La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Festivals

Phénix Festival Un voyage dans le temps, le jazz et la liberté avec "Pannonica, Baronne du jazz"

New York dans les années cinquante. Quartier des cabarets et des clubs. On y joue du jazz jusqu'à tard dans la nuit. La plupart sont des musiciens noirs. La ségrégation raciale américaine est rayonnante, mais certains parviennent à obtenir une autorisation, un permis, pour jouer dans des cabarets. C'est l'époque de quelques grands noms du jazz : Charlie Parker, Bud Powell, Erroll Garner, Tommy Flanagan, Sonny Clark, Thelonious Monk… La plupart sont là chaque soir, sur scène. C'est au milieu ces années-là, au milieu des nuits chaudes de New York que surgit et s'installa une femme qui devint au fil des années une protectrice, une mécène et une amoureuse de ce monde interlope.



© Guillaume Saix.
© Guillaume Saix.
Elle n'a rien à voir avec ce milieu. Blanche, riche, juive, elle fait partie de la famille Rothschild, branche anglaise. Mais celle-ci l'a banni le jour où elle décide de divorcer de son mari, un aristocrate français, pour vivre cette vie nocturne, sans entrave, emportée par la magie de la musique. Ses cinq enfants sont, eux, gardés par le père. Des enfants que la classe sociale va bien formater pour qu'ils perpétuent l'honneur de la famille.

"Pannonica, Baronne du jazz", rend hommage à ce personnage singulier que peu de gens connaissent, mais qui est resté une figure mythique du monde des musiciens de jazz. Le texte d'Olivia Elkaim ne tente pas de retracer une biographie linéaire de Pannonica. Au contraire, il nous plonge directement dans l'action, une nuit, à New York, alors qu'elle rentre chez elle en voiture en compagnie de Thelonious Monk. Suite à un contrôle de police, elle et son compagnon sont mis en garde à vue, menacés de poursuite pour détention de stupéfiants, mais aussi certainement parce qu'à cette époque la loi interdisait les relations interraciales entre blancs et noirs, et encore plus entre blanches et noirs.

© Guillaume Saix.
© Guillaume Saix.
Entre interrogatoires, souvenirs, échanges avec Monk dans la cellule d'à côté, la vie de cette aventureuse aristocrate se dévoile. On y entend surtout un cri de liberté poussé par cette femme enfermée dans un carcan social qu'elle fait voler en éclat pour vivre sa passion, ses passions. Passion pour la musique, passion pour ces hommes capables de lui donner cette musique. Et au fil des ans, elle devient une muse pour beaucoup de ces musiciens (plusieurs d'entre eux lui ont écrit des compositions).

La très expressive scénographie de Georges Vauraz pose Pannonica au milieu d'un ensemble de gigantesques miroirs brisés. On croit y lire dans leurs reflets les multiples morceaux de la vie de ce personnage. Une vie éclatée qui se déroule dans l'univers luxueux des grands de ce monde, grands par l'argent, puis un peu partout sur la planète à suivre son père dans ses nombreux voyages, et ensuite dans l'univers envoûtant d'autres grands, les grands de la musique, ceux qui ont inventé une partie du jazz que l'on connaît maintenant. Un autre dispositif permet de changer d'espace. Un large cercle portant un long tulle procure des transparences sensuelles au jeu de la comédienne lors de l'évocation de ses amours.

© Guillaume Saix.
© Guillaume Saix.
Natacha Régnier donne corps à ce personnage avec fougue, intensité, innocence. Elle en possède à la fois la "classe" comme on dit, mais aussi la rage. Grâce à ses adresses diverses, en dialogue fictif, elle met en jeu tous les autres protagonistes de la pièce : les inspecteurs de police, Thelonious Monk, son mari, ses enfants. Elle réussit à nous convaincre de la force qu'il a fallu à Pannonica pour, à près de quarante ans, découvrir la vie, la vraie, loin des contraintes de son monde. La vie, l'amour, la musique.

Celle-ci a une part prédominante dans le spectacle. Le compositeur et pianiste Raphaël Sanchez est, lui aussi, sur scène, caché derrière le pan d'un miroir brisé. Il accompagne avec une délicatesse extrême la partition de l'actrice. Cette musique en live apporte une vérité incomparable et bien sûr, une musicalité égale.

"Pannonica, Baronne du jazz"

Texte : Olivia Elkaim.
Mis en scène : Christophe Gand.
Assistante mise en scène : Lucie Muratet.
Avec : Natacha Régnier et Raphaël Sanchez (musique live).
Composition musicale : Raphaël Sanchez.
Scénographie : Georges Vauraz.
Lumières : Denis Koransky.
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz.
Par la Compagnie CIDD Poduction.
Durée : 1 h 20.
Tout public.

Vu au Studio Hébertot dans le cadre du Phénix Festival. La pièce a été jouée en avant-première au Studio Hébertot, salle partenaire, du 1er au 3 juin 2023.
>> phenixfestival.com

•Avignon Off 2023•
Du 7 au 29 juillet 2023.
Tous les jours à 15 h 45. Relâche le mardi.
Théâtre Le Petit Chien, 76, rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 04 84 51 07 48.
>> chienquifume.com

Bruno Fougniès
Jeudi 8 Juin 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
Spectacle à la Une

"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024