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Avignon 2024

•Off 2024• "Momentos" Créativité à l'honneur avec des chorégraphies où s'exprime parfois une poésie intime et universelle

Le Flamenco est une force brute et pure qui nous touche en plein cœur, car il est l'art dans lequel le chant, la musique et la danse se questionnent, se répondent et se mêlent dans une totale intimité. Pour l'essentiel, le répertoire du flamenco a été codifié au cours du dernier tiers du XIXe siècle et du premier tiers du XXe. De cette époque, la guitare est son instrument emblématique, à la fois pour l'accompagnement du chant, de la danse et pour le concert soliste. Depuis, son évolution a été marquée par quelques grandes tendances esthétiques.



© Sandrine Cellard.
© Sandrine Cellard.
La musique et la danse flamencas sont basées sur des "palos" (formes) prescrivant pour chacune un mode et un cycle métrique avec accents ou "compas" (accents obligés) spécifiques. Une mécanique de précision qui convoque malgré tout une dimension artistique forte et étourdissante.

Sur scène, une danseuse, deux danseurs, trois musiciens et un chanteur-musicien envoûtant le public dès les premiers instants du spectacle. Que vous soyez novice ou aficionado du flamenco, vous vous laisserez embarquer dès les premiers instants du spectacle et impossible de ressortir déçu de cette éblouissante prestation flamenca de Valérie Ortiz.

Certes, le flamenco est sensiblement ancré dans la culture espagnole et d'aucuns diront que ce dernier ne les interpelle pas, qu'ils n'en perçoivent pas les codes, n'en mesurent aucunement les mouvements dansés à leur juste valeur. Ça peut être exigeant, en effet, de suivre "à la lettre" une prestation flamenca, comme le jazz aussi, par exemple, et ça demande une certaine phase d'initiation. Ceci n'est pas faux. Difficile d'entendre cette possible réticence, néanmoins… le flamenco revêt une portée universelle réunissant à lui seul un large éventail de situations allant de la tristesse à la joie, en passant par l'amour ou la souffrance. Alors, comment y rester indifférent ?

© Sandrine Cellard.
© Sandrine Cellard.
Mais, dans ce remarquable spectacle, là où se situe l'originalité, c'est que Valérie Ortiz, la chorégraphe, a souhaité apporter au genre un autre regard, une palette plus large et moins stéréotypée que celle à laquelle nous sommes habitués(es).

"Je n'ai pas voulu nommer mon spectacle "spectacle de flamenco" pour être honnête dans ma démarche, mais j'ai opté pour "création flamenca contemporaine", parce que j'ai essayé d'y mettre tout ce que j'aime, notamment mes goûts musicaux qui sont un peu plus larges que ce seul univers. J'ai notamment eu envie d'y introduire un accordéon qui sonne comme un orgue par moments, avec un arrière-goût de "l'Ave Maria" de Caccini ou de Piazzola, ou encore du Pays basque où j'ai mes origines", précise Valérie Ortiz.

Et il est vrai que "Momentos" s'inscrit dans un univers esthétique différent, éloigné et proche à la fois du flamenco traditionnel qui permet au public de voyager dans des univers et des moments différents. Le choix des costumes, l'absence des volants et autres codes liés à la tradition y participent largement. Dans une succession de douze tableaux richement agencés et diversifiés, la représentation se déroule tout en émotion et fluidité.

La pratique de la danse, que nous connaissons particulièrement pour l'enseigner depuis de nombreuses années, nous permet de reconnaître, dans la chorégraphie et la gestuelle de Valérie Ortiz, Felipe Calvarro et Carlos Escudero, une plastique virevoltante sans faille, une harmonie et une précision incomparables. Leurs mains forment des volutes qui ne sont pas sans nous rappeler, par moments, les gestes chorégraphiques du Bharatanatyam indien, les "palos" magistralement associés aux "compas" confèrent à l'ensemble de la représentation un véritable moment de poésie à la fois intime, universel, et finement agencé.

Les claquements des seules mains, au début du spectacle, auxquels vont suivre les zapateos – claquettes des talons ou des pointes des chaussures –, associés aux jeux de lumières particulièrement inventifs de Matthieu Durbec, puis l'arrivée tout en douceur du chant envoûtant, emportent littéralement le public.

Le tableau associant le chant de Jésus Carceller à la guitare de Paul Buttin et aux harmonies des percussions nouvelles d'Alexis Sebileau est une bulle artistique et musicale intense, comme suspendue.

© Nathalie Goux.
© Nathalie Goux.
Il en va de même, bien entendu, de la chorégraphie duo avec castagnettes sur un extrait de "Zarzuela" qu'on aimerait ne jamais voir s'arrêter ! Chorégraphie créée par Antonio Najarro, directeur du Ballet national d'Espagne.

La créativité de Valérie Ortriz est à l'honneur dans "Momentos", accordant à la scénographie une place importante, ce qui n'est pas sans rajouter une dimension supplémentaire à ce merveilleux moment.

"Momentos"

© Sandrine Cellard.
© Sandrine Cellard.
Création flamenca (musique et danse) de Valérie Ortiz.
Chorégraphie et mise en scène : Valérie Ortiz.
Collaboration artistique : Caroline Buvat-Montes.
Danse : Felipe Calvarro, Carlos Escudero et Valérie Ortiz.
Chant et guitare : Jésus Carceller.
Percussion : Alexis Sebileau.
Accordéon : Jérémy Naud.
Régie lumière : Allan Duminil.
Technicien son : Elias Lacassin.
Production Fe Flamenca.
Durée : 1 h 25.

•Avignon Off 2024•
Du 3 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 19 h 15. Relâche le lundi.
Théâtre du Girasole, 24 bis, rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 04 90 82 74 42.
>> theatredugirasole.fr

Brigitte Corrigou
Lundi 27 Mai 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024