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Festivals

Les arts marionnettiques en pleine effervescence, entre audace et subversion, à Charleville-Mézières

Charleville-Mézières accueillait, du 20 au 29 septembre, la 17e édition de son Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, crée par Jacques Félix en 1961 et dirigé depuis 2008 par Anne-Françoise Cabanis... L'occasion de découvrir un florilège des arts marionnettiques.



"Alvin Sputnik - Down and Down", Pictured Tim Watts © Michelle Robin Anderson.
"Alvin Sputnik - Down and Down", Pictured Tim Watts © Michelle Robin Anderson.
Parmi les très nombreux spectacles programmés, La Revue du Spectacle, présente encore cette année dans la cité rimbaldienne et néanmoins capitale de la marionnette, a particulièrement apprécié trois spectacles étrangers en première présentation française et une compagnie angevine.

>> "Les aventures d'Alvin Sputnick : explorateur des fonds sous-marins" par la Perth Theatre Company (Australie).
Alvin est le dernier des super-héros. Il réussit, alors que la montée des océans a réduit la surface de la terre à quelques ilets épars, à sauver la vie des hommes en plongeant au plus profond des abysses. Au prix du sacrifice, il fait remonter à la surface un morceau du manteau terrestre.

La fable soutenue par une manière simple et belle est limpide. Mêlant en toute fluidité un dessin animé au trait direct et enfantin, une main gantée mais ô combien expressive et un propriétaire de la main en comédien chanteur, le spectacle fait tout simplement rêver.

"Alvin Sputnik - Screen", Pictured Tim Watts © Michelle Robin Anderson.
"Alvin Sputnik - Screen", Pictured Tim Watts © Michelle Robin Anderson.
Alvin avec son scaphandre vert et son petit faisceau de lumière explorant les mondes des profondeurs a la force du mythe. Celui du voyage d’Orphée à la recherche d’Eurydice. Et c’est très beau.

Conception et interprétation : Tim Watts.
Collaboration : Arielle Gray.
Fabrication décor et gadgets : Anthony Watts.
Conseiller technique : Chris Isaacs.
Production : Weeping Spoon Production.

© Maria Angelova.
© Maria Angelova.
>> "Holy" par le Sofia Puppet Theatre (Bulgarie).
Lors d’un repas de fête stylisé, les comédiens à la scène comme à la cène, en toute rigueur et joie, font entrer les marionnettes dans le cercle de l’amour et de la haine. C’est follement drôle et inquiétant. Dans "Holy", il est raconté le repas des ogres qui dévorent leur propres enfants et réciproquement. Les fantasmes courent… s’objectivent et le rire surgit. L’effet marionnettique joue à plein.

Les marionnettes objets du récit sont petites et souples, gélatineuses, quasi invisibles. Elles trouvent leur pleine puissance dans la tension exercée entre le jeu qui s’exprime autour d’elles (les comédiens manipulateurs sont épatants) et leur image projetée en direct sur un écran tableau.

© Maria Angelova.
© Maria Angelova.
Le spectateur découvre avec enchantement les délices de la farce et de la cruauté ; et une forme de vérité sur les réalités familiales. C’est d’autant plus saisissant que la manière de filmer a la qualité d’un film de cinéma d’animation et que les visages sont les répliques des comédiens.

Création, mise en scène, danse : Duda Paiva.
Décor : Jaka Ivanc.
Marionnettes : Duda Paiva Company Atelier et Jim Barnard.
Costumes : Julian Tabakov.
Assistant de direction : Manuela Sarkissyan.
Avec : Tsvetoslava Simeonova, Ivet Lazarova, Dimitar Todorov, Marieta Petrova, Ivan Raykov.

© Nejc Saje.
© Nejc Saje.
>> "La Ferme des Animaux " par le Ljubljana Puppet Theatre (Slovénie).
Ils sont bien mignons ces animaux familiers de la ferme, doudous prêts à servir. Sauf que ceux-ci refusent de s’asservir au fermier ivrogne et décident de se gérer collectivement. Le rêve vire au cauchemar par la rouerie, l’égoïsme de quelques-uns, la naïveté, le dévouement des autres et l’inexpérience générale.

Le texte d’Orwell porté par cette proposition se développe dans toutes ses dimensions.
Nourries de l’expérience intime des sociétés soumises aux pouvoirs autoritaires de l’Est, les marionnettes, dans le concret de leur rôle, prennent la force de véritables caractères. Du cochon au mouton, elles sont humaines... plus qu’humaines.

© Nejc Saje.
© Nejc Saje.
Et le spectateur, dérouté, interroge les liens de l’homme avec les animaux qu’il a domestiqué à son image tout autant que la montée à la dictature et la gérontocratie.

Cette utopie, ce lieu de nulle part qu’est le roman, a trouvé son espace de représentation.

De : Andrej Rozman Roza.
D’après La Ferme des animaux de George Orwell.
Mise en scène : Vito Taufer.
Décor, marionnettes et costumes : Barbara Stupica.
Musique : Mitja Vrhovnik Smrekar.
Coach vocal : Tatjana Stanic.
Assistant : Daniel Day Škufca.
Lumières : Tomaž Štrucl.
Animation vidéo : Neža Trobec.
Technologie des marionnettes : Zoran Srdic.
Interprétation : Brane Vižintin, Iztok Lužar, Gašper Malnar, Jure Lajovic, Martina Mauric Lazar, Polonca Kores, Nina Skrbinšek, Urška Hlebec, Stane Tomazin g.a.
Technique : Alojz Sedovnik, Danilo Korelec, Alojz Milošic, Iztok Bobic, Zoran Srdic, Sandra Birjukov, Marjeta Valjavec, Jernej Remše, Delo Osvobaja d.o.o., Gregor Lorenci, Restavratorstvo Mali.

© Jef Rabillon.
© Jef Rabillon.
>> "Le chant du bouc " par la Compagnie À (France).
La maison, le jardin, le chien et le voisin c’est le rêve pavillonnaire c’est le bonheur béat tant que ne survient pas l’autre voisin qui menace la quiétude.

Dans une atmosphère à la Tati pleine de verve le jeu des comédiens emprunte au music-hall avec sa table de prestidigitateur et ses objets .La comédie se veut résolument kitsch et pourtant c’est naturellement que sous la surface l’inquiétude apparait, la tragédie se noue .Éternelle celle du bouc émissaire et les mécanismes de comportement qui conduisent au drame, au meurtre dont La Compagnie A n’édulcore pas la cruauté tout en évitant les pièges de la complaisance.

Tel qu’il est ce spectacle représente un miracle de lucidité.

© Jef Rabillon.
© Jef Rabillon.
Direction artistique, écriture, mise en scène : Nicolas Alline, Dorothée Saysombat.
Avec l’aide de Nicolas Quilliard.
Jeu : Nicolas Alline, Dorothée Saysombat, Jean- Pierre Hollebecq.
Composition, interprétation musicale : Nicolas Gallard.
Création lumière, régie : Rodrigue Bernard.
Constructions : Géraldine Bonneton, Antoine Chopin, Paulo Duarte, Charly Frénéa, Latifa Le Forestier, Evandro Serodio.
Costumes : Thérèse Angebault, Marithé Alline/Compagnie à.

Jean Grapin
Samedi 5 Octobre 2013

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Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024