Le pari des Karénine dans cet enregistrement, c'est de nous proposer des transcriptions d'œuvres iconiques (Liszt, Schönberg) ou pas, réalisées par le compositeur ou un de ses disciples - et non le répertoire habituel du trio. Un exercice peut-être particulièrement difficile pour "La Nuit transfigurée" composée pour un sextuor. Crainte légitime : n'y aurait-il pas déperdition d'ampleur, de lyrisme, de force avec la réduction à trois instruments. À l'écoute de cet enregistrement, toute crainte s'envole. Ces transcriptions apparaissent pour ce qu'elles sont : des œuvres à part entière et ce, grâce aux compositeurs mais aussi au grand métier des musiciens.
Le programme s'ouvre sur la transcription de la sixième pièce du premier recueil (consacré à la "Suisse") du cycle des "Années de pèlerinage" de Franz Liszt. Cette "Vallée d'Obermann" dans le cycle originel, décrivant les états d'âme du héros de l'autobiographie romancée de Senancour, est composée en 1835 alors que Liszt est en Suisse avec Marie d'Agoult. Trente ans plus tard, Liszt la retranscrit pour le trio en la renommant (c'est désormais "Tristia") et en opérant quelques modifications. Il écrit une nouvelle introduction "Lento" et développe de nouvelles lignes mélodiques solo.
Le programme s'ouvre sur la transcription de la sixième pièce du premier recueil (consacré à la "Suisse") du cycle des "Années de pèlerinage" de Franz Liszt. Cette "Vallée d'Obermann" dans le cycle originel, décrivant les états d'âme du héros de l'autobiographie romancée de Senancour, est composée en 1835 alors que Liszt est en Suisse avec Marie d'Agoult. Trente ans plus tard, Liszt la retranscrit pour le trio en la renommant (c'est désormais "Tristia") et en opérant quelques modifications. Il écrit une nouvelle introduction "Lento" et développe de nouvelles lignes mélodiques solo.
Paloma Kouider (piano), Fanny Robilliard (violon) et Louis Rodde (violoncelle) nous happent dès l'abord (et pendant les quinze minutes) d'un dialogue d'une grande éloquence. Ils cisèlent un discours profondément élégiaque faisant honneur au langage lisztien, propre "à exprimer tout ce qui en nous, franchit les horizons accoutumés" - tel que l'exprime lui-même le compositeur, attaché toute sa vie à une exigeante quête de l'Absolu. Cette union fiévreuse et inquiète de l'âme et du monde, qu'interprètent parfaitement nos artistes, se retrouvera dans la superbe nuit schönbergienne.
Plus rares, ces "Six Pièces canoniques" opus 56 de Robert Schumann composées à l'origine pour le piano-pédalier à Leipzig en 1845. Le compositeur, déjà instable et en proie aux angoisses, se réfugie dans l'œuvre du Maître. Retrempant son âme dans la fréquentation du génie du contrepoint, il livre ces "Six Pièces en forme de canon". C'est tantôt un pur hommage (écoutez la brève première partie ou l'"Adagio" de la sixième), et tantôt un accord de la manière du Kantor à son chant intérieur - comme le souligne souvent la partition, par exemple cette deuxième pièce "Mit innigen Ausdruck" toute irriguée de l'âme schumanienne. C'est le compositeur et organiste allemand Theodor Kirchner qui en livre une belle transcription qu'exalte le beau tempérament de notre Trio. On savoure pleinement la grande expressivité des chants et contrechants des trois voix, chacune ne se donnant jamais le beau rôle au détriment des autres.
Plus téméraire sur le papier, le CD offre comme pièce de choix "La Nuit transfigurée" dans l'audacieuse transcription d'Eduard Steuermann (un des créateurs du "Pierrot lunaire"). En lieu et place des deux violons, deux altos et deux violoncelles du sextuor originel, la formation violon, violoncelle, piano ne risque-t-elle pas d'affaiblir ce vrai poème quasi symphonique ? Il n'en est rien. Le Trio Karénine parvient brillamment à servir ce langage musical conçu par Schönberg pour dire l'inexprimable en outrepassant le verbe (en l'occurrence le poème de R. Dehmel). La complexité luxuriante du principe de la variation développante (théorisé par Carl Dahlhaus) ne perd rien ici. Les voix des trois instruments tissent avec une belle intensité une superbe texture aux denses réseaux motiviques, aux coloris subtiles dans les cinq parties de ce dialogue entre l'Homme et la Femme. La beauté bouleversante déployée par leur chant nous offre une conversation de toute beauté. Chapeau les Karénine !
Cette "Nuit transfigurée" sera donnée dans un concert au programme éclectique par le Trio Karénine le 15 mars en direct depuis la Salle Cortot et accessible sur le site Recit Hall.
Plus rares, ces "Six Pièces canoniques" opus 56 de Robert Schumann composées à l'origine pour le piano-pédalier à Leipzig en 1845. Le compositeur, déjà instable et en proie aux angoisses, se réfugie dans l'œuvre du Maître. Retrempant son âme dans la fréquentation du génie du contrepoint, il livre ces "Six Pièces en forme de canon". C'est tantôt un pur hommage (écoutez la brève première partie ou l'"Adagio" de la sixième), et tantôt un accord de la manière du Kantor à son chant intérieur - comme le souligne souvent la partition, par exemple cette deuxième pièce "Mit innigen Ausdruck" toute irriguée de l'âme schumanienne. C'est le compositeur et organiste allemand Theodor Kirchner qui en livre une belle transcription qu'exalte le beau tempérament de notre Trio. On savoure pleinement la grande expressivité des chants et contrechants des trois voix, chacune ne se donnant jamais le beau rôle au détriment des autres.
Plus téméraire sur le papier, le CD offre comme pièce de choix "La Nuit transfigurée" dans l'audacieuse transcription d'Eduard Steuermann (un des créateurs du "Pierrot lunaire"). En lieu et place des deux violons, deux altos et deux violoncelles du sextuor originel, la formation violon, violoncelle, piano ne risque-t-elle pas d'affaiblir ce vrai poème quasi symphonique ? Il n'en est rien. Le Trio Karénine parvient brillamment à servir ce langage musical conçu par Schönberg pour dire l'inexprimable en outrepassant le verbe (en l'occurrence le poème de R. Dehmel). La complexité luxuriante du principe de la variation développante (théorisé par Carl Dahlhaus) ne perd rien ici. Les voix des trois instruments tissent avec une belle intensité une superbe texture aux denses réseaux motiviques, aux coloris subtiles dans les cinq parties de ce dialogue entre l'Homme et la Femme. La beauté bouleversante déployée par leur chant nous offre une conversation de toute beauté. Chapeau les Karénine !
Cette "Nuit transfigurée" sera donnée dans un concert au programme éclectique par le Trio Karénine le 15 mars en direct depuis la Salle Cortot et accessible sur le site Recit Hall.
Concert le 15 mars à 19 h sur >> recithall.com
Durée : 1 h 15, 10 euros.
● Trio Karénine "La Nuit transfigurée".
Paloma Kouider, Fanny Robilliard, Louis Rodde.
Label : Mirare.
Distribution : Pias France.
Sortie : 19 février 2021.
>> triokarenine.com
Durée : 1 h 15, 10 euros.
● Trio Karénine "La Nuit transfigurée".
Paloma Kouider, Fanny Robilliard, Louis Rodde.
Label : Mirare.
Distribution : Pias France.
Sortie : 19 février 2021.
>> triokarenine.com