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Avignon 2024

•Off 2024• "La Fête du slip" Une mise à nu éblouissante qui porte haut et bien droit la chose en question

Mickaël est un quadra qui revient de loin, mais qui va enfin beaucoup mieux. Pour autant, sa mère et bien d'autres lui renvoient que le rapport qu'il entretient avec le sexe, et le pénis en particulier, est pour le moins névrotique. Compulsion, performance, obsession de la réussite, de la saturation, du chiffre, sans oublier la taille et la logique hiérarchique qui s'ensuit : qu'est-ce qui se joue derrière le spectre de la puissance ? Quel est le vertige que recouvrerait son redoutable antonyme ?



© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
Comme un OVNI s'adressant au public qui entre petit à petit dans la salle, Mickaël Délis est déjà là sur le plateau, tout de noir vêtu, en chaussettes – jogging et tee-shirt banals. On aurait pu le croiser dans la rue, ou sur le trottoir, devant le théâtre… En nous interrogeant tout de même sur son absence de chaussures et interpellé par son étonnante logorrhée, ses remarques toutes personnelles à l'adresse de certains spectateurs, comme une sorte de parole psychotique et urgentissime émanant de lui. Un hurluberlu probablement un peu perdu dans sa tête et abîmé par les méandres du fleuve intranquille de sa vie et des épreuves qui, de toute évidence, ne l'ont pas ménagé…

Le spectacle est-il commencé ? Certes, oui ! Et l'heure quinze qui suivra ne nous lâchera pas une seconde, tant la fougue créatrice du comédien est hallucinante. C'est du sexe masculin dont il nous parle. Du sien en particulier, de son pénis, du "pipo" ; et le texte, orchestré remarquablement à son sujet en collaboration avec Romain Compingt, se révèle très vite d'une puissance virevoltante, tant du point de vue de son contenu que de l'interprétation par le comédien. Paradoxalement, rien de dérangeant, d'emblée ! Rien qui pourrait choquer ! On se laisse submerger par le propos sans failles.

© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
"La Fête du slip" est le deuxième volet d'une trilogie. L'an dernier, Mickaël Délis a déjà joué dans un premier seul en scène phénoménal : "Le Premier Sexe ou la grosse arnaque de la virilité". Il semble en avoir des choses à dire. Il semble en avoir vécu des événements, des épreuves autour de ce qui l'a obsédé des années durant… Il fallait absolument l'écriture et le théâtre pour s'en émanciper, s'en guérir, après l'analyse, la thérapie et le fait d'avoir dû accepter qu'il était malade. Il fallait en parler. Et il le fait ici, Mickaël, avec brio et grande intelligence.

Il a bien compris que le patriarcat doit être déconstruit, que "le genre est une production sociale qui n'a rien à voir avec le sexe biologique ; que, derrière le mythe de la virilité, il y a l'esbroufe incroyable de la bite et la cata des confusions qui en découlent".

C'est grâce à une magnifique ingénuité scénographique et plastique que Mickaël Délis déploie, avec délice, ses réflexions intimes, ses souvenirs d'une traversée du désert bien sombre et toute personnelle, son parcours difficile, ses expériences borderlines qui ont failli l'emporter. Car la lumière éblouit le noir total du plateau de façon magique grâce à des néons multicolores détournés qui magnifient le verbe et, surtout, le jeu exceptionnel du comédien, intense. Presque du "jamais vu"…

Sa dextérité dans la manipulation de ces accessoires qui projettent le public dans plusieurs univers distincts est digne des plus grands magiciens. C'est beau ! Beau comme le thème exploité. Oui ! Osons le mot. Car un tel thème aurait pu revêtir bien d'autres allures. Il y a sans doute plus poétique que de parler du pénis, de verge, de vagin aussi, de pénétration, de masturbation, de la trique, du membre, de sexe, de partenaires sodomisés, de fétichisme, de pornographie, de consultations intimes chez un médecin expert qui ne mâche pas ses mots, d'érotisme !
Eh bien, non… Pas sous la plume et le jeu d'acteur brillantissimes d'un Mickaël Délis et de ses comparses avertis en coulisses.

© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
"Ces néons, c'est l'arme par excellence dans sa version pop depuis le sabre du Jedi (…). Dans les représentations collectives, les néons peuvent être ceux du Red Light District d'Amsterdam, des sous-sols sexualisés, de la nuit, mais aussi des enseignes de marketing contemporain avec ses modèles pesants et uniformisés (…)".

