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Avignon 2024

•Off 2024• "Papic" Un beau voyage intergénérationnel dans une forme simplifiée, mais intelligente, de découverte de la transmission

Sacha, une petite fille éveillée, a pour grand-père un espiègle et merveilleux conteur doté d'une longue barbe qui pique et recèle nombre d'objets qu'elle pioche. Ceux-ci illustrent à chaque fois des moments de vie et des souvenirs que grand-papa réanime par un récit captivant la jeune Sacha. Celle-ci grandit tout au long de la pièce, mais la parole reste et elle est l'occasion pour Papic de parler avec tendresse du temps qui passe et du lien à entretenir entre les générations… afin de transmettre connaissance et héritage liés à la filiation.



© Philippe Caharel.
© Philippe Caharel.
Dès le premier tableau, le monde expressif et aux teintes vives de "Papic" apparaît. Sacha, bébé, est promené par son grand-père, barbu aux baisers de hérisson. Dès ses premiers mots prononcés, la petite transformera sa première impression affective ressentie, "papy pique", en un évident surnom : Papic. Ainsi commence cette jolie fable mettant en avant, avec délicatesse, tendresse et finesse, une intelligente et intime relation intergénérationnelle où l'enfant qui grandit questionne l'histoire familiale. Cette dernière est racontée par Papic à l'aide de souvenirs et d'anecdotes déclenchés par l'originale émergence d'objets inattendus de la longue barbe du papy.

"Papic" donne avec subtilité une approche constructive des échanges possibles entre les différentes générations, aborde également intelligemment la notion de transmission, ainsi que l'utilité, la nécessité de la parole partagée dans une famille et de la prise de conscience de l'origine et de la construction de la sphère familiale.

© Philippe Caharel.
© Philippe Caharel.
Les dessins sont beaux, réalistes et colorés, s'inspirant des décors aux couleurs vives de Lorenzo Mattotti. Les marionnettes et les décors, en deux dimensions (faisant partie du domaine du théâtre de papier), ont été réalisés par Gilles Debenat (avec la complicité de Maud Gérard et Cédric Radin). Ce sont des silhouettes et des toiles peintes à taille d'enfant dont l'univers graphique et illustratif n'est pas sans rappeler celui, onirique et foisonnant, de Winsor McCay (l'un des précurseurs de l'image animée).

"Au niveau des peintures, des décors, marionnettes et accessoires du spectacle, deux esthétiques se côtoient et s'entremêlent : le temps présent (moments où Papic et Sacha sont en dialogue) et le temps du souvenir. Les décors et personnages du temps présent sont traités de manière réaliste et très colorée en s'inspirant des peintures flamboyantes de Lorenzo Mattotti, et chaque élément provenant du souvenir est traité dans des tons ocre. Plus précisément, chaque souvenir est teinté d'une des trois couleurs primaires (cyan, jaune et rouge). En effet, j'aime l'idée qu'en mélangeant les couleurs de ces trois souvenirs, on peut obtenir toutes les couleurs du temps présent", Gilles Debenat.

Côté technique, les créateurs utilisent une machinerie théâtrale à l'ancienne qui fait penser aux systèmes mécaniques qui furent inventés par Georges Méliès dans ses films. Parfois, les deux manipulateurs actionnant les silhouettes et les mécanismes peuvent apparaître, mais les enfants, en général, les perçoivent comme les parents de Sacha.

© Philippe Caharel.
© Philippe Caharel.
Côté musique, quatre compositions originales de Wenceslas Hervieux définissent l'univers musical du spectacle. Riche chacune en matière de rythmes, d'ambiances sonores et de couleurs mélodiques, elles évoquent différents styles et permettent des découpages, des déstructurations (virgules ou extraits) permettant d'accompagner ou d'amplifier les divers événements et séquences du spectacle.

"Papic" fait partie des multiples créations marionnettiques de la compagnie Drolactic Industry (basée à Redon) fondée par Maud Gérard et Gilles Debenat. Ces derniers sont sortis de l'École supérieure des arts de la marionnette de Charleville-Mézières en 2002. Explorant, depuis, les nombreux aspects de ce théâtre visuel qui permet de prendre de multiples chemins créatifs alliant poésie, esthétique, dramaturgie et humour, ils réussissent merveilleusement bien, avec cette création, à conduire les tous petits (à partir de trois ans) à la découverte des attaches qui tissent la trame familiale et vers une compréhension de l'importance de la transmission dont ils devront être, adultes, les nouveaux vecteurs.
◙ Gil Chauveau

"Papic"

© Philippe Caharel.
© Philippe Caharel.
D'après le livre "Les Trésors de Papic" d’Émilie Soleil et Christian Voltz (Bayard Éditions).
Mise en scène : Gilles Debenat.
Musique : Wenceslas Hervieux.
Avec : Gilles Debenat et Maud Gérard, en alternance avec Valérie Berthelot.
Construction : Gilles Debenat avec la complicité de Maud Gérard et Cédric Radin.
Lumières : Cédric Radin.
Regard extérieur : Valérie Berthelot.
Compagnie Drolatic Industry.
À partir de 3 ans.
Durée : 35 minutes.

•Avignon Off 2024•
Du 6 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 17 h 20. Relâche le lundi.
Cour du Spectateur, Salle Gisèle Halimi, 5, place Louis Gastin, Avignon.
Réservations : 06 28 67 09 82.
>> laligue84.org

© Philippe Caharel.
© Philippe Caharel.
Tournée
4 et 5 avril 2025 : Théâtre, Changé (53).

Gil Chauveau
Samedi 20 Juillet 2024

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À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024