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Avignon 2024

•Off 2024• "Les Trois petits vieux qui ne voulaient pas mourir" Un spectacle d'une grande vérité aux allures de fable philosophique

Un jour comme les autres, Ernest, Stanislas et Désiré se réveillent plutôt de bonne humeur, mais arrive une lettre : "Aujourd'hui, c'est le dernier jour. Toutes les journées ont été utilisées". Ils décident de faire comme si de rien n'était. Et puis d'abord, d'où vient cette lettre ? Qui décide ? Et pourquoi aujourd'hui ? Parviendront-ils à vaincre la faucheuse ? Qu'à cela ne tienne, ils n'ont pas dit leur dernier mot ! Avec fougue, ils s'inventent de nouvelles vies, de nouvelles jeunesses et d'autres folies.



© Olivier Bochenek.
© Olivier Bochenek.
"Mourir, quelle idée ! On est encore bien jeunes… Enfin, presque ! On ne veut absolument pas mourir. On ne mourra jamais. Nous allons vivre éternellement".
Dans ce spectacle, c'est un mélange d'impressions diverses qui envahit le spectateur dès les premiers instants. La faute au thème majeur évoqué : celui de la mort, de toute évidence. De la vieillesse aussi.

Comment aborder encore ce marronnier de l'écriture théâtrale et de l'écriture tout court, sans tomber dans des poncifs déjà souvent ressassés, évoqués, triturés dans tous les sens ? Probablement par le biais de l'humour et de la poésie. C'est le choix judicieux qu'a fait la metteuse en scène, Johanne Benoît, pédagogue du mouvement et du jeu masqué depuis plus de trente ans, choix traité avec beaucoup d'élégance et qui n'est pas sans rappeler l'univers beckettien à certains égards.

La scénographie, magnifiée par les lumières de Jeanne Fortin L. et les musiques de Raphaël Reed, transporte le spectateur dans une sorte de non-lieu, composé d'un simple lit à l'ancienne, d'une boîte aux lettres intrusive et mystérieuse qui parlera certainement à tous et à toutes, d'un nounours en peluche, d'une théière dont le trio de vieillards célébrera le décès et, sur la fin du spectacle, de valises en carton finement empilées les unes sur les autres.

© Olivier Bochenek.
© Olivier Bochenek.
Le format très court de la pièce (55 minutes), aux allures de huis clos, est un réel moment d'émotion théâtrale, et on aimerait rester plus longuement aux côtés de ces trois personnages si attachants ou les accompagner jusqu'à la fin sur ce chemin lumineux.
Quoique !

Personnages attachants et très touchants, certes, peut-être parce qu'ils nous parlent de la mort avec une grande bienveillance et une grande tendresse. Cette éternelle question philosophique et existentielle avec laquelle nous devons nous débattre, jour après jour, que nous devons côtoyer au quotidien d'une manière ou d'une autre, en essayant si possible de ne pas trop l'investir.

Ernest (Isabel Rancier), Désiré (Alexandre L'Heureux) et Stanislas (Vania Beaubien) sont forcément un peu de ce que nous serons, un jour futur, et le choix du jeu masqué leur confère des allures intemporelles et universelles notoires.

Mourir, ce n'est pas une blague, comme nos trois petits vieux l'ont cru au début du spectacle en recevant le courrier. Comme eux, nous devons nous rendre à l'évidence qu'un jour, elle frappera à notre porte. Alors, faisons avec ! Faisons comme eux : acceptons-la… "Et pis, c'est tout" !

Ce spectacle était, à la base, destiné au jeune public, ce qui lui confère à plusieurs moments des allures enfantines et naïves, renforcées par les demi-masques derrière lesquels pétillent les yeux pleins de vie et d'envie de vivre des trois comédiens.

"Les Trois petits vieux qui ne voulaient pas mourir" est un pur bijou créatif qui se produit déjà depuis 2017. Puisse ce spectacle continuer encore longtemps ses tournées sur les routes du Québec, de France ou d'ailleurs.