Des séquences souvenirs, traitées avec un humour justement dosé, et une maîtrise dramaturgique exceptionnelle ne manqueront certainement pas de séduire le public, comme celle de "l'arrière de l'église Saint-Méri", de l'appel téléphonique de la standardiste du centre de dépistage HIV, de la visite du fils au père malade – séquence hommage très émouvante au père disparu l'hiver dernier –, du boy friend italien que l'on pourrait croire qu'il est là, sur le plateau cuisinant des liguines, ou encore la référence historique du procès pour impuissance sexuelle du baron d'Argenton.

Dans "La Fête du slip", Mickaël Délis jongle avec de nombreuses informations et on ne peut qu'être admiratif face au travail de fourmi titanesque de fond que ce spectacle a dû représenter : une véritable expérience de recherches historiques, littéraires ou scientifiques, mais qui s'imbriquent pourtant telle une merveilleuse mécanique de précision dans l'évocation intimiste.
"Comment récupérer le pouvoir quand on est si peu puissant ? Une poutre ne sert jamais au menuisier !".

© Marie Charbonnier.
© Marie Charbonnier.
"La Fête du slip ou le pipo de la Puissance" est un travail d'orfèvre, comme un cri libératoire, un tsunami d'apaisement enfin trouvé. C'est un procès au patriarcat, "un questionnement improbable sur l'idée que l'érection a indexé tout un système à la performance", une démonstration vertigineuse sur le fait que "le contraire de la puissance, ce n'est peut-être pas la vulnérabilité. Et l'amour dans tout ça ?".

À n'en point douter, Mickaël Délis a dû côtoyer longuement la poésie de Charles Baudelaire, pour lequel le spleen et la boue se sont transformés en or, car, de son côté, il a su admirablement pallier ses années de souffrance et les transformer en un bijou théâtral et créatif étincelant. Hors norme.

Bertolt Brecht a dit dans un ouvrage intitulé "Petit organon pour le théâtre" que tous les arts contribuent au plus grand de tous les arts : celui de vivre. Nous allons le faire, nous aussi, vivre, en attendant avec impatience le troisième volet de cette trilogie intitulée "La rencontre du troisième type ou la trilogie du mâle aimé". Ce troisième volet, "Les Paillettes de leur vie ou la paix déménage", interrogera la paternité et la filiation au travers d'un parcours de don de sperme.
"La Fête du slip", au Théâtre de la Reine Blanche, est un merveilleux exemple de la nécessité de vivre, vivre, vivre, surtout quand ça cafouille !

Pour ma part, j'ai une pensée très très émue pour un ami proche trop tôt disparu, homme brillant à plusieurs niveaux, qui aurait certainement ovationné lui aussi cet extraordinaire moment de théâtre. Il s'y serait retrouvé à de nombreux égards, sans doute. Il n'a pas eu la chance de Mickaël ! Salut, Sébastien R.

Spectacle vu le mercredi 15 mai 2024 à la Reine Blanche à Paris.

"La Fête du Slip"

"Ou le pipo de la Puissance"
Seul-en-scène autobiographique.
Texte : Mickaël Délis.
Mise en scène : Mickaël Délis et Papy de Trappes.
Avec : Mickaël Délis.
Collaboration artistique : David Délis et Vladimir Perrin.
Consultant choégraphique : Clément Le Disquay.
Création lumière : Jago Axworthy.
Collaboration à l'écriture : Romain Compingt.
Par la Compagnie Passages.
Durée : 1 h 15.

•Avignon Off 2024•
Du 3 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 21 h 45. Relâche le lundi.
Théâtre de la Reine Blanche, 16, rue de la Grande Fusterie, Avignon.
Réservations : 04 90 85 38 17.
reservation@scenesblanches.com
>> reineblanche.com

Ce spectacle est le deuxième volet d'une trilogie sur la masculinité. Le précédent, "Le Premier Sexe, ou la grosse arnaque de la virilité", se jouera aux mêmes dates à 20 h 15, toujours à la Reine Blanche d'Avignon.

Brigitte Corrigou
Mardi 18 Juin 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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Gil Chauveau
19/06/2024
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Gil Chauveau
26/03/2024