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"Seven" de Muddy Gurdy De l'Auvergne au Grand Sud américain… du bon, du pur et du beau blues !

Muddy Gurdy signe un très bel album typiquement blues avec une sonorité qui mêle la vielle à roue, la guitare et les percussions. En plus de leurs compositions, ils font des reprises de blues et de country, d'Hank William à Camille Bob en passant par Muddy Waters, dans des enregistrements quasiment en live.



Tia Gouttebel © Philippe Malet.
Tia Gouttebel © Philippe Malet.
Muddy Gurdy est un trio venant musicalement des deux côtés de l'Atlantique, entre l'Auvergne et le Mississippi, pour les deux premiers albums "Muddy Gurdy" (2017) et "Homecoming" (2020). Pour ce troisième et dernier opus, "Seven", il a été créé entre l'Auvergne et la Louisiane. Il ne s'agit pas de mégoter sur des distances où le moindre kilomètre fait figure de nouveau monde.

Ce trio, avec malheureusement la disparition récente de Marc Glomeau, cofondateur et percussionniste de Muddy Gurdy qui a commencé l'album, lui rend hommage jusqu'au titre de celui-ci. Ils sont partis en effet à six en Louisiane, mais avec toutefois la présence en plus de Marc Glomeau dans leur cœur et leur esprit. Cet opus a tous les parfums d'un blues rural où le voyage fait figure de proue.

Dans un mélange culturel qui brasse le blues du sud des États-Unis et, avec la vielle de roue, le son de la ruralité européenne et française, la guitare et le souffle de la voix de Tia Gouttebel, un peu rocailleuse, rappellent, de façon imagée, la route avec ses détours, ses lacets et ses crevasses.

Gilles Chabenat © Philippe Malet.
Gilles Chabenat © Philippe Malet.
L'une des originalités de Muddy Gurdy est l'utilisation de la vielle à roue qui a traversé les époques et creusé les sillons de cet album avec gourmandise grâce à Gilles Chabenat. Elle est essentielle à toutes les compositions, au même titre que la guitare de Tia Gouttebel et les percussions de Fabrice Bony.

Petit arrêt historique. Elle naît au XIIe siècle, vraisemblablement dans une abbaye bénédictine en Allemagne. Elle se diffuse en Europe. D'abord instrument de cour, une première évolution au XVIIe lui fait intégrer des mécanismes de vielle sur des corps de guitare ou de luth qui lui apportent un son à la fois plus doux et plus fort. La Révolution française lui apporte un changement significatif dans ses usages, faisant qu'elle tombe dans le domaine des instruments régionaux et populaires. Au XIXe siècle, elle tombe en désuétude avant que le Berry ne s'en empare, ainsi que de la cornemuse, pour en faire leur emblème.*

L'autre originalité de l'album est qu'il a été enregistré en une semaine, autour de rencontres d'artistes, tels Bobby Michot, Ruben Moreno, Pupils of Myrtle Place School, The Broussard Sisters, Jeffery Broussard ou Big Chief Juan Pardo, calées de longues dates ou décidées du jour au lendemain dans des lieux de vie tels qu'une salle de classe, un bateau, une pelouse ou la scène d'un club alors que les clients boivent des coups, avec une équipe technique réduite et un studio mobile pour l'enregistrement. Bref, tout s'est déroulé loin des arrangements et de ses multiples prises.

Cela débute de façon très rythmée avec "Jambalaya", une reprise de l'ancienne icône de country music, Hank William (1923-1953). Ce n'est pas la seule. Il y a aussi "I got loaded" de Camille Bob (1937-2015) et "Louisana blues" de Muddy Waters (1913-1983), un pur blues rural avec une guitare qui tire sur le bottleneck.

Fabrice Bony © Philippe Malet.
Fabrice Bony © Philippe Malet.
Dans "Morning comes", les percussions sont l'âme de la chanson, presque un solo à eux tout seuls quand, plus loin, ils sont un lit à la mélodie, l'accompagnant au rythme d'un temps qui s'écoule doucement. Le titre "Plain Gold Ring" est présent deux fois dans "Seven" avec une première version où le rythme est battu sur les temps forts côté percussion quand la basse est en ligne mélodique, glissant entre les accords à la guitare de Tia Gouttebel. Et une deuxième version avec une sonorité quasiment aquatique, accompagnée d'un passage d'oiseaux migrateurs et des accords à la guitare qui s'égrènent lentement. On entend la sonorité d'un instrument à corde comme celui du basculement d'un rocking-chair sur la terrasse en bois d'une vieille baraque de Louisiane où le temps semble figé.

"Un pas vers toi" est un titre qui a comme chœur une classe d'école de cinquante enfants. "Almost Lost My Mind" est un superbe morceau joué à la vielle avec une guitare tout en appui et la voix de Ruben Moreno, grave et chaleureuse, qui emporte le tempo. Autre blues typique, "Laisser mon cœur", avec des accords à la guitare qui attaquent autant en piqué qu'en legato.

On croirait entendre Muddy Gurdy en concert avec, pour la fin de certaines chansons, des rires, des applaudissements ou des bouts de discussion. L'opus est un vrai régal. Il est très riche par son authenticité, où les frontières des différents courants musicaux s'abolissent pour se marier entre eux autour du blues, du zydeco, du cajun et de la country. Un vrai délice !
◙ Safidin Alouache

* Wikipédia.

● Muddy Gurdy "Seven".
Label : Buda Musique.
Distribution : Socadisc (Réf. 860397).
Sortie : 6 septembre 2024.

Tia Gouttebel, chants, guitare, compositions, arrangements, chœurs ;
Gilles Chabenat, vielle à roue ;
Fabrice Bony, percussions, chœurs.

Safidin Alouache
Vendredi 10 Janvier 2025

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