Puissent les deux comédiennes et le comédien continuer à revêtir leurs costumes rembourrés, à faire rire le public du haut de leurs gestuelles et de leurs pantomimes taillées au cordeau, tout en parlant de la mort, de l'amitié, et de la vieillesse, le tout bercé par les airs de "L'Ave Maria "ou "Bohemian Rhapsody" qui nous transportent littéralement.

"Les Trois Petits Vieux qui ne voulaient pas mourir"

© Olivier Bochenek.
© Olivier Bochenek.
Texte : Suzanne van Lohuizen.
Traduction du néerlandais : Marijke Bisschop (chez L'Arche Éditeur).
Mise en scène : Johanne Benoît.
Avec : Vania Beaubien, Isabel Rancier, Alexandre L'Heureux.
Conception d'éclairage et régie : Jeanne Fortin-L.
Scénographie : Pierrick Fréchette.
Conception et réalisation des masques : Vania Beaubien, ­Pierrick Fréchette, Marie Muyard.
Musique : Raphaël Reed.
Effets sonores : Rémi Sealy (Audio Z).
Photos et vidéo : Olivier Bochenek.
Direction artistique : Isabel Rancier et Alexandre L'Heureux.
Collaboration : Théâtre Ciel Ouvert.
Une production du Théâtre du Frèt (Montréal, Québec).
Tout public à partir de 7 ans.
Durée : 55 minutes.

•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 13 h 30. Relâche le jeudi.
Théâtre du Balcon, 38, rue Guillaume-Puy, Avignon.
Réservation via ticket'OFF ou par téléphone : 04 90 85 00 80.
>> theatredubalcon.org

Brigitte Corrigou
Lundi 1 Juillet 2024

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À Découvrir

•Off 2024• "Momentos" Créativité à l'honneur avec des chorégraphies où s'exprime parfois une poésie intime et universelle

Le Flamenco est une force brute et pure qui nous touche en plein cœur, car il est l'art dans lequel le chant, la musique et la danse se questionnent, se répondent et se mêlent dans une totale intimité. Pour l'essentiel, le répertoire du flamenco a été codifié au cours du dernier tiers du XIXe siècle et du premier tiers du XXe. De cette époque, la guitare est son instrument emblématique, à la fois pour l'accompagnement du chant, de la danse et pour le concert soliste. Depuis, son évolution a été marquée par quelques grandes tendances esthétiques.

© Sandrine Cellard.
La musique et la danse flamencas sont basées sur des "palos" (formes) prescrivant pour chacune un mode et un cycle métrique avec accents ou "compas" (accents obligés) spécifiques. Une mécanique de précision qui convoque malgré tout une dimension artistique forte et étourdissante.

Sur scène, une danseuse, deux danseurs, trois musiciens et un chanteur-musicien envoûtant le public dès les premiers instants du spectacle. Que vous soyez novice ou aficionado du flamenco, vous vous laisserez embarquer dès les premiers instants du spectacle et impossible de ressortir déçu de cette éblouissante prestation flamenca de Valérie Ortiz.

Certes, le flamenco est sensiblement ancré dans la culture espagnole et d'aucuns diront que ce dernier ne les interpelle pas, qu'ils n'en perçoivent pas les codes, n'en mesurent aucunement les mouvements dansés à leur juste valeur. Ça peut être exigeant, en effet, de suivre "à la lettre" une prestation flamenca, comme le jazz aussi, par exemple, et ça demande une certaine phase d'initiation. Ceci n'est pas faux. Difficile d'entendre cette possible réticence, néanmoins… le flamenco revêt une portée universelle réunissant à lui seul un large éventail de situations allant de la tristesse à la joie, en passant par l'amour ou la souffrance. Alors, comment y rester indifférent ?

Brigitte Corrigou
27/05/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

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© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024