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Avignon 2024

•Off 2024• "Venise, récit chanté d'un corps" La femme, son corps et son expérience au centre du journal d’une vie en cours de réalisation

Corps dansé, corps chanté, raconté, corps féminin, celui d'une femme en acquisition de liberté, d'émancipation. Récit du chemin, du parcours vers la construction du corps de Fanny Chériaux, femme née à la fin des années soixante-dix. Une histoire qui a fait naître un spectacle hybride, entre comédie musicale, one-woman-show, concert pop et récit auto-fictionnel. Une aventure d'aujourd'hui, éminemment féminine, pour tendre vers l'apaisement et la renaissance, mais aussi vers l'acception de soi et du monde.



© Pauline Legoff.
© Pauline Legoff.
À la fois nouvel engagement artistique construit sur deux expériences professionnelles – récemment acquises ou passées – et questionnement personnel sur la relation avec son corps, celui de l'enfance, pas forcément genré ; celui de l'adolescence, souvent compliquée, sous influence – celle des modèles sublimes, ci-devant mannequins éthérés, celle du regard masculin, celle des normes imposées – ; celui de l'âge adulte avec ses troubles, ses désespoirs, la colère, mais aussi la découverte de la vie, différente, du plaisir, de la jouissance, de l'orgasme ; celui de la maturité, de la prise de recul et de la capacité à la dérision. Ce fil du vivant, profondément organique, va tisser le récit de Fanny Chériaux.

À la base de cette création, comme l’émergence d’un catalyseur involontaire, s’impose la nécessaire question du "pourquoi" de l’énigmatique titre "Venise". À l’origine du projet, il s’agit du titre d'une chanson que Fanny écrivit en voyant des images de Venise durant le confinement avec le retour des dauphins dans la lagune vénitienne. Ainsi paraissait possible l’obtention d’une eau dépolluée, l’espoir d’une nature apaisée, retrouvée, et l’éventualité d’un avenir enfin vivable pour chacun. Les paroles, parlant de constat et de renouveau, de soi et du monde, notamment, seront le déclencheur de ce nouveau spectacle.

© Pauline Legoff.
© Pauline Legoff.
Et de cette chanson partagée alors sur les réseaux sociaux vont éclore des petites propositions chorégraphiques émanant de deux amis artistes bien inspirés. Ce sera le point de départ pour Fanny d'un retour au spectacle de chansons, non plus en récital purement et simplement (pratiqué au début de sa carrière, avec deux albums studio et un prix coup de cœur Charles Gros à son actif), mais avec une création ayant un fil narratif. Pour cela, elle pourra puiser dans son expérience acquise durant ces dix dernières années "théâtrales" qu'elle a passées au sein de la compagnie La Volige.

De ces pas de danse vont naître un début de travail partagé avec les deux amis impliqués. Ces tentatives de différentes chorégraphies communes, inédites pour Fanny, vont faire naître un malaise dû à la difficulté d'utiliser son corps, de bouger avec et de s'exprimer physiquement comme une danseuse avec, rapidement, l'interrogation artistique de "montrer" son corps ainsi. De là s'élabore pour elle une histoire avec ce corps, son corps, mais aussi le corps féminin en général.

Les questions fusent – Qu’est-ce que je veux cacher de ce corps, quelle est mon histoire avec lui ? Est-ce que ça a toujours été compliqué ? Est-ce que mon corps et moi nous entendions mieux "avant" ? Et avant quoi, justement ? Y’a-t-il eu un âge d’or de mon corps ? – et le récit se construit, cheminant sur son propre parcours de femme.

© Pauline Legoff.
© Pauline Legoff.
La trajectoire de Fanny Chériaux dans cet acte artistique original et pluridisciplinaire prend son départ à la fin des années soixante-dix avec sa naissance et les premières années de cette petite fille qu'elle est : bagarreuse, garçon manqué, aimant le foot, à la fois rigolote, énergique et sensible. Les souvenirs d'enfance jaillissent, suivis rapidement par ceux de l'adolescence, ponctués tout autant de tumultueuses problématiques (comme celle inévitable de l'arrivée des premières règles, sujet plus que tabou et empreint de difficultés pratiques, les distributeurs de serviettes hygiéniques n'existaient pas) que des moments de réconfort générés par les parties de rigolade avec les copines.

Au fil des étapes temporelles, ce sont les symboles de ces années-là que les spectatrices et spectateurs découvrent ou redécouvrent (selon l'âge de chacun) également. Des films super 8 montrant cette petite fille à la mer, libre, enjouée aux "tubes" diffusés par la radio de la R19 familiale sur la route des vacances, on reprend aussi conscience de la perception de la femme à cette époque où, notamment, les chansons évoquaient le corps des femmes, souvent par le menu détail, de bas en haut, si l'on peut dire.

Mais la force de la chanteuse, comédienne et, aujourd'hui, danseuse, est de nous amener à des réflexions sur des sujets encore d'actualité comme la différenciation entre garçons/hommes et filles/femmes, notamment sur l'utilisation de l'espace, le premier ayant de celui-ci une occupation large, avec des grands gestes (besoin d'une présence visible). À l'inverse, la femme essaie d'en occuper le moins possible (mains sur les genoux, pas de gestes amples et/ou désordonnés). Également sur l'acte sexuel et la relation physique à l'autre (la notion du viol, de l'acception, ne pas oser dire non, etc.), sur la mode "sans poils" et l'apparition de la nudité au cinéma, le temps consacré à plaire/séduire.

Sans dévoiler, outre mesure, la trame de "Venise récit chanté d'un corps", on peut dire pour finir que Fanny Chériaux, accompagnée de ses deux complices (Thomas Couppey et Sébastien Dalloni officiant avec talent dans les chorégraphies, parfois faisant office de chevalier servant) nous offre ici un spectacle/regard multiple et éclairé sur la femme et son corps, exprimant avec une réelle sincérité et un humour à la fois lucide, espiègle et bienveillant, et surtout une énergie communicative, une manière originale d'aborder la complexité de la femme... et de mettre en avant la nécessité de l'égalité.
◙ Gil Chauveau

"Venise, récit chanté d'un corps"

© Pauline Legoff.
© Pauline Legoff.
Autrice : Fanny Chériaux, dite Fannytastic.
Conception : Fanny Chériaux.
Mise en scène : Fanny Chériaux et Nicolas Bonneau.
Avec : Fanny Chériaux, Thomas Couppey , Sébastien Dalloni.
Musique : Fanny Chériaux.
Création son et vidéo : Gildas Gaboriau.
Création lumière : Stéphanie Petton.
Scénographie : Gaëlle Bouilly.
Montages sonores et vidéos : Fanny Chériaux.
Création costumes : Cécile Pelletier.
Regard extérieur - danse : Suzanne Dubois.
Initiateur et regard extérieur : Eliakim Sénégas-Lajus.
Régie son : Gildas Gaboriau ou Ronan Fouquet.
Régie lumière : Stéphanie Petton ou Olivier Borde.
Production Compagnie La Volige.
Tout public à partir des 13 ans.
Durée : 1 h 15.

•Avignon Off 2024•
Du 2 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 17 h 10. Relâche le lundi.
Théâtre Le 11 Avignon, Salle 2, 11, boulevard Raspail, Avignon.
Réservations : 04 84 51 20 10.
>> 11avignon.com

Gil Chauveau
Dimanche 14 Juillet 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024