La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Orphelins"… Violence en émotion… entre dit et non-dit

"Orphelins", Le 104, Paris

Dans une pièce de Dennis Kelly, Chloé Dabert dresse une mise en scène où la violence est nourrie par le flux des paroles et le rapport entre les personnages sans que les propos et les corps n’empruntent un autre détour que celui de se contenir.



© Bruno Robin.
© Bruno Robin.
La scénographie laisse apparaître dans une pénombre une table entourée de trois chaises dans un séjour situé dans une infrastructure de bois habillée de murs vides. Le public est tout autour de la scène. Il y a une chambre d’un côté et un salon de l’autre. Un couple, Helen (Joséphine de Meaux) et Dany (Sébastien Eveno), s’apprête à dîner. Quand Liam (Julien Honoré), le frère d'Helen, fait irruption.

Le débit des phrases, de chaque personnage, est bousculé, très nerveux. Les corps sont tout aussi tendus. Le drame est psychologique. Les éléments principaux d’articulation de celui-ci sont les corps, les voix et les paroles. Tout se joue autour de ce "triptyque" théâtral. Chaque élément se nourrit de l’autre avec une scénographie où rien n’est caché. L’histoire déroule son contexte, ses faits comme un puzzle, laissant voir une situation, au préalable floue, et des rapports entre les personnages où la personnalité de chacun se découvre. La simplicité d’une soirée découvre une complexité dans les relations.

Une violence se dégage. Celle-ci est beaucoup plus marquée pour Liam qui est dans un rapport physique plus violent, symboliquement, marqué par son vécu et l’histoire qu’il vient de vivre. Quant au couple, il découvre la réalité de leurs relations avec Liam. Il devient ainsi le miroir cassé de leur "bonheur".

© Bruno Robin.
© Bruno Robin.
La pièce est construite sur des situations aux propos tranchés, vifs et bien découpés. Les répliques sont bousculées, parfois hachées. La tension est présente dès le début. Elle monte souvent pour parfois redescendre abruptement et être dans un faux "plat", avec un calme qui annonce la "tempête" ou une décision brutale.

Tout se bouscule dans cette histoire où au fil de l’eau, la vérité apparaît. Tous les événements sont joués syllabiquement, c'est-à-dire que les faits qui se déroulent sont exprimés par les propos des personnages, leur composition vocale, leur débit, leur structure émotionnelle.

Cette émotion est bousculée au début, avec l’irruption de Liam. Le débit des phrases est saccadé, ponctué d’interruptions. Quand une lumière se fait sur ce qui s’est réellement passé autour de lui, le débit devient moins heurté à l’image du couple dont les idées sur la situation, et leur situation, deviennent plus claires.

La parole se fait l’entremetteuse des sentiments des personnages. Ainsi, ils se découvrent par le dit quand ils baignaient dans le non-dit. Dans "Orphelins", la parole est l’aiguillon, l’étoile du Nord de l’histoire soutenue par des corps qui trouvent leur exutoire dans celle-ci.

La pièce est intense dans son intimité. C’est superbe d'une véracité où le propos pique son mordant dans une violence contenue dans le dit et le non-dit.

"Orphelins"

© Bruno Robin.
© Bruno Robin.
Texte : Dennis Kelly
.
Traduction : Philippe Le Moine.
Mise en scène : Chloé Dabert.
Assistant à la mise en scène : Loïc Diméet.
Avec : Sébastien Eveno, Julien Honoré, Joséphine de Meaux.
Scénographie : Pierre Nouvel
.
Lumière : Kelig Le Bars, assistée de Nicolas Bazoge.
Dramaturgie : Brigitte Ferrari.
Répétiteur : Léandre Larmet.
Durée : 1 h 30.

Du 8 avril au 4 mai 2016.
Mardi, mercredi, jeudi et samedi à 20 h 30, dimanche à 16 h.
Le 104, Atelier 6, Paris 19e, 01 53 35 50 00
>> 104.fr

Safidin Alouache
Lundi 11 Avril 2016

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024