Jean Hache dans "Salieri le mal-aimé de Dieu" © André Bradin
Ah ! Salieri… l’abandonné. "Saliéri le mal-aimé de Dieu". Particulièrement doué, il fut pourtant reconnu de son vivant comme un grand compositeur. Mais difficile d’arriver à faire exister ses œuvres à côté du génial Mozart. Et bien qu’attaché à la Cour de Joseph II à Vienne. On le sait, ce dernier lui volera la vedette et ses livrets seront jetés aux oubliettes pendant plus d’un siècle. C’est la nouvelle d’Alexandre Pouchkine d’abord (Mozart et Salieri, écrite en 1830) qui aura permis de faire redécouvrir le personnage, mais surtout (comme Forman) d’alimenter la thèse de l’empoisonnement. Thèse qui n’a jamais été accréditée d’ailleurs. Et ce n’est pas ce que Jean Hache a retenu du personnage.
L’originalité de la pièce tient d’abord dans la façon dont Salieri a été mis en scène : seul. Mozart n’est plus qu’une voix et reprendre celle d’Emmanuel Ray (la voix française de Mozart dans le film Amadeus) c’est élever un peu plus le mythe pour donner à Salieri un tour encore plus humain : "La fornication est le meilleur antidote contre le vieillissement", lui fait dire Jean Hache. La perception d’un homme déchu et malheureux qui ne fornique plus au fond de sa cellule, présenté d’abord à sa toilette, puis en train de manger, éloigne le spectateur de cette ombre fantastique et fantasmée qui aurait plané sur la vie de Mozart.
Habilement mis en scène sur le petit plateau du Lucernaire, ce soliloque, tantôt drôle tantôt grave, est investi par un auteur, comédien et metteur en scène qui a su magistralement laisser parler les démons jaloux du compositeur en mal de reconnaissance et lui redonner, ainsi ses lettres de noblesse. Si l’air sec et maigre de Jean Hache n’est pas sans rappeler l’image revêche et sévère que l’on prête volontiers au personnage, sa force est d’avoir su en faire le portrait d’un homme parcouru dans sa dimension la plus complexe et la plus verticale : ni bien ni mal, le personnage oscille entre démesure et faiblesse, emphase et simplicité, folie et raison. Son jeu et son allure ne sont pas sans rappeler celui d’un Laurent Terzieff.
Cet homme qui aurait au moins voulu être un ange déchu regarde l’enfant prodige avec haine et envie. Mozart est celui qui "dialogue avec les anges" et qui détient "le génie du coeur", "seulement occupé à mettre ensemble des notes qui s’aiment". Lui n’a pas une note digne de passer à la postérité. Retranché au fond de sa cellule, il ne reste plus que les souvenirs du passé pour s’entretenir avec lui. Même Dieu aura fini par se taire. Adresses, menaces, supplications, seule la musique vient encore lui chuchoter à l’oreille et imposer sa respiration. Moins "fulgurante" et moins passionnée que celle de Mozart, elle est néanmoins une redécouverte, un dialogue entre les deux compositeurs, sinon un magnifique requiem permettant enfin de réhabiliter son œuvre.
Lumière calfeutrée, barreaux aux fenêtres se détachent discrètement, entre ombre et lumière, et seront le symbole de l’enferment progressif de Salieri. Roland Hergault, à la co-mise en scène et à la lumière, a réalisé là un beau travail. Ce dialogue métamorphose la scène en un confessionnal recueillant les confidences d’un homme en proie à un beau délire.
L’originalité de la pièce tient d’abord dans la façon dont Salieri a été mis en scène : seul. Mozart n’est plus qu’une voix et reprendre celle d’Emmanuel Ray (la voix française de Mozart dans le film Amadeus) c’est élever un peu plus le mythe pour donner à Salieri un tour encore plus humain : "La fornication est le meilleur antidote contre le vieillissement", lui fait dire Jean Hache. La perception d’un homme déchu et malheureux qui ne fornique plus au fond de sa cellule, présenté d’abord à sa toilette, puis en train de manger, éloigne le spectateur de cette ombre fantastique et fantasmée qui aurait plané sur la vie de Mozart.
Habilement mis en scène sur le petit plateau du Lucernaire, ce soliloque, tantôt drôle tantôt grave, est investi par un auteur, comédien et metteur en scène qui a su magistralement laisser parler les démons jaloux du compositeur en mal de reconnaissance et lui redonner, ainsi ses lettres de noblesse. Si l’air sec et maigre de Jean Hache n’est pas sans rappeler l’image revêche et sévère que l’on prête volontiers au personnage, sa force est d’avoir su en faire le portrait d’un homme parcouru dans sa dimension la plus complexe et la plus verticale : ni bien ni mal, le personnage oscille entre démesure et faiblesse, emphase et simplicité, folie et raison. Son jeu et son allure ne sont pas sans rappeler celui d’un Laurent Terzieff.
Cet homme qui aurait au moins voulu être un ange déchu regarde l’enfant prodige avec haine et envie. Mozart est celui qui "dialogue avec les anges" et qui détient "le génie du coeur", "seulement occupé à mettre ensemble des notes qui s’aiment". Lui n’a pas une note digne de passer à la postérité. Retranché au fond de sa cellule, il ne reste plus que les souvenirs du passé pour s’entretenir avec lui. Même Dieu aura fini par se taire. Adresses, menaces, supplications, seule la musique vient encore lui chuchoter à l’oreille et imposer sa respiration. Moins "fulgurante" et moins passionnée que celle de Mozart, elle est néanmoins une redécouverte, un dialogue entre les deux compositeurs, sinon un magnifique requiem permettant enfin de réhabiliter son œuvre.
Lumière calfeutrée, barreaux aux fenêtres se détachent discrètement, entre ombre et lumière, et seront le symbole de l’enferment progressif de Salieri. Roland Hergault, à la co-mise en scène et à la lumière, a réalisé là un beau travail. Ce dialogue métamorphose la scène en un confessionnal recueillant les confidences d’un homme en proie à un beau délire.
"Salieri le mal-aimé de Dieu"
Jean Hache dans "Salieri le mal-aimé de Dieu" © André Bradin
(Vu le 14 juin 2011)
Texte : Jean Hache
Mise en scène : Jean Hache et Roland Hergault.
Avec : Jean Hache et la voix d’Emmanuel Ray.
Lumière : Roland Hergault.
Du 1er juin au 28 août 2011.
Théâtre le Lucernaire, Paris 6e.
Du mardi au samedi à 18 h 30.
Réservations : 01 45 44 57 34.
www.lucernaire.fr
Texte : Jean Hache
Mise en scène : Jean Hache et Roland Hergault.
Avec : Jean Hache et la voix d’Emmanuel Ray.
Lumière : Roland Hergault.
Du 1er juin au 28 août 2011.
Théâtre le Lucernaire, Paris 6e.
Du mardi au samedi à 18 h 30.
Réservations : 01 45 44 57 34.
www.lucernaire.fr