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Avignon 2024

•Off 2024• "Zembla et les trois sœurs" Comédie sensible nous plongeant avec transparence au cœur des sentiments humains

Suzon, professeur auxiliaire à la retraite et militante engagée, organise des repas pour les migrants dans une petite camionnette. Mais, un soir, elle est emmenée au poste de police pour n'avoir pas respecté le règlement de la Préfecture. Pour payer l'amende, elle demande de l'argent à ses deux sœurs avec qui elle vit. Hélas, l'appartement est hypothéqué et Suzon a déjà vendu tous les meubles…



© Fanny Masson.
© Fanny Masson.
Lili, la sœur aînée, ex-danseuse contemporaine, a fait un AVC sur scène et est désormais invalide, clouée dans un fauteuil roulant. Quant à la cadette, Anne, elle n'a aucun revenu et a déjà fréquenté plusieurs maisons de repos pour des problèmes psychiatriques. Un jour, Suzon croise la route de Zembla qui lui vient en aide au sujet de la fourrière et la vie des trois sœurs va être littéralement bouleversée. Mais qui est exactement ce Zembla ?

Cette pièce, dernière écriture de Christophe Guichet, est un moment de spectacle émouvant, non dénué d'humour, dont la dimension humaniste ne laissera personne indifférent. Pourtant, il aurait pu en être tout autrement, tant le propos regorge de situations déjà bien souvent traitées au théâtre ou au cinéma : la prof, trop catégorique et radicale dans les contenus de son enseignement et, de ce fait, rejetée par le rectorat pour sa titularisation ; la jeune femme malmenée dans son couple, tombant dans la dépression et faisant régulièrement des séjours en hôpital psychiatrique ; le passé artistique brisé d'une danseuse atteinte d'un AVC ; sans compter le migrant sorti de nulle part, plein de bonnes intentions auprès de ces trois sœurs, noir forcément, et ne parlant pratiquement pas le français…

Ce migrant, c'est Zembla, un héros de comics dont Christophe Guichet, alors jeune gamin, s'impatientait chaque dimanche de découvrir les nouvelles aventures victorieuses dans lesquelles il combattait le mal. Et comme l'auteur ne sait pas choisir entre histoires personnelles et événements politiques, il y a aussi la périlleuse question politique des migrants et des associations leur venant en aide pour "pallier la froideur de l'accueil français" (sic).

"Le propos de ma pièce, c'est la rencontre d'un ancien monde qui se délite et d'un nouveau monde qui se cherche." Celui de ces trois sœurs vivant sous le même toit dans une routine qui ne permet pas l'expression des sentiments, ni des révélations secrètes, et celui de ce jeune homme de 28 ans qui, apparemment, se cherche et qui va bousculer ce quotidien routinier.

© Fanny Masson.
© Fanny Masson.
Encore une fois, Christophe Guichet aurait pu, lui aussi, se chercher autour de tous ces thèmes distincts, et finalement ne pas trouver… Mais il n'en est rien.

La pièce "Zembla et les trois sœurs" est une sorte de huis clos dans lequel le monde extérieur, à la fois présent et absent, est traité, avec une grande intelligence et une harmonie toute en subtilité, sous la forme de neuf séquences distinctes entrecoupées de noirs musicaux dans l'intention, peut-être, de sensibiliser le public, l'interpeller ou créer en lui une forme de catharsis.

C'est le premier grand rôle au théâtre pour le comédien Yacouba Condé, interprétant Zembla, et gageons que ce ne sera pas le dernier. Son jeu convaincant et maîtrisé est comme un pilier bien solide sur les planches, autour duquel gravitent aussi de façon très assurée les trois autres comédiennes.

Tout au long de la pièce, les âmes humaines s'adoucissent dans le rapport à l'autre, à l'étranger, les désirs se révèlent et on trouve la force d'aller jusqu'au bout de ses désirs enfouis. L'étranger, celui qui sait dire à Suzon qu'elle est belle, qui fait redanser Lilie, ou encore qui va se mettre en scène dans un conte avec Anne comme partenaire.

Il s'agit là, d'ailleurs, d'un moment très fort de théâtre, de méta-théâtre, conférant à la représentation des allures de fable humaniste contemporaine intense de la plus belle teneur. Une mention particulière pour l'interprétation de Chantal Lavallée dans le rôle de la gardienne d'un cimetière voyant arriver de plus en plus de corps de migrants ayant péri en mer.

"Oublie tout de ta vie ici ! Sois léger comme une plume. Si les hommes te rejettent, alors tu seras libre, mais tes souvenirs resteront."

"Zembla et les trois sœurs"

Texte : Christophe Guichet.
Mise en scène : Christophe Guichet.
Avec : Claire Cafaro, Chantal Lavallée, Désirée Olmi et Vincent Vespérant.
Scénographie et costumes : Christophe Guichet.
Musique : Tom Lemann.
Lumières : Sara Cornu.
Production : Gaby Théâtre en coproduction avec La Cie Drôles de Dames.
Durée : 1 h 10.

•Avignon Off 2024•
Du 3 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 13 h. Relâche le lundi.
Théâtre de l'Oriflamme, 3/5, rue Portail Matheron, Avignon.
Réservations : 04 88 61 17 75.
theatredeloriflamme@gmail.com
>> loriflamme-avignon.fr

Brigitte Corrigou
Jeudi 25 Avril 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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… face aux normalisations sociétales et idéologiques

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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024