Issam, originaire de Cognac – cité charentaise mondialement connue pour son eau-de-vie – et se sentant de fait pleinement "citoyen charentais", est devenu grâce à l'école de la République auteur, metteur en scène et interprète. C'est donc tout naturellement à la scène qu'il va confier – lui l'enfant d'une mère marocaine accueillie en France au titre du regroupement familial accordé naguère par Giscard d'Estaing afin d'intégrer les travailleurs étrangers dont l'économie du pays avait alors grand besoin – le soin de mettre en jeu l'histoire "exemplaire" de sa propre mère. Un prêté pour un rendu… L'école lui ayant permis de s'extraire de la condition de ses parents exploités, il entend à son tour favoriser le passage des générations suivantes vers l'émancipation grâce aux arts vivants.
Avec, pour tout décor, le fauteuil rouge de sa mère et sa radiocassette, son entrée en jeu est tout sourire. Loin de la hargne vindicative affichée souvent par les contempteurs de l'Arabe diabolisé, c'est sa bienveillance naturelle qui, d'emblée, nous illumine. Lançant au public un chaleureux "Marhaban", le bienvenue de sa mère en arabe, il crée de suite une complicité en montrant sur son portable la photo de son fils tout aussi rayonnant de vie. Et lorsqu'il s'amuse à décompter les arabophones présents, c'est pour mieux nous rassurer : s'adressant à ses "frères humains" (cf. son rôle dans "Ô vous frères humains" d'Alain Timar, Avignon 2014), il s'emploiera à traduire les (courts) passages de la langue d'origine de ses parents afin de ne risquer laisser personne sur la touche… Une petite intention qui résonne en creux avec "l'accueil" réservé aux étrangers très souvent abandonnés sur notre sol à leur langue.
Avec, pour tout décor, le fauteuil rouge de sa mère et sa radiocassette, son entrée en jeu est tout sourire. Loin de la hargne vindicative affichée souvent par les contempteurs de l'Arabe diabolisé, c'est sa bienveillance naturelle qui, d'emblée, nous illumine. Lançant au public un chaleureux "Marhaban", le bienvenue de sa mère en arabe, il crée de suite une complicité en montrant sur son portable la photo de son fils tout aussi rayonnant de vie. Et lorsqu'il s'amuse à décompter les arabophones présents, c'est pour mieux nous rassurer : s'adressant à ses "frères humains" (cf. son rôle dans "Ô vous frères humains" d'Alain Timar, Avignon 2014), il s'emploiera à traduire les (courts) passages de la langue d'origine de ses parents afin de ne risquer laisser personne sur la touche… Une petite intention qui résonne en creux avec "l'accueil" réservé aux étrangers très souvent abandonnés sur notre sol à leur langue.
Plongée dans son existence de petit Arabe français ayant vécu en HLM avec vue imprenable… sur un centre commercial d'un côté et une station d'épuration de l'autre. Toujours avec un brin d'humour et une grande tendresse, il racontera les modélisations de pensée de ses parents, victimes du formatage sociétal : "Lire, c'est pour les bourgeois" disait la mère, quant au père, maçon, il découpait la vie à l'aune de ses nécessaires "C'est cher, c'est pas cher". Les papiers administratifs, à la maison, c'est lui qui les remplissait. Tout comme il assistait ses parents lors des réunions parents-professeurs. Aucun misérabilisme dans cette évocation, mais la réalité vécue donnée à voir et à entendre sur un plateau de théâtre.
Sa mère au prénom de Reine… Une histoire d'amour qui perdure au-delà de la honte qu'il a pu ressentir à ses dix ans pour une mère ne ressemblant pas au canon de l'éternel féminin occidental portant talons ou aux modèles faisant la couverture des magazines people. Lui-même, n'échappant pas aux diktats normatifs, n'a-t-il pas "caché" un temps sa mère avec en prime une culpabilité latente ? Expérience sensible partagée avec d'autres ayant eu au même âge honte de leur père venant, dans une voiture familiale ressemblant "à une caisse à savon", les attendre en bleu de travail à la sortie du lycée…
En dramaturge accompli, grâce à son cursus théâtral public, Issam n'hésitera pas à endosser le personnage de sa mère, pour qui la seule chose qui passe avant les enfants… c'est Dieu. Revêtant alors méticuleusement son voile dans une chorégraphie ralentie savamment étudiée, il s'assoit dans son fauteuil. Adoptant la posture de sa génitrice écoutant Dalida, son idole à laquelle elle a toujours rêvé ressembler, il/elle égrènera les souvenirs enfouis d'une existence de femme libre… Son permis de conduire, la liberté ! Ses formations, son poste de cuisinière à l'hôpital, un travail apprécié !
