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Avignon 2024

•Off 2024• "Que faire des cons ?" Quand Freud et Lacan inspirent mais donnent envie d'aller voir ailleurs

Le monde devient de plus en plus flou et on ne sait plus sur quelle valeur compter… Une seule, pourtant, reste comme un phare dans la nuit : la connerie. Mais comment repérer les cons ? Comment vivre avec ? Comment s'assurer qu'on n'en est pas un, soi-même ? Malgré plusieurs tentatives de lectures autour du développement personnel écrites pour certaines par des chamanes, Sandra Colombo a cogité pour mettre au point une méthode imparable.



© Amélie Mauger.
© Amélie Mauger.
"Depuis une datation au carbone 14 récente, pour me présenter, je peux dire que je suis à la fois autrice, comédienne, metteuse en scène, donneuse de leçons aux cours Clément, voix off et même créatrice de contenus pour Instagram. J'ai aussi obtenu un DESS de psychologie clinique option psychanalyse. Mais ça, c'était avant. Ah ! J'oubliais : après 56 passages aussi dans l'émission de Laurent Ruquier "On n'demande qu'à en rire", la création des Kicékafessa, je joue en ce moment un seule-en-scène au Point Virgule, à Paris, parce que je me suis rendue compte que, malgré tout, ça, je ne savais toujours pas faire avec la bêtise humaine, infinie et absolue !"

Ainsi s'exprime l'autrice et comédienne Sandra Colombo qui a déjà essuyé trois festivals d'Avignon (2024 sera son quatrième), joué près de 500 représentations sur scène et profité du premier confinement pour mettre sur pause, contrainte et forcée comme nous tous, pour écrire cette nouvelle création, "Que faire des cons ?".

Alors, comme ça, étudier Freud et Lacan sur les bancs de l'Université, ce n'est pas le meilleur moyen pour s'éclater, rire, tenter d'aller mieux, prendre la vie du bon côté et savoir qui on est ? À en juger par la bifurcation empruntée par la comédienne, ce doit être le cas. Cela dit, elle y a tout de même rempli quelques solides bagages de savoirs, de connaissances, à en juger par cette brillante mise-à-nu qu'elle interprète tous les mardis au Pont Virgule depuis septembre 2023.

© Amélie Mauger.
© Amélie Mauger.
Que faire des cons est un show parfois très hot, car l'autrice y sonde avec subtilité les différents sens de ce mot aux connotations bien souvent multiples ! Entre le substantif trivial accordé à la vulve féminine et l'insulte vulgaire si répandue désignant la bêtise et la stupidité, Sandra Colombo virevolte avec intelligence, traitant avec brio de l'écologie, de la Covid, de l'alimentation, de la surconsommation ou du monde d'après Covid qui n'a jamais eu lieu.

"En général, les femmes ont un con, alors que les cons n'ont pas toujours de femmes ! Et pourquoi ce mot, qui étymologiquement signifiait "fourreau", est-il devenu une insulte ! Alors, j'ai mené l'enquête."

Mise en scène par Marie Guibourt, Sandra Colombo, dans ce "seule en scène", parle de ses fêlures, de ses manques, de ses névroses, de ses obsessions, de ses interrogations, non sans avoir lu bon nombre d'ouvrages de développement personnel dont on comprend que, tout compte fait, ça déroute plus qu'autre chose, ça encroute et qu'il faut chercher ailleurs.

Maniant les jeux de mots avec originalité, ou encore des idées reçues comme celle de la croyance des "platistes", ce spectacle à la fois très divertissant et instructif nous fait comprendre finalement que se connaître soi-même est sans doute la clef de l'harmonie, et qu'à cet instant, il est possible de se protéger des cons, et même de les ignorer.

"Moi, ce que j'aimerais, c'est qu'on me reconnaisse telle que je suis, parce que je suis différente. Me trouver suffisante. Et puis, je ne serai jamais l'égal d'un homme. Moi, l'égalité homme-femme, je n'en veux pas parce que je n'y crois pas ! Ce que j'aimerais, c'est l'altérité ! Qu'on me reconnaisse parce que c'est ma différence et elle est digne d'intérêt, non ?"

Vous avez raison, Sandra ! Il faut que ça bouge et les choses devraient pouvoir commencer ici, au Point Virgule, tous les mardis soirs. Les femmes battues ne sont pas oubliées dans ce très subtil one-woman-show et le passage sur le viol est un moment de spectacle intense, entre comédie et tragédie, qui ne laissera personne indifférent.

"Victime, ce n'est pas un statut à vie ! On peut s'en sortir… La preuve, je suis là, devant vous, debout." Entre trivialité, émotion, fragilité, vérité XXL sur le monde, la société, les traumas personnels, les hommes, etc., Sandra Colombo, à l'instar de son homonyme détective bien connu, a mené son enquête et semble sans doute avoir résolu l'énigme, son énigme, NOTRE énigme.

Et, surtout, évitez de passer trop de temps au rayon des ouvrages sur le développement personnel de la FNAC ! Allez plutôt au Point Virgule applaudir Sandra Colombo. Le prix de votre place sera moins élevé que celui que vous pourriez dépenser en achetant tous ces bouquins. Ou avalez un crapaud !

"Que faire des cons ?"

Comédie One-woman-show.
Texte : Sandra Colombo.
Mise en scène : Marie Guibourt.
Avec : Sandra Colombo.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h.

Jusqu'au 25 juin 2024.
Mardi à 21 h 15.
Théâtre Le Point Virgule, Paris 4e, 01 42 78 67 03.
>> lepointvirgule.com

•Avignon Off 2024•
Du 2 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 18 h. Relâche le mardi.
Théâtre Notre Dame, 13, rue Collège d'Annecy, Avignon.
Réservations : 04 90 85 06 48.
>> theatrenotredame.com

Brigitte Corrigou
Jeudi 28 Mars 2024

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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024