La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

L'âme romantique de Judith Jàurégui

Judith Jàureguy a sorti récemment un beau CD consacré à des œuvres inspirées par l'amour et la complicité qui unissaient Clara et Robert Schumann. Un enregistrement qui met en lumière le dialogue intime de deux âmes romantiques.



Clara Wieck et Robert Schumann se marient en 1840, après des années d'un amour empêché par le père de la jeune fille. Cette même année, la fameuse Lieder-jahr, Robert Schuman compose le Concerto pour piano en la mineur (opus 54) pour Clara, qu'il créera en public en décembre 1845. Pièce maîtresse de l'enregistrement de Judith Jàuregui, l'œuvre démontre une fois de plus l'importance de la poésie - mais aussi des encouragements de Clara comme inspiration de la création musicale schumannienne.

Dans ce bel enregistrement à la sonorité très claire, on retrouve donc, en position centrale, le concerto en la mineur qui est au départ une pièce brève, une "Fantaisie" en la mineur destinée à Clara et écrite pour le piano et l'orchestre en 1841. Une "Fantaisie" qui deviendra le premier mouvement du concerto terminé en 1845. Dédicacé au pianiste et chef ami Ferdinand Hiller qui dirige l'orchestre à la création, ce concerto obtient un véritable triomphe. Judith Jauregui, accompagnée en parfaite osmose par l'Orquestra Sinfonia Camera Musicae dirigé par le chef catalan Tomas Grau, en restitue le superbe lyrisme. Elle colore de mille nuances ce légendaire poème musical.

Dans l'Allegro initial de forme cyclique, Judith Jaurégui installe le climat idoine en développant en accords la longue phrase introductive chantée par le hautbois. Elle maîtrise avec grâce et énergie les variations de tempos ici diversifiés à l'extrême - jusqu'à l'accelerando final. Dans l'intermezzo central, la Pianiste se montre tendre et délicate dans son dialogue avec l'orchestre. Son piano sait aussi se montrer dominateur et victorieux dans le Finale enchaîné au précédent mouvement.

D'autres pièces courtes suivront démontrant la nette influence réciproque et le dialogue instauré musicalement entre les deux compositeurs amoureux.

C'est d'abord le deuxième mouvement de la troisième Sonate en fa mineur (opus 14) de Robert Schuman, une sonate composée à partir d'un Andantino de Clara, "Quasi Variazioni". D'une écriture virtuose, la pièce permet d'éprouver la maîtrise technique de l'interprète (ses passages de notes abrupts, ses modulations inattendues, ses rythmes toujours complexes) ; là encore la jeune Pianiste née à San Sebastián (et qui a vécu en France) ne démérite pas. Elle sait y insuffler l'esprit de gravité et même de compacticité sombre attendus.

L'enregistrement se termine avec les "Variations" opus 20 de Clara Schumann, inspirées d'un thème des "Bunte Blätter" de Robert et d' "Arabesque" opus 18, une page aimable de Robert Schumann. Avec son doux mouvement qui s'émancipe de toute pesanteur, cet aveu amoureux clôt poétiquement ce très beau programme.

● "Die Romantische Seele".
Clara und Robert Schumann.
Judith Jàuregui, piano.
Orquestra Simfonicà Camera Musicae.
Direction : Tomas Grau.
Label : Ars Produktion.
Distribution : Ars Produktion.
Sortie : 2020.

Christine Ducq
Mercredi 4 Novembre 2020

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024