Sa mère au prénom de Reine… Une histoire d'amour qui perdure au-delà de la honte qu'il a pu ressentir à ses dix ans pour une mère ne ressemblant pas au canon de l'éternel féminin occidental portant talons ou aux modèles faisant la couverture des magazines people. Lui-même, n'échappant pas aux diktats normatifs, n'a-t-il pas "caché" un temps sa mère avec en prime une culpabilité latente ? Expérience sensible partagée avec d'autres ayant eu au même âge honte de leur père venant, dans une voiture familiale ressemblant "à une caisse à savon", les attendre en bleu de travail à la sortie du lycée…
En dramaturge accompli, grâce à son cursus théâtral public, Issam n'hésitera pas à endosser le personnage de sa mère, pour qui la seule chose qui passe avant les enfants… c'est Dieu. Revêtant alors méticuleusement son voile dans une chorégraphie ralentie savamment étudiée, il s'assoit dans son fauteuil. Adoptant la posture de sa génitrice écoutant Dalida, son idole à laquelle elle a toujours rêvé ressembler, il/elle égrènera les souvenirs enfouis d'une existence de femme libre… Son permis de conduire, la liberté ! Ses formations, son poste de cuisinière à l'hôpital, un travail apprécié !
En revanche, ce qui l'a empêchée, la mère, c'est l'accent. Oui, quand c'est celui de Jane Birkin, on le trouve charmant, mais le sien… Et l'humour triomphe encore dans la saillie concernant ses exigences vis-à-vis de ses enfants : "Si vous travaillez pas à l'école, je vous tue !", assortie du commentaire hilare de sa progéniture : "injonction plus efficace en matière d'éducation que les prescriptions de Maria Montessori"…
Mais si l'humour – encore lui – est une botte secrète utilisée en commun avec sa mère pour mettre à distance les outrages subis, il n'empêche aucunement la gravité lorsque jaillissant de la pénombre est projetée sur un écran blanc, accompagnée d'une musique douce faisant contrepoint, la litanie d'insultes "ordinaires" qu'elle reçoit. Inutile de les citer ici, sauf une peut-être… identifiant leurs origines : "La France aux Français. Jeanne, sauve-nous !".
Pas question pour autant, fût-ce pour souligner l'impensé des médiocres, de plomber la tonalité joyeuse de cette conviviale rencontre (théâtrale)… Issam entonnera en arabe et avec talent un chant sur une musique baroque du compositeur Georg Friedrich Haendel, celui-là même qui avait librement choisi que son nom change de graphie en fonction du pays où il se trouvait. En revanche, si pour Issam demander à ses seize ans la nationalité française s'imposait comme une évidence coulant de source, la proposition de l'agent de l'état civil lui proposant alors de franciser son nom "afin de favoriser son intégration" le laissera pour le moins perplexe… Sous une pluie de confettis tombant des cintres, celui qui s'appelle toujours du beau prénom d'Issam, fêtera sous nos yeux complices son intronisation hexagonale.
Mais si l'humour – encore lui – est une botte secrète utilisée en commun avec sa mère pour mettre à distance les outrages subis, il n'empêche aucunement la gravité lorsque jaillissant de la pénombre est projetée sur un écran blanc, accompagnée d'une musique douce faisant contrepoint, la litanie d'insultes "ordinaires" qu'elle reçoit. Inutile de les citer ici, sauf une peut-être… identifiant leurs origines : "La France aux Français. Jeanne, sauve-nous !".
Pas question pour autant, fût-ce pour souligner l'impensé des médiocres, de plomber la tonalité joyeuse de cette conviviale rencontre (théâtrale)… Issam entonnera en arabe et avec talent un chant sur une musique baroque du compositeur Georg Friedrich Haendel, celui-là même qui avait librement choisi que son nom change de graphie en fonction du pays où il se trouvait. En revanche, si pour Issam demander à ses seize ans la nationalité française s'imposait comme une évidence coulant de source, la proposition de l'agent de l'état civil lui proposant alors de franciser son nom "afin de favoriser son intégration" le laissera pour le moins perplexe… Sous une pluie de confettis tombant des cintres, celui qui s'appelle toujours du beau prénom d'Issam, fêtera sous nos yeux complices son intronisation hexagonale.
