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Avignon 2024

•Off 2024• "Un lézard chez la psy" Une comédie virevoltante menée avec brio par un duo décalé aux bons goûts borderline

Augustin est un jeune vieillard imprévisible qui se félicitait de n'avoir jamais connu l'amour et de n'avoir jamais eu de problème avec le sexe. Jusqu'au jour où il rencontre une psychologue quelque peu perturbée. Un feu va alimenter sa folie qui va le pousser à commettre l'impossible, aussi tragique que burlesque ! Une avocate blasée est chargée de défendre ce client hors normes… Une descente aux enfers, s'il en est.



© Aude Jacques Le Seigneur.
© Aude Jacques Le Seigneur.
Faut-il entrevoir dans cette pièce de Victor Haïm, Molière du meilleur auteur en 2003 pour sa pièce "Jeux de scène", un semblant de testament, au-delà des feux ardents du contenu de sa pièce ? "À l'âge des bilans, de la nostalgie, des remords ou des regrets, je propose une comédie aux allures de drame comique qui, à défaut d'être un dernier coup d'éclat, provoquera, je l'espère, quelques rires en éclats."

Auteur traduit dans dix-huit langues et joué dans vingt-trois pays, Victor Haïm propose ici sa dernière comédie dans les rôles conjugués d'auteur, d'acteur et de metteur en scène. "Un lézard chez la psy" est à l'origine une courte pièce pour la radio "diffusée à des heures où l'on doit ronfler" (sic).

Il s'agit d'un drame comique, car, à bien y regarder, derrière le fait que l'on rit aux éclats tout au long de la pièce – parce que le rire est gage d'intelligence et que, chez l'auteur, l'intelligence fine toute particulière est sa marque de fabrique indéfectible –, il faut y déceler quand même une espièglerie douce-amère qui chahute le public, si tant est que ce dernier soit attentif et consciencieux quant aux propos tenus : sans doute une introspection notoire, émouvante et sensible, qui ne peut laisser indifférent quiconque le décèlera !

© Aude Jacques Le Seigneur.
© Aude Jacques Le Seigneur.
Écrire avec humour pour parvenir à savourer ses angoisses et ses tropismes est, de toute évidence, la "ligne éditoriale" de Victor Haïm. Et l'a toujours été. Puisse-t-elle le rester encore longtemps…

Mais que se cache-t-il donc, au juste, derrière ce lézard métaphorique et énigmatique ?
Quelle mouche a donc piqué notre auteur atypique ou quel serpent malin peut-être, à moins que ce ne soit finalement un lézard venimeux, pour que, depuis cinquante ans, Victor Haïm soit ainsi investi de cette flamme olympique du cynisme hilarant, de la démesure, de cette folie extravagante, à nulle autre pareille ?

Car notre auteur est bien un drôle de zèbre, une sorte de chimère aux pattes à ventouses agiles qui grimpe et virevolte sur les parois sensibles de la psychologie humaine pour tenter de la dire. Pour la dénoncer ? Que nenni ! Juste la "dire", témoigner de cette dernière, la sienne propre sans doute, à n'en point douter, et, si parallèlement, le public s'y reconnaît… tant mieux ! N'est-ce pas là le propre de l'acte théâtral et créatif, au-delà de la simple écriture de soi et pour soi ?

La pièce de Victor Haïm convoque encore une fois le rapport aux femmes, dont la vision intrinsèque s'inscrit bien souvent dans une forme de démesure. Des figures féminines désaxées, psychotiques, névrosées. Des femmes qui, probablement, "ne peuvent lui tendre une main secourable, car elles-mêmes sont en train de se noyer". Mais pas de femmes vertueuses, cela dit, ni idéalisées.

Il n'est qu'à regarder la Chloé de "Velouté", autre pièce de l'auteur, pour le constater : femme romanesque, tourmentée, sous psychotiques et très, très en colère ! Cette autre pièce de Victor Haïm se joue aussi cet été au Off, à l'Atypique Théâtre à 14 h 40.

Le Victor-Augustin de la pièce mérite haut-la-main le prix d'interprétation de l'ironie en ce Festival d'Avignon. Une Barbe bleue de 89 ans aux cheveux blancs, qui, contrairement à celui de Charles Perrault, n'enferme pas ses femmes dans son cabinet mystérieux, mais bien au contraire leur donne une entière liberté d'être ce qu'elles sont véritablement : juste humaines, vivantes, chatoyantes ?

© Aude Jacques Le Seigneur.
© Aude Jacques Le Seigneur.
"Femmes, je vous aime", dit la chanson. Victor Haïm aussi… À sa manière.
Sandrine Chauveau, comédienne et chanteuse, directrice de la Compagnie "Argile Théâtre", interprète dans cette pièce, avec une grande intelligence et beaucoup de charisme, différents rôles féminins : tantôt psy désabusée, fleuriste, prof de piano hystérique, avocate, bourgeoise, banquière, etc.

Ces deux "humains artistes" jusqu'au bout des ongles, se sont rencontrés autour d'un deuil, chacun de son côté et sa part de désespoir, et nous serions prêts à parier que cette épreuve les a portés haut vers la nécessité de vivre, encore et encore, de rire, de danser, de faire les pitres, de vous côtoyer, de "lézarder", de faire des veloutés en écrasant les légumes menus, menus, etc, etc.

"Un lézard chez la psy" immerge le public au plus profond de l'âme "victorhaïmienne", nous enchante malgré la descente aux enfers de l'émouvant personnage interprété, et nous attendrit à différents égards, grâce aussi à la sensualité et au charisme palpables de Sandrine Chauveau malgré ses excès d'interprétations distincts. Un bel exploit.

SVP, Victor ! Continuez à prendre la plume, à écrire, encore, encore, "à vous rendre au Jardin des Plantes ou ailleurs, pour lutiner les mignonnes et leur exposer vos projets d'acteur".
Ne changez rien !
◙ Brigitte Corrigou

"Un lézard chez la psy"

© Aude Jacques Le Seigneur.
© Aude Jacques Le Seigneur.
Drame comique
Texte : Victor Haïm.
Mise en scène : Victor Haïm.
Avec : Sandrine Chauveau et Victor Haïm.
Décor : Nils Zachariasen.
Création lumière : Stéphane Baquet.
Assistante aritistique et photographe : Aude Jacques le Seigneur.
Création de l'affiche et illustratrice : Valérie Dumas.
Compagnie Argile Théâtre.
Durée : 1 h 20.

•Avignon Off 2024•
Du 3 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 14 h 20. Relâche le mardi.
Théâtre le Cabestan, 11, Rue Collège de la Croix, Avignon.
Réservations : 04 90 86 11 74.
>> lecabestan.org

Brigitte Corrigou
Vendredi 19 Juillet 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024