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Avignon 2024

•Off 2024• "Eurydice aux Enfers" Vivre comme mourir engage l'être tant dans son âme que dans son corps

Ayant perdu son épouse Eurydice, Orphée pleure sa mort durant la cérémonie funèbre. Zeus, voyant le chagrin du jeune homme, l'autorise à descendre aux Enfers pour qu'il aille chercher sa bien-aimée. Une seule condition lui est imposée : qu'il ne croise le regard d'Eurydice à aucun moment.



© Julie Mitchell.
© Julie Mitchell.
Accueilli d'abord avec hostilité par les Esprits infernaux, Orphée est ensuite guidé par les Ombres heureuses dans le paysage des Champs-Élysées et elles lui rendent Eurydice. Tous deux chantent le bonheur retrouvé et Orphée veille à ne pas regarder son épouse. Mais celle-ci commence à douter de l'amour d'Orphée qui lui refuse tout contact. Tenu au silence, Orphée finit pourtant par briser le serment et témoigne son amour à Eurydice : la jeune femme s'effondre aussitôt, laissant à nouveau Orphée seule. Toutefois, grâce à l'intervention de l'Amour, ils seront bientôt unis pour l'éternité.

Tel est le résumé du célèbre mythe d'Orphée et Eurydice. Mais c'est avec une grande modernité et une grande audace que la Compagnie de l'Eau qui Dort, sous la houlette de Gwendoline Destremau, a revisité ce dernier. Ici, c'est Eurydice qui traverse la croûte terrestre pour retrouver son amant Orphée décédé. Elle rencontre de multiples cadavres et créatures qui font de sa route vers l'amour un véritable chemin initiatique. La mise en scène, d'une modernité heureuse et lumineuse, met l'accent sur une incontestable dimension féminine sans toutefois afficher de grandes revendications féministes auxquelles on est souvent confronté ! Car dans cette pièce, tout est soigneusement sobre à ce sujet, juste et subtile.

© Julie Mitchell.
© Julie Mitchell.
La comédienne Louise Herrero en est en grande partie "responsable" tant son jeu est captivant, sensible et tellement bouleversant. Dès les premiers instants de la pièce, elle est là, sans l'être vraiment. On la voit, on la devine. Elle va apparaître bientôt. Les trois comédiens qui scandent le texte d'ouverture nous la rendent déjà assurément présente : "Eurydice, c'est une pelleteuse enragée. Elle suit la route inconnue des Enfers. Elle va plus vite que la mort. Rien ne l'arrête ! Quelle femme. Quelle nageuse. En voilà une qui ne se laisse pas abattre. Je répète. En voilà une qui ne se laisse pas abattre". Le ton est donné ! Et tout au long de la pièce, le spectateur ne perdra pas une miette des péripéties de l'héroïne qui se bat contre la mort pour le droit suprême de celui de la vie.

Le texte est écrit avec force et sobriété tout en mélangeant avec parcimonie comique et tragique, sans pathos ni dérives larmoyantes. La mise en scène, quant à elle, peaufine ce dernier sans artifices inutiles. Le spectateur est balancé tantôt dans les souvenirs d'Eurydice, tantôt dans les entrailles des Enfers. C'est efficace, bouleversant. On est ému. On sourit. C'est une ode à la vie, tout simplement. Mais rien n'est jamais simple quand il s'agit de parler de la mort. Pourtant, la pièce y parvient joliment. Parler du deuil par le biais d'un mythe aussi célèbre que celui d'Orphée et Eurydice n'est-ce pas avant tout parler la vie ?

"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait" a dit Mark Twain. Peut-être, Gwendoline Destremau s'est-elle inspirée de cette maxime bien connue pour revisiter ce célèbre mythe et elle a eu bien raison ! Ou il y a peut-être autre chose… C'est le cas. Il y a par exemple les méandres sournois de la vie quand elle frappe un grand coup comme ceux vécus par une de ses meilleures amies le jour où son compagnon a décidé de mettre fin à ses jours ! Gwendoline sera à ses côtés lors de cette épreuve tragique et elle la verra tantôt exaltée, désemparée, fragile et forte à la fois.

Eurydice, c'est toutes les femmes réunies, celles qui parfois "foutent le bordel" comme elle dans les Enfers, parce qu'il faut bien souvent mettre du désordre pour réveiller les consciences ! Dans l'ascenseur qui la descend aux Enfers, Eurydice a besoin du "pass cadavre" qu'elle n'a pas. Elle y descendra malgré tout grâce à sa seule volonté et à sa force décuplée. Eurydice creuse la terre avec ses ongles pour retrouver Orphée à l'image de toutes les femmes du monde qui se battent et qui creusent, elles aussi, petit à petit un sillon nécessaire à leur reconnaissance.

© Julie Mitchell.
© Julie Mitchell.
Le spectateur est conquis et happé sans ménagement du début jusqu'à la fin de la pièce par l'interprétation complice des quatre jeunes comédiens et du musicien masqué à la présence virevoltante et pour le moins énigmatique. Les effets de lumière ne sont pas en reste qui nous projettent dans des univers chatoyants et nous transportent.

Une bien jolie pièce à voir ou à revoir coûte que coûte… Car comme le dit si merveilleusement le grand écrivain et académicien François Cheng, "vivre engage l'être tout entier : un corps, un esprit, une âme qui sont reliés à l'univers". En Chine, cela s'appelle "le Mandat du Ciel". "La Vie a la prééminence, dit-il, mais nous sommes dans le pétrin".

"Eurydice aux Enfers"

© Julie Mitchell.
© Julie Mitchell.
Texte : Gwendoline Destremau.
Mise en scène : Gwendoline Destremau.
Avec : Anthony Devaux, Émilie Bouyssou, Pierre-Louis Gastinel, Louise Herrero.
Musicien : Arthur Dupuy.
Création lumière : Bertille Fridérich.
Costumes : Maxence Rapetti-Mauss.
Par la Cie L'Eau qui Dort.
Tout public dès 10 ans.
Durée : 1 h 05.

•Avignon Off 2022•
Du 5 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 18 h 25, relâche le mardi.
Théâtre des Carmes André Benedetto, 6, place des Carmes, Avignon.
Réservations : 04 90 82 20 47.
>> theatredescarmes.com

Brigitte Corrigou
Jeudi 20 Juin 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024