Viendront le temps de la préparation du thé par la mère, filmée de sa cuisine, et des secrets révélés… Celui de la touche supplémentaire à apporter au goût sans pareil de la concoction matriarcale, et enfin celui de son choix singulier de porter le voile… Un choix tout personnel, aux antipodes des idées reçues, faisant voler en éclats les préjugés communs.
On ressort de cette cérémonie artistique – c'en est une, si familiale et conviviale soit-elle – profondément touché par la sincérité à fleur de peau d'un fils mettant en jeu l'amour qu'il porte à sa mère présente ce soir-là dans la salle, une mère généreuse qui nous a préparé thé et gâteaux… Mais, bien au-delà du beau roman familial incarné avec humour et fantaisie, ce qui est présenté prend allure de récit initiatique, de fable poétique et politique. En effet Issam Rachyq-Ahrad, en plus de ses talents professionnels, porte en lui une intelligence sensible…
Il a fait sien le mantra que pour combattre l'ineptie des rejets des racistes de tous poils, "il ne fallait pas utiliser les outils du maître pour détruire sa maison" (cf. discours d'une féministe noire, New York 1979), ne pas s'abandonner à la tentation primaire de répondre en miroir à la violence aveugle, et, tout au contraire, faire preuve d'une douceur naturelle totalement… désarmante !
Vu le mardi 30 avril à La Manufacture - CDCN de Bordeaux.
On ressort de cette cérémonie artistique – c'en est une, si familiale et conviviale soit-elle – profondément touché par la sincérité à fleur de peau d'un fils mettant en jeu l'amour qu'il porte à sa mère présente ce soir-là dans la salle, une mère généreuse qui nous a préparé thé et gâteaux… Mais, bien au-delà du beau roman familial incarné avec humour et fantaisie, ce qui est présenté prend allure de récit initiatique, de fable poétique et politique. En effet Issam Rachyq-Ahrad, en plus de ses talents professionnels, porte en lui une intelligence sensible…
Il a fait sien le mantra que pour combattre l'ineptie des rejets des racistes de tous poils, "il ne fallait pas utiliser les outils du maître pour détruire sa maison" (cf. discours d'une féministe noire, New York 1979), ne pas s'abandonner à la tentation primaire de répondre en miroir à la violence aveugle, et, tout au contraire, faire preuve d'une douceur naturelle totalement… désarmante !
Vu le mardi 30 avril à La Manufacture - CDCN de Bordeaux.
"Ma République et moi"
Texte : Issam Rachyq-Ahrad.
Mise en scène et jeu : Issam Rachyq-Ahrad.
Collaboration artistique : Thibault Amorfini.
Dramaturgie, scénographie : Fréd Hocké.
Lumière : Fréd Hocké.
Création son : Frédéric Minière.
Chant : Jeanne-Sarah Deledicq.
Régie lumière, son et vidéo : Zacharie Dutertre, Nicolas De Castro, Fréd Hocké.
Durée : 1 h.
Représenté le 30 avril 2024 à La Manufacture - CDCN à Bordeaux (33).
Tournée
Du 22 au 26 mai 2024 : Théâtre Gérard Philipe - CDN, Saint-Denis (93).
•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 14 h. Relâche le mercredi.
Théâtre des Halles, Salle de la Chapelle, 22, rue du Roi René (entrée public), Avignon.
Réservations : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com
Mise en scène et jeu : Issam Rachyq-Ahrad.
Collaboration artistique : Thibault Amorfini.
Dramaturgie, scénographie : Fréd Hocké.
Lumière : Fréd Hocké.
Création son : Frédéric Minière.
Chant : Jeanne-Sarah Deledicq.
Régie lumière, son et vidéo : Zacharie Dutertre, Nicolas De Castro, Fréd Hocké.
Durée : 1 h.
Représenté le 30 avril 2024 à La Manufacture - CDCN à Bordeaux (33).
Tournée
Du 22 au 26 mai 2024 : Théâtre Gérard Philipe - CDN, Saint-Denis (93).
•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 14 h. Relâche le mercredi.
Théâtre des Halles, Salle de la Chapelle, 22, rue du Roi René (entrée public), Avignon.
Réservations : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com