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Trib'Une

"La bonne hauteur" Tu verras, sur les hauteurs, on est toujours seul*

Seul, en effet, est le comédien – Frédéric Fische – sur la scène. Il a une belle voix. De celle qui pourrait doubler un film américain, genre western moderne.
C'est l'effet chemise à carreaux et bretelles !



© Louis Panzani.
© Louis Panzani.
Son timbre résonne sur le plateau, vif, émouvant et, parfois, perturbant. Non pas qu'il n'embarque pas, au contraire, il y va "de tout son pouvoir" pour soigner ses maux.
Sur scène, il est cet homme – Thomas – qui raconte et bataille contre ses démons. Avoir, si petit, perdu sa mère et bien plus tard, sa femme, rencontrée dans un train, par hasard.
N'y a-t-il pas de hasard ? Cette rencontre devait-elle avoir lieu ? Et plus précisément, dans un wagon-bar ?

Probablement. C'était elle et, ensemble, le voyage a donc continué. Ils se sont parlés, embrassés, aimés et mariés.

Et le drame. La perte de cette femme venue tout saccager. La mort dans la vie de cet homme, amoureux aussi des mots, s'est invitée dans le salon.

Pendaison. Grrr ! Ça me glace le majeur, mais inutile de taire le nom. Ce n’est pas un fait rarissime. Oh ! Que non.

© Louis Panzani.
© Louis Panzani.
Pourquoi ? Pourquoi se donner la mort chez soi ? Comment est-ce possible d'en arriver là ? C'est une question ni bonne ni mauvaise, car elle continue toujours à imposer réflexion et pire, la culpabilité de n'avoir su ni pu secourir.
Comment se relever ?
Comment survivre ?
Comment continuer à sourire, à apprécier, à aimer et à écrire ?

L'auteur de talent et comédien de cet instant suspendu (si j'ose dire) raconte, s'exprime et vibre. Tout est fragile, brisé et indescriptible. Le personnage – Thomas – vit, survit et dit.
Rien ne vaut la parole pour libérer ses démons. Rien ne vaut un drame nouveau pour se réconcilier avec une éducation rigide où, l'absence de réconfort, marque à vie cette empreinte de mélancolie.

C'est un très beau texte. Parfois même, on sourit et le public en apprend aussi de ces "choses scientifiques" de la vie. Avec lui.

Thomas, le personnage, aime écrire et veut être écrivain à tout prix. Cet auteur comédien a une plume magnifique et malgré la thématique si éloignée du divertissement tant réclamé, m'a-t-on dit ! Je lui souhaite d'écrire un magnifique roman, d’en vendre un peu plus qu’aux membres de sa famille. Un roman dans l’air du temps.

Oui ! Car des drames de l'existence, très souvent, on en sort grandi, devenant le héros de sa propre vie !
◙ Isabelle Lauriou

* Virginie Despentes.

"La bonne hauteur"

Texte : Frédéric Fischer.
Mise en scène : Claire Gélinard.
Avec : Frédéric Fischer.
Compagnie Kissankar.

Tournée à venir

Isabelle Lauriou
Mardi 3 Septembre 2024

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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024