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Avignon 2024

•Off 2024• "Diego" S'appeler Diego, être prédestiné au football, et ne pas aimer le foot… la lutte contre le destin

Un tapis de course qui se transforme en pelouse, en gradins, en gril de scène ou en mur de flashs, voici l'espace de jeu au centre du plateau. Ce dispositif ingénieux, le comédien le fera évoluer tout au long de l'histoire pour imager les différents épisodes de la vie du personnage qu'il incarne. Cela commence juste avant sa naissance, un certain jour de 1998, le 12 juillet pour être exact. La date est loin d'être anecdotique, car elle va faire peser des conséquences énormes sur tout l'avenir du nouveau-né. Le 12 juillet 1998 est le jour où l'équipe de France de football bat l'équipe du Brésil, 3 buts à zéro en finale de la coupe du monde.



© Laurent Charrier.
© Laurent Charrier.
L'enfant aurait pu s'appeler Zinedine, ce que son père aurait voulu, mais la maman était plutôt fan de l'équipe d'Argentine, et c'est elle qui aura le dernier mot. Le petit se prénommera Diego, comme la star de foot, Diego Maradona. Et voilà un poupon qui n'a rien demandé à personne, chargé d'une sorte de destinée qui le poursuivra toute sa vie. C'est ce trajet que Diego raconte, depuis l'enfant que la volonté paternelle pousse à devenir un grand footballeur, jusqu'à l'âge adulte où il parvient à secouer ce costume peu fait pour lui et réaliser ses propres choix.

Un spectacle en forme de course haletante. Une course vitale et existentielle, car sport et reconnaissance sociale partagent les mêmes angoisses. Tirant sur le fil des sentiments intimes et profonds, Diego tisse le destin d'un personnage imaginaire ou non, de l'enfance jusqu'à l'abîme de la consécration, qui, tel le papillon jetant sa chrysalide au sol, prend l'envol qu'il a choisi au lieu de celui pour lequel il a été formaté.

C'est un cri tendre de liberté que ce spectacle. Pris dans la toile ténue des désirs parentaux et des coïncidences de la vie, Diego est un héros ordinaire. Eh oui, une naissance n'a jamais lieu un terrain vierge. L'enfance non plus. Et donner un prénom ne suffit pas à donner à la vie d'un enfant, pas même une protection.

© Laurent Charrier.
© Laurent Charrier.
Il y a dans ce spectacle une sensible interrogation sur les enchaînements d'influences qui agissent sur les êtres. Car, la réalité est que Diego, le personnage joué par Hugo Randrianatoavina, n'est pas fait pour être footballeur malgré le désir fou de son père. On assiste pendant un peu plus d'une heure la lutte de celui qui est au départ un enfant contre ce destin qui n'est pas le sien.

La mise en scène tout feu tout flamme de Barthélémy Fortier donne un rythme palpitant au spectacle. Hugo Randrianatoavina est un feu follet qui bondit sur toute la scène, soutenu par quelques vidéoprojections qui plantent le décor et le temps de la narration. Courses, bondissements, rebondissements alternent avec des moments de tendresse et de doute. On sent que ce personnage lui colle à la peau.

On a bien sûr le côté anecdotique, celui de l'histoire pleine d'épisodes du jeune Diego. Mais, il y a aussi distillé dans ce spectacle, toute une vision plus large, plus profonde. La peur de décevoir le père, la peur du père de voir ses rêves abandonnés, la crainte de n'être pas celui que l'on attendait… La lente lutte contre un destin impossible finit comme une libération bénéfique, la réalisation d'une vie. Et l'on perçoit quelque chose de touchant dans ce combat entre un fils et son père, qui montre comment deux êtres qui s'aiment peuvent parfois devoir combattre leurs sentiments pour exister.

"Diego"

© Laurent Charrier.
© Laurent Charrier.
Sur une idée originale de Barthélémy Fortier et Hugo Randrianatoavina.
Texte : Alexandre Cordier.
Mis en scène : Barthélémy Fortier.
Avec : Hugo Randrianatoavina.
Collaboration artistique : Nina Ballester.
Composition et création musicale : Tommy Haullard.
Scénographie : Emmanuel Lagarrigue.
Création lumière : Nicolas De Castro.
Création sonore : Clément Vallon.
Par la Cie Ce soir-là, c’était la neige.
Tout public à partir de 10 ans.
Durée : 1 h 10.

© Laurent Charrier.
© Laurent Charrier.
•Avignon Off 2024•
Du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 20 h 05. Relâche le mercredi.
Théâtre La Luna, Salle 1, 1, rue Séverine, Avignon.
Tél. : 04 90 86 96 28.
>> theatre-laluna.fr

Bruno Fougniès
Vendredi 21 Juin 2024

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024