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"Cassandra", cruauté et infinie tendresse pour conter le métier de comédienne

La chronique d'Isa-belle L

"Cassandra", C majuscule s'il vous plaît. Pas uniquement parce que c'est un prénom qui, aussi, introduit une phrase ou parce que c'est le titre du spectacle, mais parce que Cassandra, qu'elle soit moderne ici, mythique là-bas, mérite en capitale (C) cette jolie troisième lettre de l'alphabet à chaque recoin de mon papier. La lettre "C" comme Cassandra et comme le nom de famille de l'auteur. Rodolphe Corrion.



© Jérôme Verdier.
© Jérôme Verdier.
Deux C valent pour un troisième : Coïncidence. L'auteur, masculin, très habile répondant au nom de "Corrion" a écrit pour une comédienne à multiples facettes ce seul(e) en scène. Nous voilà à 3 C et trois bonnes raisons d'aller découvrir et applaudir ce spectacle mené de main de maîtresse par la comédienne Dorothée Girot. Jolie blonde explosive, sincère et talentueuse.

Inspiré du mythe de Cassandre, Rodolphe Corrion nous propose aujourd'hui, dans son texte à l'humour finement brodé, un personnage - Théodora -, comédienne enchaînant les castings avec peine, se retrouvant d'ailleurs en intro de spectacle, face à une conseillère Pôle Emploi. Excellent moment et monologue réjouissant. Théodora sent que quelque chose va se produire dans la vie de cette conseillère, quelque chose de… bah ! Oui. Il va se passer quelque chose… elle l'avait sentie, on ne l'a pas écoutée puis… la conseillère, elle ne l'a plus jamais revue.

© Jérôme Verdier.
© Jérôme Verdier.
De galère en galère et Bingo ! La voilà soudain catapultée reine d'un "soap opéra" aux répliques dignes d'une 4 589e saison des "Feux de l'amour". Rôle : Cassandra. On rit de ce que Dorothée Girot - la comédienne de la vraie vie - s'en donne de cœur et de parodie dans le rôle cette actrice de "soap". Sans excès, assez pour nous faire rire par la justesse de son jeu et la maîtrise d'un texte croustillant à souhait. Le succès pour la série, on le devine, Théodora, une fois tenues et perruque fantasques tombées, nous le raconte.

Ce "soap" qu'on nous sert à souper lui permet de manger elle aussi. Elle vit enfin de son métier et la célébrité forcément, s'invite aussi à tout moment de la journée. Tellement, qu'un jour, un sondage la propulse en tête des personnalités préférées et le monde autour d'elle l'imagine bien se présenter aux élections présidentielles.

Autre rôle, nouveau challenge. De taille cette fois. Théodora devient présidente et retrouve soudain la vie, la vraie. Plus d'écran. Et toujours, elle pressent… Ce don de prédire l'avenir, d'anticiper des catastrophes, n'est-il pas le meilleur moyen d'être suivie ? Appréciée ? Tous l'adorent mais, malgré l'exactitude de ses prédictions, personne ne semble la croire. Ne pas croire la vedette devenue présidente ? Ce rêve devenu réalité. Mais pour qui ? Puisque personne ne la croit, personne ne vote ses lois. Théodora va regretter Cassandra et moi, spectatrice, trouver un sens très singulier au message que fait passer l'auteur avec subtilité entre ce monde virtuel et fictif face à la réalité.

Il y a beaucoup de lectures dans ce spectacle. Beaucoup de profondeur. Ce n'est pas un énième seul(e) en scène où une comédienne vient raconter les contraintes d'un métier. Il y a de la cruauté, beaucoup de vérité et une infinie tendresse. Je prédis pour ce seul(e) en scène une longue et belle vie de Paris à Athènes, de la comédie Nation (accueil très chaleureux) à Avignon. La comédienne investit personnages et plateau, la mise en scène est légère sobre et parfaitement claire.

C'est une petite perle qui, comme d'autres, aurait pu disparaître dans la foule des spectacles que la capitale mais aussi ma boîte aux lettres proposent. Mon sort s'est donc jeté samedi dernier sur "Cassandra" sur laquelle j'ai dressé un C en lettre capitale à chaque recoin de mon billet ! Pour le prénom et le titre du spectacle… et surtout son indéniable qualité.

"Cassandra"

Texte : Rodolphe Corrion.
La pièce est édité à L'œil du Prince.
Mise en scène : Rodolphe Corrion.
Avec : Dorothée Girot.
Musique originale : Guy-Roger Duvert.
Création lumière : Jennifer Montesantos et François Luberne.
Par la Cie Théâtre de l'Épopée.
Durée : 1 h 10.

Samedis 16, 23 et 30 mars à 19h.
Dates supplémentaires :
18 et 23 mai 2019 à 19 h ; 28 mai 2019  à 20 h 30.
Comédie Nation, Paris 11e, 01 48 05 52 44.
>> comedienation.fr

Isabelle Lauriou
Mercredi 27 Mars 2019

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