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Avignon 2024

•Off 2024• "Cassandra" Basculer du monde des planches à celui de l'arène politique, une autre forme de théâtre

Théodora est une actrice parisienne en quête de reconnaissance qui possède un don divinatoire. Elle ressent le malheur des autres, mais personne ne la croit. Sa carrière bascule quand elle décroche enfin le rôle qui va changer sa vie : elle doit incarner Cassandra, l'héroïne de "Troys Corp", une série très populaire pour la TV, et sa notoriété soudaine va lui réserver bien des surprises, notamment lorsqu'elle sera propulsée bien malgré elle dans le monde de la politique !



© Loïc Bartolini.
© Loïc Bartolini.
De l'univers de la TV à celui de la politique, elle va se heurter à bien des difficultés par rapport à son don et en subir largement les séquences… Se présenter aux élections présidentielles et abandonner son rôle à succès du "soap opéra" était-ce une bonne idée ? Comment réagiriez-vous si, un jour, on vous prédisait votre avenir, notamment les malheurs qui vous attendent ?

Librement inspirée du mythe grec de "Cassandre", l'écriture de Rodolphe Corrion aborde cette question, entre autres, en mettant en scène une jeune femme moderne, libre de ses choix, déterminée, qui accepte son destin avec déterminisme et ne fait pas du don qu'elle possède une affaire d'État ni n'en abuse. Toutefois, elle ne parvient pas à s'en départir totalement et cela lui joue des tours.

À bien y regarder, cette pièce ne se limite pas à une simple peinture féministe revendicatrice – ce qui ferait de ce spectacle, sur la scène théâtrale contemporaine, un de plus autour du thème en question -, mais elle aborde de manière subtile et plutôt émouvante les conditions du métier de comédienne en traitant avec élégance, grâce à l'interprétation de Manon Balthazard, rayonnante et charismatique, les contraintes et les vicissitudes d'un métier "à part", parfois tendre, parfois cruel ou injuste.

Le grand public sait-il véritablement en quoi consiste ce métier, et ce qu'il faut bien souvent endurer pour espérer être au sommet de l'affiche ? Ou tout simplement pour décrocher un contrat ? Et les auditions ? L'envers du décor ? Lui qui s'installe bien confortablement dans son fauteuil, qui applaudit à la fin de la représentation et qui rentre chez lui, satisfait – ou pas – du moment de loisir artistique qu'il vient de vivre ?

C'est cet univers particulier que Rodolphe Corrion a choisi d'évoquer dans "Cassandra" et, peut-être, aurait-il été préférable qu'il s'y limite. Car il s'agit là d'un propos paradoxalement peu traité au théâtre, ce qui est assez regrettable selon nous. À certains égards, il y est parvenu à en parler justement ! Mais l'auteur a choisi aussi un autre angle qui, à nos yeux, ternit quelque peu le propos d'origine. À moins que ce ne soit cet angle d'écriture qui en ait été à la source !
Peu importe, cela dit !

© Loïc Bartolini.
© Loïc Bartolini.
Car c'est dans les moments du spectacle où la comédienne, à la longue chevelure rousse et au corps de déesse, parle de son métier qu'elle est la plus convaincante, la plus sincère et la plus poétiquement émouvante.

"Cassandra, c'est de la fiction, moi, je vais au réel à présent. À moins que je ne sois faite pour la fiction et non pas pour la réalité".

Cassandra va basculer du monde des planches à celui de l'arène politique et, à ce titre, nous entendons les intentions de l'écriture toutes légitimes, car la politique n'est-elle pas, elle aussi, un vaste théâtre mêlant jeu de masques, de remises en question, de faux-semblant, de revirements de situation, etc. ?

Théodora et Cassandra, finalement, ne sont qu'une seule et même personne, quand bien même, au théâtre, il lui faut forcément adopter d'autres postures que celles de sa vie quotidienne. Les planches, c'est la vie qui lui convient, celle pour laquelle elle est faite. "Rien n'est plus beau que de faire semblant pour parler de soi !"

Théodora n'est pas faite pour la jungle politique, parce que dans ce monde-là, elle ne pourra pas être elle-même… On tirera les ficelles pour elle, et un jour, ces ficelles se briseront et elle s'effondrera.

"Je n'ai pas la fibre politique, mais il y a des gens qui sont prêts à m'en confier pourtant les rênes".
Encore une fois, au risque de nous répéter, l'inspiration de l'auteur aurait sans doute dû passer outre cette dimension particulière, néanmoins toute légitime… Manon Balthazard y est bien moins crédible, forçant parfois son interprétation, surjouant, dansant sans raison apparente ou, encore, faisant un grand-écart déplacé qui n'apporte rien au propos.

Le talent de la comédienne aurait pu être mis en valeur encore davantage et, pour ce faire, la scénographie de Loïc Bartolini aurait mérité d'être un peu plus épurée, plus minimaliste, ce qui n'aurait en rien gâché certains propos subliminaux et très méritoires de l'écriture, comme, le clin d'œil aux pouvoirs des médias, de la TV et de ses multiples interférences sur la population et ses protagonistes, ou celui d'une comédienne à la recherche d'elle-même se brûlant les ailes dans l'arène politique et voulant juste être elle-même.

L'ensemble aurait certainement gagné en profondeur, en émotion et en poésie. Cassandra dit que les comédiennes et comédiens n'aiment pas se voir jouer. Peut-être que le public préférerait, lui aussi, découvrir Manon Balthazard moins extravagante dans un rôle qui lui convient davantage.
Les "Cassandre" disent la vérité. À notre tour d'en faire de même.

"Cassandra"

Seule en scène.
D'après le texte de Rodolphe Corrion (Édition de l'Œil du Prince).
Adaptation : Manon Balthazard.
Mise en scène et scénographie : Loïc Bartolini.
Avec : Manon Balthazard.
Chorégraphies : Laura Colin.
Création sonore : Damien Dufour.
Lumières : Stéphane Poirrier.
Par Lotus Compagnie.
Durée : 1 h 15.

•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 12 h 20. Relâche les 4, 10 et 16 juillet.
Théâtre Pixel, 18, rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 07 82 04 88 01.
>> pixelavignon.com

Brigitte Corrigou
Mardi 30 Avril 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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… face aux normalisations sociétales et idéologiques

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© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024