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Avignon 2024

•Off 2024• "Comment j'ai dressé un escargot sur tes seins" Comme un jeu de clés qu'on laisserait à l'amour qu'on pense avoir trouvé

Salvatore Caltabiano a troqué sa guitare pour l'escargot. Troqué ses mots "perso" pour ceux de Matéi Visniec, auteur franco-roumain, prolifique et atypique. Oui, car il possède une qualité incroyable : c'est un vrai soutien, régulièrement présent dans les salles pour humer les ondes du public face aux artistes qui s'emparent de son répertoire. Dans le cas présent : Salvatore. Excellent !



© Adam M.
© Adam M.
Matéi Visniec était présent le lundi 14 janvier 2019 au Théâtre de la Contrescarpe (Paris) lors de la création. Comme il le fut aussi le 13… C'est beau un auteur qui n'attend pas seulement de voir ses droits tomber…

Matéi Visniec et Salvatore Caltabiano ont plusieurs points communs, inutile de dire qu'ils se sont bien trouvés : d'abord, les titres allongés de leurs spectacles. "Comment j'ai dressé un escargot sur tes seins" pour le premier", "Les femmes, le chocolat et moi" pour le second. Puis leur élégance. J'ai eu l'occasion d'échanger quelques mots avec l'auteur, d'une finesse et d'une humilité intimidantes. Mêmes qualités qu'on retrouve chez Salvatore. Enfin, dernier point commun, culminant même : le cœur. Dans les deux partitions ci-dessus citées, il est question du cœur, de l'amour et de toutes ses affinités.

Si Salvatore chantait parfois dans son premier spectacle, au son de sa guitare, cette fois, il incarne de sa voix posée et subtile le texte de l'auteur franco-roumain et cela lui sied très bien. Il pose le cœur du personnage qu'il incarne, comme un jeu de clés qu'on laisserait à l'amour qu'on pense avoir trouvé. Ce jeu de clés qui signifie parfois le début d'une belle histoire entre deux êtres passionnés. Les clés ouvrent la porte d'un nouvel horizon comme le cœur du personnage qui va s'ouvrir "piano-piano".

© Philippe Hanula.
© Philippe Hanula.
À défaut de l'araignée qui monte, qui monte, c'est à un escargot que l'auteur fait référence. L'escargot dans sa coquille qui sort petit à petit, rampant délicatement vers ce corps féminin dont il est tombé amoureux. La coquille représentée là par une caisse en bois dans laquelle le personnage parfois se réfugie, comme une bulle ou un cœur trop sonné qui soudain étouffe et se recroqueville.

Il est assez complexe parfois de rentrer dans l'univers d'un auteur. Un auteur comme Matéi Visniec qui a ses propres codes, ses propres références, sa poésie et ses facéties. Le metteur en scène - Serge Barbuchia - respecte cela. Il ne cherche pas à en mettre plein la vue. Il simplifie. Le décor n'est pas "pauvre" mais sobre. La direction n'est pas caricaturale, mais remarquable d'authenticité. Le choix de la musique très original.

Comme l'auteur, le comédien porte en lui de la délicatesse. Il y a dans la manière de Visniec d'appréhender le monde, beaucoup de bienveillance, même si parfois, masqué par de belles prouesses métaphoriques, on ne peut nier une certaine cruauté dans cette société. Il ne fait pas la leçon et le comédien n'impose rien. Il vit. Il raconte l'amour, la quête et les remises en question. Aller de l'avant, ouvrir le champ des possibles, ouvrir ou fermer cette boîte. Ouvrir ou fermer son cœur… s'ouvrir à l'autre.

L'autre, ce soir-là, c'était lui, elle, lui et elle, beaucoup de couples dans la salle. Et moi, assise, entre tous ces gens-là venus découvrir un spectacle dans une salle agréable : la Contrescarpe. Ce lieu est important, car on y découvre du théâtre bien vivant, des auteurs contemporains et de la direction, un vrai engagement.

Salvatore et Matéi se sont bien trouvés, car la séduction du comédien sans excès, sans artifices, ressemble beaucoup à la plume de l'auteur qui séduit d'année en année de plus en plus de lecteurs.

Une autre histoire d'amour est née, celle qui lie deux artistes vivants prêts à offrir au public une histoire de notre temps, soufflée de poésie, d'élégance et de grande intelligence. Qu'il fasse froid, qu'il pleuve, en métro, à vélo ou même sur le dos d'un escargot, je vous conseille vivement de profiter de cet excellent moment et d'avoir la chance de parler à ce magnifique duo.

"Comment j'ai dressé un escargot sur tes seins"

© Adam M.
© Adam M.
Texte : Matéi Visniec.
Mise en scène et scénographie : Serge Barbuscia.
Avec : Salvatore Caltabiano.
Musique originale : Éric Craviatto.
Lumières : Sébastien Lebert.
Construction du décor : Jean-Pierre Marmoz.
Voix : Dothy.
À partir de 10 ans.
Durée du spectacle : 1 h 05.

•Avignon Off 2024•
Du 3 au 21 juillet 2024.
Tous les jours à 10 h 05. Relâche le lundi.
Théâtre Atelier Florentin, 28, rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 04 84 51 07 00.
>> atelierflorentin.com

Isabelle Lauriou
Mercredi 3 Juillet 2024

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•Off 2024• "Momentos" Créativité à l'honneur avec des chorégraphies où s'exprime parfois une poésie intime et universelle

Le Flamenco est une force brute et pure qui nous touche en plein cœur, car il est l'art dans lequel le chant, la musique et la danse se questionnent, se répondent et se mêlent dans une totale intimité. Pour l'essentiel, le répertoire du flamenco a été codifié au cours du dernier tiers du XIXe siècle et du premier tiers du XXe. De cette époque, la guitare est son instrument emblématique, à la fois pour l'accompagnement du chant, de la danse et pour le concert soliste. Depuis, son évolution a été marquée par quelques grandes tendances esthétiques.

© Sandrine Cellard.
La musique et la danse flamencas sont basées sur des "palos" (formes) prescrivant pour chacune un mode et un cycle métrique avec accents ou "compas" (accents obligés) spécifiques. Une mécanique de précision qui convoque malgré tout une dimension artistique forte et étourdissante.

Sur scène, une danseuse, deux danseurs, trois musiciens et un chanteur-musicien envoûtant le public dès les premiers instants du spectacle. Que vous soyez novice ou aficionado du flamenco, vous vous laisserez embarquer dès les premiers instants du spectacle et impossible de ressortir déçu de cette éblouissante prestation flamenca de Valérie Ortiz.

Certes, le flamenco est sensiblement ancré dans la culture espagnole et d'aucuns diront que ce dernier ne les interpelle pas, qu'ils n'en perçoivent pas les codes, n'en mesurent aucunement les mouvements dansés à leur juste valeur. Ça peut être exigeant, en effet, de suivre "à la lettre" une prestation flamenca, comme le jazz aussi, par exemple, et ça demande une certaine phase d'initiation. Ceci n'est pas faux. Difficile d'entendre cette possible réticence, néanmoins… le flamenco revêt une portée universelle réunissant à lui seul un large éventail de situations allant de la tristesse à la joie, en passant par l'amour ou la souffrance. Alors, comment y rester indifférent ?

Brigitte Corrigou
27/05/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

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© Philippe Hanula.
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26/03/2024