eu lieu le 22 mars 2025 au théâtre du Châtelet.

"Sortie latino-américaine"

Programme
Laura Pacheco Nieto (Colombie) - "Anamei, au cœur de la montagne", création mondiale, commande de l'Orchestre de chambre de Paris dans le cadre de l'Académie internationale des Jeunes compositrices.
Arturo Márquez (Mexique) - Danzón n° 2, version pour orchestre de chambre.
Gonzalo Roig (Cuba) - "Salida de Cecilia", "Hija del amor", extraits de "Cecilia Valdes".
Ernesto Lecuona (Cuba) - Romanza de Maria, extrait de "Maria la O".
Georges Gershwin (États-Unis) - "The man I love", orchestration de William Daly.
Jenny Peña Campo (Cuba) - "Cuban Suite", version pour orchestre de chambre.

Orchestre de chambre de Paris.
Direction : Thomas Hengelbrock.
Soprano : Jacquelyn Wagner.
Durée : 2 h (avec entracte de 20 minutes).
Au Théâtre du Châtelet, Grande Salle, Paris 1er.

"Festival Les Folies Musicales"
Du 22 au 26 mars 2025.
Théâtre du Châtelet, Paris 1er, 01 40 28 28 40.
>> chatelet.com

Safidin Alouache
Mardi 25 Mars 2025

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